Même si la clause votée mardi, interdisant les pubs sexistes, n’est pas contraignante, elle n’est pas que cosmétique ou symbolique. Et elle est aussi la preuve qu’une mobilisation citoyenne peut porter ses fruits.
Mardi le conseil de Paris a entériné le nouveau contrat de concession sur le mobilier urbain d’information – les panneaux publicitaires en clair – avec JC Decaux. Routine municipale. Mais ce simple contrat est un début de révolution. Grâce à une clause soumise au vote du conseil par le groupe communiste, il prévoit que :
« Le concessionnaire s’engage à s’assurer qu’aucune publicité à caractère sexiste ou discriminatoire ne puisse être diffusée sur le réseau municipal d’affichage. »
Ce que ça change
Jusqu’à mardi, lorsque les militantes féministes demandaient aux municipalités l’interdiction des publicités sexistes, on leur répondait systématiquement « impossible », « utopiste », « il faut une loi nationale », etc.
Alors les féministes répondaient que les lois existent, celles de 2004 portant création de la Halde) ou celle de 2014 portant sur l’égalité, pour ne citer qu’elles. Certes, les publicitaires, les annonceurs ou les gestionnaires de mobiliers urbains ne sont pas expressément nommés dans ces lois, mais les textes interdisant de montrer des discriminations existent bel et bien.
Au « il faut une loi », les féministes répondaient « il faut une volonté politique de la part des municipalités ». Cette volonté politique, la mairie de Paris l’a exprimée.
Ce que l’on entend par publicité sexiste ou discriminatoire
Certes, la clause votée n’interdit pas totalement les publicités sexistes, notamment car elle est peu contraignante et ne prévoit pas de sanction en cas de manquement. Certes JC Decaux aura beau jeu de dire « mais comment on pouvait savoir que c’était sexiste ? », il n’empêche, un grand pas vient d’être franchi, et il n’est pas que symbolique.
Pour compléter cette clause, Hélène Bidard, adjointe à la maire de Paris en charge de la lutte contre les discriminations, a annoncé la création d’un organe de contrôle des publicités, sur la base d’une charte, permettant de déterminer ce que l’on entend par publicité sexiste ou discriminatoire.
Si aujourd’hui il apparaît difficile à JC Decaux de savoir ce qui est sexiste ou ce qui ne l’est pas, rassurons-nous, c’est le cas de beaucoup de monde et cela s’apprend. Ce qui semble un défi aujourd’hui sera la norme d’ici quelques années pour peu que les outils soient mis en place pour changer les méthodes de travail.
Un jour le contrôle ne sera plus nécessaire
Cette clause au contrat et cette future charte sont de tels outils. Et peut-être que d’ici quelques années les professionnels de la diffusion de publicité auront changé leur manière de choisir ce qui passe et ce qui ne passe pas.
Et les publicités sexistes, ça passe de moins en moins. Le vote du conseil de Paris fait suite à une mobilisation de plusieurs années de la part des féministes.
Les Chiennes de garde, notamment, luttent depuis la fin des années 1990 contre les publicités sexistes, relayée par les jeunes femmes de la Brigade anti-sexiste. Ce qui n’a pas malheureusement pas empêché la dernière campagne de Yves Saint-Laurent. Ce vote est une avancée car il montre que quand la société civile se mobilise et qu’elle est relayée par les pouvoirs publics, la politique peut changer les choses et le quotidien des personnes.
Pressions commerciales
Le quotidien des Parisiennes peut évoluer dans le bon sens grâce à cette clause. Bien sûr il y aura des publicités sexistes demain dans Paris, mais désormais les femmes ont entendu le message : c’est interdit.
Elles se sentiront plus légitimes à dénoncer les visuels dégradants ou discriminants qu’elles pourront encore rencontrer sur leur chemin. Et si les propos sexistes sont interdits dans les publicités, pourquoi les autoriseraient-elles quand ils sont dirigés contre elle dans la rue ou au travail ?
Cette clause, et la médiatisation qui l’accompagne, peuvent contribuer à changer la perception que les Parisiennes ont d’elles-mêmes, leur capacité à dire « stop ».
La concession du mobilier urbain d’information est le plus gros marché de la ville de Paris. En demandant à JC Decaux des engagements sur la question du sexisme et des discriminations, la mairie envoie aussi un message clair aux commerciaux qui travaillent avec elle : on ne décroche pas un marché à Paris si on reproduit le sexisme et les discriminations.
Ainsi Paris non seulement lutte pour l’égalité localement, mais change aussi en profondeur la société. Il n’y aura plus de sexisme dans la pub quand les publicitaires auront plus à y perdre qu’à y gagner. Donc quand les publicités sexistes susciteront une telle indignation du grand public que cela coûtera beaucoup d’argent aux annonceurs, aux publicitaires et aux marques elles-mêmes.
Partout en France
Et la clause votée mardi, si elle n’est pas suffisante, reste une étape importante du processus. D’autres villes peuvent désormais s’emparer du sujet et faire de même. Ce qui a été réalisé à Paris peut l’être dans toutes les communes de France.
Les citoyen-nes ont la possibilité d’interpeller leur maire, leur conseil municipal pour leur demander des avancées concrètes en matière de lutte contre le publisexisme.
Plus largement, à tous les échelons, les pouvoirs publics doivent continuer le travail d’information et d’éducation à l’égalité nécessaire aux changements des mentalités.
- StreetVox /
- publicité /
- Mairie de Paris /
- sexisme /
- féminisme /
- Cover StreetVox /