Pour Taoufik Belgacem, son fils Tarek ne peut pas s’être radicalisé. A StreetPress, il raconte leurs derniers échanges et les projets dont son fils lui avait fait part quelques jours à peine avant d’être abattu devant le commissariat du 18e.
Paris 19e – « Tu peux tirer sur sa jambe ou sa main, mais pourquoi lui mettre 3 balles dans le cœur ? Pourquoi le tuer ? », s’interroge Taoufik Belgacem. Le 7 janvier, son fils Tarek, 24 ans, mourait sous les balles de la police aux portes du commissariat de la Goutte d’Or. Selon le procureur de la République, il aurait « exhibé son arme [une feuille de boucher] et crié “Allah akbar !” ». Une version que son père ne peut se résoudre à croire.
« Je veux enterrer mon fils, pas la vérité », lance le quadra au petit bouc noir. Il a débarqué à Paris 2 jours plus tôt afin d’organiser le rapatriement de la dépouille. Il a aussi été reçu par le chef de la section anti-terroriste de la brigade criminelle :
« Il m’ont dit qu’il me rendront son corps demain. »
Quelques minutes plus tard, son avocat Nasr Azaiez, nous rejoint dans les locaux de la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives, une association de défense des droits de l’homme :
« Si je suis en retard, c’est parce que j’étais au tribunal pour déposer une plainte contre X pour homicide volontaire. »
Pour ce père endeuillé, Tarek, le gamin qui travaillait avec lui dans ses champs d’olivier et de blé, ne peut pas s’être radicalisé :
« S’il a commis ce qu’on lui reproche, je ne le ramènerais pas. Mais mon fils n’est pas un terroriste. Il ne fait pas la prière, fréquente les filles, va en boîte, boit de l’alcool… Vous trouvez que c’est le comportement d’un terroriste ? »
Des projets d’avenir
Taoufik était resté en contact avec son fils. Dans leurs échanges, rien ne laissait penser qu’il allait commettre un acte terroriste :
« Il avait rencontré une femme en Allemagne. Il voulait se marier, avoir des papiers, s’installer. »
Quelques jours à peine avant sa mort – le dimanche 27 décembre, précisément – Tarek avait passé un coup de fil à son père :
« Il voulait que j’aille lui chercher un extrait d’acte de naissance. J’y suis allé le lendemain et je lui ai envoyé. »
Si le jeune homme était à Paris ce 7 janvier 2015, c’était justement pour pouvoir récupérer son passeport au consulat, assure-t-il. Tarek, jusqu’alors sans papier, semblait convaincu que sa situation administrative allait prendre un tournant favorable d’ici peu :
« Sa mère est malade. Il voulait revenir la voir. Il nous a même demandé de repousser l’opération à l’été prochain. Il pensait que d’ici là, il aurait des papiers et qu’il pourrait venir à son chevet. »
Un bon fils
En attendant de pouvoir circuler plus librement, Tarek tentait d’aider sa famille comme il pouvait. « Il nous envoyait parfois de l’argent pour payer les frais médicaux de sa mère ou des colis. » Dernier en date, un paquet de vêtements, arrivé quelques jours à peine avant le drame.
A gauche, le père de Tarek Belkacem, à droite l'avocat de la famille. / Crédits : Vassili Feodoroff
Taoufik, la voix grave, commence souvent ses réponses en français, avant de basculer sur l’arabe, quand les mots se bousculent, comme quand il évoque les « rêves très simples » de son fils :
« Il voulait se payer une voiture. Il voulait juste s’en sortir avoir une vie meilleure. Notre famille n’est pas vraiment pauvre, mais ce n’est pas toujours facile. »
Il tente alors sa chance dans l’hôtellerie en Tunisie puis s’embarque pour l’Europe. Echoué en Allemagne, il tente de joindre les deux bouts et multiplie les petits jobs au black, au gré des opportunités : carreleur, jardinier…
Connaître la vérité
« Mon fils est mort. Je vous demande de faire ressortir la vérité », lance aux journalistes, Taoufik Belgacem. Une vérité, qui, il l’espère, n’écornera pas trop l’image qu’il garde de son fils :
« Je demande aux témoins qu’ils se fassent connaitre et racontent la vérité. La police n’a pas respecté la loi française. Ce n’est pas parce que quelqu’un sort une arme qu’on est autorisé à l’abattre. »
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