Pour présenter un candidat à l'élection présidentielle, il faut réunir 500 parrainages d'élus. EELV, NPA et LO se tirent la bourre pour convaincre les maires des toutes petites communes. Quitte à démarcher les soutiens des concurrents.
« Je reviens d’une tournée en Seine-et-Marne », explique Mimosa au téléphone. Depuis « avril-mai », avec les camarades du NPA, elle sillonne les routes de France au volant de sa vieille guimbarde. Une tournée des mairies de toutes petites communes pour convaincre les élus d’accorder leur parrainage à leur champion : Philipe Poutou, l’ouvrier aspirant candidat à la mandature suprême.
La guerre des 500
Pour récolter les 500 signatures d’élus nécessaires, les big partis n’ont pas à se donner cette peine, ils ont largement le quota dans leurs propres rangs. Mais à la gauche du PS, à l’exception de la France Insoumise de Mélenchon qui peut compter sur les élus PC, la bataille est effrénée. D’autant que l’idéal serait d’avoir une centaine de signatures en rab’. En cause, « les aléas des formulaires administratifs », explique Jean-Michel Braud, responsable des parrainages à EELV :
« Il est fréquent que les gens inversent nom et prénom ».
Dans cette bataille, PS et LR jouent tout de même un rôle, le mauvais. C’est que les deux mammouths politiques raflent toujours la première mise. En 2007, Ségolène Royal culminait à 4.655 « présentations validées » par le Conseil constitutionnel. « Le PS verrouille le système, c’est sûr et certain », s’étrangle Pierre Royan de Lutte Ouvrière :
« Mais heureusement, il reste des milliers de maires de petites communes qui ne sont pas à leur botte. »
Dans la bataille pour les parrainages, les bouts de terrain encore vierges sont rares. Pour savoir où taper, les militants du NPA n’hésitent pas à reprendre « les listes des parrains des autres petits candidats » des élections précédentes, reconnaît Mimosa, « comme tout le monde ». Pourtant chez LO, comme chez Les Verts, on jure ne pas manger de ce pain là.
Chacun sa route, chacun son chemin
Quand elle n’est pas en tournée, Mimosa et quatre autres militants du NPA se relayent au local de Montreuil pour coordonner l’offensive et tenir les comptes. La totalité des 2.000 militants revendiqués seraient réquisitionnés et sillonneraient l’hexagone. Si possible en semaine, au pire le samedi quand ils travaillent. En 2012, Mimosa assure que ses gars avaient rencontré entre 10 et 15.000 maires.
Entre ceux qui ne sont pas dispos et ceux qui leur claquent la porte au nez, un binôme a du mal à rencontrer plus de 5 élus par journée de 10 heures. Et puis la séduction politique est un art minutieux. Mimosa se souvient de cet élu qui demande à les rencontrer une seconde fois :
« Il avait déjà décidé, mais il avait envie de causer. »
Chez LO, on pratique aussi le porte-à-porte. Les militants se partagent les territoires arpenter, « à l’aveuglette ». Et le premier arrivé est le premier servi. Mimosa du NPA confesse s’être fait prendre de vitesse plus d’une fois par les troupes de Nathalie Arthaud, parties en chasse plus tôt.
Comme le NPA, c’est à Montreuil que les Verts ont leur siège. Jean-Michel Braud y coordonne les militants qui recherchent les parrainages. Ce sont les sections locales qui assurent les coups de fil à la chaîne, pour convaincre de soutenir Europe Écologie – les Verts, « un petit de gauche ». Donc pas de tournée « à l’aveugle » en voiture, ni d’envois massifs de courriers. Trop chers et pas tops pour la planète, affirme J-M. Sauf que le lendemain, Libération nous apprend que Yannick Jadot aurait écrit à 30.000 maires de communes de moins de 2.500 habitants.
L’arme fatale
Pour convaincre, les militants déroulent le programme du candidat, mais si ça ne prend pas on joue la carte du candidat normal : « la politique nationale est à bout de souffle », rappelle-t-on au NPA. Les petits élus sont des « vrais gens », comme Philippe Poutou qui travaille toujours à l’usine, Nathalie Arthaud professeure dans le secondaire ou bien Yannick Jadot qui traîne un long parcours associatif. L’autre argument massue, c’est la pluralité : même si vous n’êtes pas d’accord, donnez votre signature pour que chaque tendance politique soit représentée.
Quand les militants sentent qu’un élu est à deux doigts de basculer, on sort l’artillerie lourde :
« Les coups de fil directs de Philippe [Poutou] – ou d’Olivier [Besancenot] pour les élus les plus ancrés dans le passé – ça représente quelques dizaines de cas… en tout cas moins d’une centaine ».
À EELV aussi on reconnaît que le coup de fil direct de Yannick Jadot est l’arme ultime. Elle n’est dégainée que sur demande express du maire, sur le point d’être convaincu. « Les maires leur disent souvent “Je suis d’accord avec vous sur tout, sauf…” ». On parle donc du « sauf », mais « pas des plombes ». Le temps du candidat est précieux. « Ou alors, il faudrait qu’il le fasse de nuit, mais la nuit les élus ne sont pas disponibles ! » rigole Jean-Michel.
Last minute
À mesure que le 17 mars, date fatidique de dépôt des parrainages approche, le nombre de maires « libres » diminue. Floréal Soler, maire de Pécharic-et-le-Py, 28 habitants, a déjà filé son sésame au NPA. Pourtant, « tous les jours » au courrier il découvre de nouvelles sollicitations de wannabe candidats de gauche, mais aussi de micros-partis d’extrême droite, qu’il jette à la corbeille :
« Moi, je pratique le rangement vertical. »
Heureusement, certains élus comme Jean-Paul Hatsch, maire de Comprégnac (238 habitants), attendent la dernière minute pour voir « qui a le plus besoin de son coup de pouce ». Le programme des candidats ne semble pas vraiment être son premier critère :
« Il faut donner sa chance à tout le monde. »
Chez les Verts, on la joue confiant. Le 2 février, Jean-Michel Braud assurait à StreetPress qu’il ne leur faudrait plus que 72 heures pour réunir les 500 signatures. Mais une semaine plus tard, le compte n’y est toujours pas. D’autres sont moins sereins et tentent le tout pour le tout. Ainsi, fin janvier, le NPA diffusait une vidéo amateur très second degré, staring Philippe Poutou.
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