Ce 13 juillet, à Stalingrad, le Baam organise son bal des migrants. A l'affiche le musicien Ghandi. Ce soudanais a promené sa flûte en Corée du Nord et dans les concerts de Tryo.
Halle Pajol (18e) – Posé sur l’esplanade Nathalie Sarraute, à l’endroit même où des dizaines de migrants s’étaient installés l’année dernière, Ghandi Adam a le sourire. Le flûtiste et compositeur de presque 40 ans sera sur la scène du Bal des migrants, organisé pour la deuxième année consécutive par le Baam [Le Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants], le 13 juillet place Stalingrad.
« C’est dans la continuité de ce que je fais depuis des années auprès des migrants »
Le Soudanais, casquette sur la tête et veste en cuir, a posé ses valises dans la capitale française il y a une petite dizaine d’années.
Depuis son arrivée, il organise presque chaque semaine des concerts « sauvages » dans les quartiers de Paname où traînent les réfugiés.
« L’idée c’est aussi de repérer des artistes parmi les gens qui viennent, ça pourrait être un moyen pour eux de s’émanciper ».
Biker / Crédits : Maxime Reynié / Hans Lucas
Premier concert en Corée du Nord
Ghandi est né au Darfour, « géographiquement, c’est la Bretagne du Soudan », se marre-t-il. Son père est gouverneur de la région, « très engagé auprès des populations pauvres locales ».
La musique, il la découvre grâce aux associations culturelles françaises : « le centre culturel français, les ONG, l’ambassade française,… », énumère-t-il.
« C’est comme ça que j’ai découvert la France. Je l’ai aimée là-bas. Ici j’ai un peu plus de mal. »
Pour autant, son premier concert à l’étranger se passe… en Corée du Nord. « J’avais 13 ans, je jouais de la flûte depuis quelques années déjà ». Des représentants du régime dictatorial vont au Soudan rencontrer les zicos du coin, en vue d’un festival où se retrouvent des participants de tous les pays communistes. Le gamin s’envole pour Pyongyang, où il côtoie des artistes nord-coréens, russes ou encore cubains. « C’était un peu particulier comme ambiance », reconnaît-t-il.
A son retour au pays quelques semaines plus tard, tout a changé. Le gouvernement est renversé par un coup d’Etat militaire mené par Omar Hassan el-Béchir, qui met immédiatement en place un régime totalitaire et islamiste.
Dans un climat un peu tendu, Ghandi termine son apprentissage de la musique, avant de s’envoler un peu partout en concert avec des groupes plus ou moins connus. « J’ai fait 107 concerts en tout. Dont quelques uns avec Tryo, que j’avais rencontré sur un festival, ou avec la chanteuse Isabelle Mayereau. »
Aller plus haut / Crédits : Maxime Reynié / Hans Lucas
Music for All
15 juillet 2016, Ghandi Adam se rend à Calais pour un concert au cœur de la jungle. Le flûtiste, une cigarette roulée au bout des doigts, sourit en y repensant :
« C’était au moment où il y avait de fortes tensions entre les Soudanais et les Afghans, ça a un peu apaisé les esprits. »
Depuis son arrivée en France en 2006, Ghandi tente d’utiliser la culture pour favoriser la cohésion. Il a monté son association, Music for all International, qui a depuis des structures un peu partout en Europe où des professionnels de la musique partagent leurs savoirs.
« Dans certains pays, ils sont plus avancés que d’autres. Certains ont un local, un endroit où jouer comme à Barcelone. D’autres vont de lieux en lieux. »
Et pour coordonner tout ça, le bonhomme voyage souvent :
« En Norvège, en Angleterre, au Portugal. J’aimerais monter une base aux Etats-Unis, il faudrait que je m’en occupe. »
Une dernière cigarette et Ghandi fonce sur sa trottinette électrique à quelques mètres de l’esplanade, au croisement de la rue Pajol et Philippe Girard. Une petite vingtaine de migrants y traînent.
« Juste après le Bal des migrants, on fera un concert ici aussi. Ça sera un peu plus clandestin, mais il y aura du monde aussi ! »