Face à des touristes en mal d'exotisme, certains ont fait de leur patrimoine ou de celui d'une minorité exploitée un business florissant. «Femmes-girafe», Lisu, zoulou, 10 récits de ballades dans des zoos où les hommes ont remplacé les singes
1 Camille visite le parc des « femmes-girafe » en Thaïlande
C’est où : Embarqués dans un tour du monde cette année, Camille et sa copine ont visité un camp de « femmes-girafe » en pleine forêt, dans la région de Chiang Mai.
Les gens : Les Kayan sont un sous-groupe du peuple Karenni originaire de Birmanie, pays que beaucoup ont fui à cause du régime militaire. En Thaïlande, ils ne disposent pas de statut légal et sont regroupés dans des camps transformés en véritables parcs touristiques. Principales attractions, les femmes dont le long collier en spirale de laiton tasse les épaules et les côtes, donnant ainsi l’illusion d’un cou allongé.
Comment ça se passe : Les « femmes-girafe » se font photographier dans des camps auxquels les touristes accèdent pour une dizaine de dollars par tête. Seuls les gains des ventes de produits artisanaux leur sont reversés directement. En 2008, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a appelé au boycott de ces camps.
Le trip : « Dès le début, j’ai senti que quelque chose n’allait pas. Les femmes semblaient parquées, elles faisaient la gueule et les touristes ne respectaient rien. Ils les matraquaient de photos sans leur demander l’autorisation. C’est juste une boîte à fric, un vrai zoo humain. Je suis sorti de là dégoûté et choqué. Ça m’a donné envie de me renseigner sur ces femmes et j’ai compris qu’elles risquent d’être renvoyées en Birmanie si elles sortent de ces camps. »
2 Ornella découvre des pêcheurs malgaches en pagne et maillots de foot brésiliens
C’est où : Au cours du circuit touristique de la RN7 à Madagascar, Ornella et son copain ont fait escale au bord du canal des Pangalanes, à l’est du pays. Vite repérés par un rabatteur, ils se sont retrouvés dans un village de pêcheurs aux allures de point de vente bien rôdé.
Les gens : La pêche est l’un des principaux secteurs par lesquels Madagascar veut développer son économie, mais la pêche industrielle n’a laissé que des miettes aux pêcheurs traditionnels, qui vivent souvent dans des conditions difficiles.
Comment ça se passe : Un rabatteur propose aux nouveaux venus de faire un tour de pirogue sur le canal et de déjeuner dans un village de pêcheurs. La table est dressée au milieu des baraques, des poules et des enfants à moitié nus, mais elle est strictement réservée aux visiteurs. Pas question de se mélanger.
Le trip : « Pendant l’apéro, il y a un défilé de types qui vendent des sculptures et des gousses de vanille. Après, c’était le clou du spectacle. Un homme est venu danser et chanter devant nous avec ses trois enfants. Ils étaient tout peinturlurés et portaient des espèces de pagnes en plastic. Il y en avait même un qui portait le maillot de l’équipe de foot du Brésil ! A la fin, tu donnes de l’argent pour les remercier mais je n’ai pas voulu applaudir. Pour eux, c’est un moyen de gagner leur vie et ça se respecte, mais je me suis sentie prise au piège. »
3 En Afrique du Sud, William a appris à dire bonjour en Zoulou
C’est où : A 12 ans, William a suivi ses parents dans un village zoulou de l’Afrique du Sud, dans une réserve naturelle de l’est du pays. Un souvenir en demi-teinte.
Les gens : Les Zoulous sont un peuple d’Afrique Australe, en partie sédentarisé et célèbre pour sa vannerie, ses perles et ses chants.
Comment ça se passe : Arrivée en bus et tour du village après avoir appris à dire bonjour en zoulou (« sawubona »), histoire de donner l’impression aux touristes qu’ils s’immergent dans la culture locale. Ils sont invités à visiter les cases et goûter le produit local qui va tirer une grimace à tout le monde.
Le trip : « Tu te sens un peu voyeur. C’est très gênant : il n’y a que des Blancs qui visitent et que des Noirs qui sont visités. Comme tu ne parles pas le zoulou et qu’ils ne parlent pas anglais, il y a peu d’échanges. Je suis sûr que cette expérience n’a rien à voir avec la vie quotidienne des Zoulous mais, à la réflexion, je me dis que sans ce genre d’expédition je n’aurais jamais rien su de leur culture et c’est vraiment une dimension importante de l’Afrique du Sud. »
4 Robin a découvert plus de projets sociaux que de Kalachnikovs dans les favelas de Rio.
C’est où : En voyage au Brésil avec une copine en 2011, le rédac’ chef de StreetPress a visité la plus grosse favela de Rio de Janeiro, Rocinha.
Les gens : Les favelas sont des bidonvilles qui ont souvent une réputation violente parce qu’ils sont gangrenés par des trafics d’armes et de drogues. Leurs habitants sont parmi les plus pauvres du Brésil.
Comment ça se passe : le tour est proposé par l’auberge de jeunesse mais pris en charge par des habitants de la favela. Arrivée en minibus climatisé et vitres teintées avant de grimper en haut de Rocinha en mototaxis et de redescendre à pied, à la rencontre de différents projets sociaux au sein de la favela.
Le trip : « La guide était tatouée, un peu gangsta. Elle nous a prévenus qu’on pourrait croiser des types avec des kalachnikovs mais je n’en ai pas vu un seul et franchement, ça m’étonnerait qu’il y en ait vraiment. Elle a peut-être dit ça pour le show devant les touristes. Du coup, je me demande : “est-ce qu’il y a vraiment besoin d’un guide pour visiter une favela comme Rocinha ?” D’ailleurs, avec ma copine, on s’est retrouvé plus tard dans une autre favela, complètement par hasard. Elle était beaucoup plus craignos et il ne nous ait rien arrivé, et les gens étaient très sympas. »
5 Olivier a adoré rencontrer les Maori en Nouvelle-Zélande
C’est où : Difficile d’échapper à la visite d’un village maori quand on voyage en Nouvelle-Zélande, où le tourisme repose essentiellement sur cette culture autochtone, le rugby et « Le Seigneur des anneaux ». Olivier y est passé en 2011, dans la banlieue de Nelson. Et il a adoré.
Les gens : Les Maoris sont les premiers habitants de la Nouvelle-Zélande, où ils représentent aujourd’hui environ 15% de la population. Leurs légendes et leurs coutumes ancestrales continuent de fasciner les touristes.
Comment ça se passe : Pour 100 dollars, on peut passer 5 heures dans un camp maori. Au programme, un délicieux repas traditionnel, une ballade mystique dans la forêt et un spectacle.
Le trip : « Le camp faisait hyper factice et j’ai entraperçu des types habillés normalement en train de fumer des clopes, donc je n’étais pas dupe, mais ce n’était pas du tout malsain. J’ai passé un très bon moment. Bien sûr, ça reste pour faire du pognon, mais les Maoris sont très fiers de leur culture et ils sont vraiment heureux de la faire partager. Ils ne semblaient pas du tout exploités, au contraire. Ce sont des gens parfaitement intégrés, qui ont accès au travail, à l’éducation et à la santé. »
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