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    04/12/2015

    Le mouvement de François Asselineau en lice dans toutes les régions

    UPR : le parti conspirationniste présente 1971 candidats aux régionales

    Par Maral Amiri , Aurélia Blanc

    Il fustige « l’empire euro-atlantiste et l’oligarchie financière » et martèle que l’Hexagone devient une dictature dirigée en secret par l’Europe et l’oncle Sam : l’Union Populaire Républicaine (UPR) de François Asselineau squatte les régionales.

    « Aucun attentat de quelque nature que ce soit ne saurait suspendre le cours d’une campagne électorale nationale ». Au lendemain des attaques terroristes de Paris, l’Union Populaire Républicaine (UPR) continue de mobiliser ses troupes en vue des élections régionales. Et pour cause, avec 13 listes, et 1971 candidats, l’UPR est présente dans toutes les régions métropolitaines et à La Réunion : un tour de force pour le micro-parti conspirationniste de François Asselineau.

    Comprendre la ligne politique de l’UPR n’est pas vraiment simple. « Nous sommes un mouvement de libération nationale », tente Ahmed Ghlamallah, tête de liste dans l’Allier, passé par Debout la République et ancien contributeur du site d’extrême droite Riposte Laïque :

    « Il y a chez nous des gens qui viennent de tout l’éventail politique. Nous nous entendons sur les grands principes que sont la souveraineté nationale, la liberté et la démocratie. »

    Une seule constante dans le programme de l’UPR : échapper à la domination (cachée) des États-Unis. Leur solution : la « triple sortie » de l’Union Européenne, de l’euro et de l’Otan. Un triptyque répété en boucle, au point d’éclipser tout le reste. Le mariage pour tous, la laïcité ou le nucléaire ?

    « Ce sont des sujets clivants et secondaires par rapport aux véritables enjeux que notre pays est en train d’affronter, donc nous n’en parlerons pas ».

    « L’UPR, c’est comme un sérum de vérité »

    Un mardi soir dans le 18e, direction un « café-citoyen » organisé par l’une des sections parisiennes du parti, où se retrouvent des adhérents : étudiants, trentenaires, retraités. Rendez-vous « Chez gigi », un bar-restau de quartier un peu vieillot à l’ambiance familiale. « L’UPR, c’est comme un sérum de vérité, ça permet de se désintoxiquer », estime Pierre-Yves*, la cinquantaine grisonnante. Sympathique et affable, l’homme a rejoint le mouvement six mois plus tôt. Aujourd’hui, il en est convaincu :

    « Les Américains veulent détruire la France, les Français, la francophonie, tout. »

    Et de poursuivre, attablé devant sa pizza végétarienne et son verre de rouge :

    « En fait, leur projet c’est de créer un chaos pour que renaisse un nouvel ordre mondial. »

    « C’est l’idée des nazis d’ailleurs », le coupe Christophe*, 30 ans, ex-abstentionniste. Le nouvel ordre mondial, c’est l’un des dadas des militants de l’UPR. En substance, nos politiques ne seraient que des pantins manipulés, avec en guise de marionnettiste, les Etats-Unis.

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    « Le seul parti politique qui fait peur au système ! » / Crédits : CC.

    Des preuves indiscutables

    Jamais à court de scoops, le site de l’UPR carbure côté « révélations » : on découvre par exemple les « liens étranges » qui uniraient des sites antifascistes français (Indymédia et Rebellyon) et l’oncle Sam. A l’occasion d’une autre conf du boss, on apprend également que la CIA et la famille Bush seraient quant à elles derrière le FN (5). Yannick Hervé, ancien responsable régional de l’UPR, exclu du parti en mai 2015, de reconnaitre :

    « Autant les premières conférences de François Asselineau étaient passionnantes, autant dans les dernières il y a des sujets où il est devenu obsessionnel : la famille Le Pen, la CIA… C’est comme le Dalaï-Lama : on ne sait pas pourquoi il lui en veut, mais il peut en parler des heures en expliquant qu’il est un suppôt de la CIA. »

    Pour autant, cet ancien décrocheur de drapeau européen continue de défendre ses ex-camarades :

    « L’UPR n’est pas complotiste, elle s’appuie sur des archives, des textes juridiques, économiques… Tout repose sur des documents officiels. »

    (img) On ne nous dit pas tout upr_europe_us.jpg

    Un argument qui est aussi celui d’Asselineau. « Tout est sourcé », martèle le président du parti, de vidéos en conférences. Ses démonstrations valent pourtant leur pesant de cacahuètes. Pour démontrer que le rouge et le bleu du logo de l’UMP ne seraient pas ceux « du drapeau français » mais « des couleurs typiquement américaines », il dégaine Photoshop :

    « Dans la palette RVB (Rouge-Vert-Bleu), le bleu du drapeau français est approximativement R0-V10-B94 alors que le bleu du logo UMP est à peu près R46-V89-B151 (…) Les dirigeants de l’UMP ont-ils fait ce choix de façon pleinement consciente ? »

    Objectif caché :

    « Transformer la France en une copie des États-Unis par petites touches, sans que les Français ne comprennent bien ce qui se passe. »

    Chasse aux conspis

    Mais à l’approche des régionales, l’UPR tente de lisser son image. Le 18 septembre, le secrétaire national du parti a envoyé un mail à ses responsables, leur demandant de « nettoyer immédiatement toutes [leurs] pages Facebook ou Twitter ». Est proscrit :

    « Tout ce qui peut porter à polémique inutile (complotisme, antisionisme…). Si vous avez un doute, ne publiez rien. »

    Yannick Hervé avait déjà reçu ce message au printemps 2015 :

    « En gros, le secrétariat général, sur ordre d’Asselineau, a dit qu’il fallait qu’il n’y ait plus aucun statut d’attaquable… Pour éviter que le président de l’UPR ne se retrouve ensuite confronté à des questions de journalistes. »

    Et de poursuivre :

    « J’avais répondu que c’est difficile si on ne donne pas une liste de ce qu’on ne peut pas publier. Parce qu’on est toujours le conspirationniste de quelqu’un d’autre. »

    Depuis, l’homme a été exclu du parti, entraînant derrière lui une vague de démissions.

    Pas vu à la télé

    Si l’UPR se fait rare à la télé, c’est aussi un complot : il serait « le seul parti politique qui fait peur au système » et les grands médias « essaient de cacher [son] existence au peuple français. » Cette « censure » vire à l’obsession, au point d’en faire leur slogan de campagne :

    « Le parti qui monte malgré le silence des médias. »

    Dernier exemple en date selon l’UPR : Le Point, qui aurait sciemment ignoré sa candidature aux régionales. Depuis mi-octobre, Asselineau appelle ses sympathisants à faire tourner en masse un montage photo contre l’hebdomadaire et à lui écrire « poliment ».


    vidéo Le parti dénonce la censure

    Force est de constater que l’UPR entretient des relations houleuses avec les journalistes. Contacté à plusieurs reprises, leur service de presse, pourtant à l’affût du moindre coup de com’, a refusé toutes nos demandes d’interviews du boss du micro-parti. Prétexte invoqué : un article de StreetPress jugé « gravement diffamatoire, mensonger et insultant ». Et visiblement la consigne de ne pas nous répondre a été envoyé aux différents candidats.

    Samedi 14 novembre, une réunion locale est prévue à Saint-Mandé (94). Au téléphone, le délégué départemental du Val-de-Marne, Gilles Périn – ancien « européen convaincu » converti à l’UPR il y a deux ans – nous donne spontanément son accord pour y assister :

    « Avec plaisir, en plus je suis directeur de campagne en Ile-de-France. Vous êtes pigiste ? Vous pourriez peut-être parler de l’UPR dans d’autres médias ? »

    Mais la veille du rendez-vous, changement de programme ! « La réunion est annulée car j’ai d’autres priorités. Recontactez-nous après les élections… ou même après les fêtes », balbutie le jeune retraité, franchement embarrassé.

    Annulée, vraiment ? Le jour J, Gilles Périn est pourtant bien présent au Bistro 41, un rade défraîchi façon PMU, où le rejoignent cinq militants. Des fidèles qui en ont après l’Europe, le système et les politiques « tous pourris ». Au menu : organisation des prochains collages d’affiches et média training. « Ils nous faut une couverture médiatique. Le journaliste de base, plus tu seras gentil avec lui, plus il fera du forcing auprès de son rédac chef », insiste l’un d’eux.

    Cyber-militants

    En attendant de passer au 20 heures de Pujadas, le petit parti mène sa campagne à l’ancienne : tractage sur les marchés, porte-à-porte, multiplication de réunions locales… et surtout en investissant massivement le net. L’UPR s’est dotée d’une cellule « cybermilitante ». Elle est ultra présente sur les réseaux sociaux, et exhorte ses sympathisants à faire la pub de son président, y compris en « trollant » les forums, les espaces de commentaires des sites d’infos ou les sondages en ligne… Une stratégie numérique qui vise aussi à mettre la pression aux médias.

    Elle peut aussi compter sur les invitations des médias « dissidents ». D’ailleurs, en 8 ans d’existence, l’organisation a compté dans ses rangs plusieurs figures de cette galaxie de médias dits de ré-information, comme Tepa, fondateur du site « résistant » Meta TV. Le rappeur est un ancien cadre et porte-parole officieux du mouvement. Comme lui, Jean Robin, directeur du site Enquêtes et Débat (ces deux derniers se sont depuis brouillés avec l’UPR), Raphaël Berland, fondateur du Cercle des Volontaires et Jonathan Moadab de l’Agence Info Libre ont été encartés à l’UPR.

    La stratégie numérique semble fonctionner : l’UPR revendique aujourd’hui plus de 9400 adhérents (compteur en ligne à l’appui) et se vante d’avoir le deuxième site partisan le plus consulté – derrière le FN.

    Asselineau, l’homme qui leur a montré la lumière

    « N’ayant pas fait de grandes écoles, j’ai dû entamer ma quête d’informations par moi-même », témoigne en ligne David Wentzel, tête de liste en région Alsace-Champagne Ardenne-Lorraine. Ambassadeur du tri sélectif à la ville, ce trentenaire ne s’était jamais engagé en politique auparavant :

    « Jusqu’au jour où mes recherches aléatoires m’ont amené à suivre très attentivement une vidéo de Monsieur Asselineau. (…) D’un seul coup, tout m’est apparu clairement et simplement »

    Comme lui, ils sont nombreux à avoir vu la lumière grâce aux interventions fleuves de François Asselineau. Jean-Christophe Gourvenec, tête de liste départementale en Bretagne explique :

    « Grâce à l’UPR, je suis enfin sorti de ces jérémiades habituelles, de cette léthargie, et de ce lavage de cerveau généralisé sur le système actuel qui dure depuis trop longtemps maintenant. »

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    François Asselineau a la solution à tout vos problèmes. / Crédits : CC.

    A l’UPR, tout tourne autour du boss. Sur le site du parti, le CV d’Asselineau est mis en avant, comme gage de crédibilité : diplômé d’HEC, énarque, inspecteur général des finances. Il a aussi connu les hautes sphères politiques comme directeur de cabinet du « parrain des Hauts-de-Seine » Charles Pasqua, de 2004 à 2007. Dans l’arrière-boutique, il semble tout aussi présent.

    Régis Chamagne, ancien colonel et ex-membre du Bureau National, pointe un « fonctionnement autocratique » et « un manque de stratégie » au sein de l’organisation politique :

    « François Asselineau fait tout : il tient à jour le compteur des adhérents, s’occupe de la page Facebook et passe un temps fou sur des détails. Il n’a pas confiance et veut tout maîtriser. C’est un gros travailleur, perfectionniste, mais il ne sait pas être chef. »

    D’ailleurs, c’est davantage pour accroître la notoriété de son président que pour gagner des sièges que l’UPR s’est lancée dans la course aux régionales. « On a beau être optimistes, on ne pense pas avoir d’élus. On souhaite surtout se faire connaître et capter des adhésions », confirme Adrian Grattessol. Tête de liste départementale en Ardèche (Rhône Alpes), cet agriculteur tenté par le bio affirme notamment sur Facebook que les attentats de Paris sont une opération « sous faux drapeau ». Signe que le ménage anti-conspis n’a pas suffit à mettre la poussière sous le tapis …

    « Populariser notre mouvement et notre président c’est très important, parce que ces régionales sont un tremplin pour les élections présidentielles », appuie pour sa part Ahmed Ghlamallah, candidat dans l’Allier. Un scrutin national où Asselineau espère bien, cette fois-ci, réunir les 500 signatures nécessaires à sa candidature.

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