Les diplômés étrangers ne sont-ils plus les bienvenus en France? Depuis plusieurs mois, les conditions d’attribution d’autorisation de travail délivrées à des travailleurs passés par des écoles françaises se sont singulièrement durcies (voir ci-contre). Yasmine, une jeune Tunisienne, raconte comment elle s’est pris cette réalité en pleine figure. Fin septembre, alors qu’elle travaillait depuis plusieurs mois comme consultante dans un cabinet de conseil en système d’informations, elle a été contrainte de quitter son poste du jour au lendemain.
Une circulaire du ministère dont personne n’est au courant En cause : sa demande d’autorisation de séjour sur le sol français en qualité de salariée étrangère lui a été refusée. Pour “Inadéquation de mon poste avec mon cursus. Ce qui est aberrant… et réfutable”, affirme l’intéressée, native de Tunisie. Comme plusieurs diplômés d’origine étrangère, Yasmine s’est retrouvée confrontée au durcissement des conditions de délivrance des autorisations de travail. Depuis le 31 mai 2011 une circulaire du ministère de l’Intérieur enjoint les préfets à adopter “une approche sélective” pour réduire l’immigration légale. “J’avais reçu plusieurs offres mais j’avais aussi justement choisi une entreprise qui a l’habitude de prendre en charge ces procédures”, raconte Yasmine.
Au début, tout se passait bien: une période d’essai sans encombre, une intégration rapide dans la vie de l’entreprise… et puis fin juillet, les choses se sont compliquées. “On m’a annoncé que des refus d’autorisation de travail commençaient à arriver, notamment dans d’autres départements de la société. Tout ça à cause de cette circulaire envoyée dont personne n’est véritablement pas informé”.
Au cœur de l’été, l’heure n’est toutefois pas à l’inquiétude. Enfin, pas trop. “A l’époque, on m’a redit, au sein de ma société, que j’avais un super dossier. Mon PDG a fait une lettre dans laquelle il explique que j’occupe un poste stratégique et que j’apporte une vraie valeur ajoutée à l’entreprise. On m’a dit de rester concentrée sur mon travail parce qu’ils s’en occupaient ”.
Le 7 octobre le ministre de l’enseignement supérieur Laurent Wauquiez a fait de part de son souhait de « corriger » le texte. Claude Guéant l’a envoyé boulé 5 jours plus tard.
Virée en 24h Au mois d’août pourtant pas de nouvelles. “Chaque jour, je me dis alors que je peux me faire virer”. La situation devient tendue d’un point de vue administratif. L’autorisation qui permet à Yasmine de rester sur le territoire français en qualité d’étudiante étrangère expire le 30 septembre. La promesse d’embauche qu’elle a obtenue est suspendue à l’autorisation de travail qui a été demandée. “Et sans ça, je ne peux pas être engagée”. Si on la lui refuse, son contrat est aussitôt interrompu: elle doit quitter mon poste dans les 24 heures. Ce qui arrive fin septembre: le 28, la Direccte (Direction régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi, NDLR) oppose un refus à sa demande.
“J’ai dû rendre mon matériel dans la foulée, et j’ai déposé un recours. Ma hiérarchie en a déposé un autre. Le ministère du Travail a deux ou trois mois pour l’étudier. Mais le récépissé qui me permet de rester en France expire le 26 novembre. Je me retrouve prise dans les mailles d’un filet”.
Et je n’ai pas pris le travail d’un Français
Mon PDG fait une lettre dans laquelle il explique que j’occupe un poste stratégique et que j’apporte une vraie valeur ajoutée à l’entreprise
« Je n’ai pas pris le travail d’un Français » Yasmine refuse cependant de baisser les bras. Elle s’est tournée vers le Collectif des étudiants étrangers, découvert via un groupe Facebook
Cette structure se mobilise pour soutenir ceux qui se retrouvent dans cette situation. Il est soutenu par la Conférence des grandes écoles: on peut y obtenir des conseils, des retours d’expérience, des informations auprès d’avocats spécialisés… “Ce que je conseille aux autres? De se rapprocher du collectif, et d’un avocat s’ils en ont les moyens”.
En attendant de savoir à quoi ressemblera la suite, la jeune femme est en stand by. Comme bloquée dans un troublant trou noir: elle ne peut évidemment postuler nulle part. “On nous dit que les étudiants étrangers doivent retourner chez eux, rendre à leur pays ce qu’ils ont appris ici. Mais je pense qu’on a aussi le droit de choisir où on veut travailler: ici, j’ai des attaches, de la famille, des amis… et je n’ai pas pris le travail d’un Français”.
Pour contacter le collectif des étudiants étrangers, il y a aussi un mail:
collectifetudiantsetrangers@gmail.com
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