En pleine lutte contre le CPE, un millier de militants bloquent la gare de Metz. Fouad, prend pour tout le monde: il est condamné à près de 40.000 euros d'indemnités. Aujourd'hui, Il réclame l'amnistie.
« Villepin, t’es foutu la jeunesse est dans la rue ». Ce 30 mars 2006, la France est en ébullition: c’est une « journée nationale d’action anti CPE », un contrat d’embauche jugé plus que précaire. Cet après-midi à Metz (57), près d’un millier de personnes ont répondus à l’appel des syndicats étudiants. Mais cette fois si les organisateurs prévoient une action un peu plus forte qu’un simple défilé sous le soleil printanier: bloquer la gare ferroviaire. « On a commencé par l’occupation des voies. Y’avait presque que des étudiants. » Quelques uns se postent en amont de la gare armés de torches SNCF, pour alerter les trains. « C’était très bien organisé. Toute la gare était bloquée. » raconte Fouad Harjane, militant CNT. Pendant deux heures, un petit millier de personnes squattent les voies. Pour les militants, c’est un «blocage économique d’un axe de circulation important. » De quoi foutre un beau bordel, en tout cas! Une fois l’opération terminée, ils quittent les lieux, direction la Chambre de commerce.
G.A.V En pleine manifestation, le militant est encerclé par la police et isolé du reste du cortège. Tout se passe très vite. « Les policiers m’ont fait sortir de la foule et m’ont fait entrer dans le Virgin, à l’angle de la place de la République. » Le magasin baisse ses rideaux « pour que les camarades ne puissent pas [le] récupérer », affirme le jeune homme. « A coup de gazeuze », la police écarte ceux qui tentent de l’aider à s’échapper.
Au commissariat, on l’interroge, il assume. Un brin provoc’, Fouad raconte : « Je leur ai dit directement que j’étais un militant syndicaliste, qu’on avait bloqué les voies et que je le referai s’il le faut. Et je le répète encore aujourd’hui, malgré la condamnation. »
Pénal Il est relâché après quatre heures de garde à vue et repars avec une convocation pour le tribunal. Septembre 2006, premier jugement au pénal pour le blocage de la gare. Il est condamné à 150 euros d’amende. Il décide de faire appel, espérant l’acquittement. Un an plus tard, la cour se déclare incompétente et renvoie le procès à janvier 2009. Entre temps Fouad à déménagé, il ne reçoit pas la convocation. C’est en novembre 2011, alors qu’il est contrôlé pendant un collage d’affiche, qu’il apprend sa condamnation: 300 euros d’amendes. Il fait opposition, puis se rétracte.
Samedi 29 juin, un rassemblement aura lieu à 15h00 devant le siège du Médef à Metz pour « une manif de solidarité avec Fouad et en faveur d’une amnistie pour tous les militants du mouvement social ».
Civil Après sa condamnation au pénal, Fouad est convoqué le 23 mars par la justice civil en charge de déterminer les dédommagements. Il est seul à la barre, accusé de « délit d’entrave à la circulation ferroviaire ». « Ce n’est pas juste d’accuser un individu pour des faits commis par 800 ou 1000 personnes », s’indigne le militant. La SNCF lui réclame des dommages et intérêts : « 414,06 euros par heure de retard et par train. Vu qu’on a bloqué pas mal de train… le prix monte vite. » 39.534,45 euros de dommages et intérêts exactement, auxquels s’ajoutent les frais de justice. Une prune de la taille d’une maison.
« Personne ne devrait être condamné pour ça, d’autant plus qu’on a gagné la lutte. » Pour Fouad, le juge a « fait un exemple », en accédant à l’euro prêt à la demande de la SNCF. « Ils auraient pu choisir de me condamner à l’euro symbolique. Comment la justice ne s’est elle pas rendu compte que c’était injuste de faire porter le chapeau à un seul, alors que nous étions 1.000? »
Combat Malgré la condamnation, le militant est bien décidé à ne pas verser le moindre euro de cette amende qu’il estime illégitime. « On envisagera toutes les possibilités de mobilisation sociale, juridique ou autre pour éviter d’avoir à payer quoi que ce soit. La SNCF n’a pas besoin de ces 40.000 euros, c’est de la vengeance pure. On ne se laissera pas avoir comme ça. » Son avocat à d’ors et déjà fait appel de la décision.
Pour le camarade Harjane, jusqu’au bout le combat sera politique où ne sera pas. Aujourd’hui , en attirant l’attention sur son cas, il tente de mobiliser en faveur de l’amnistie sociale. Un projet de loi défendu par une bonne partie de la gauche, finalement rejeté par le président socialiste. « On pense à tous les camarades syndicalistes, aux squatteurs, aux militants antifascistes… Le gouvernement doit prendre ses responsabilités », affirme le jeune homme.
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