21/10/2011

« Dans tous ces mouvements il y a un dénominateur commun »

Chili: « Les Indignés » vu par Gabriel, un des leaders du mouvement étudiant

Par Robin D'Angelo

Depuis 1 semaine les leaders du mouvement étudiant au Chili sont en tournée européenne. Gabriel Iturra du syndicat lycéen Aces explique pourquoi la lutte pour l'éducation à Santiago à quelque chose à voir avec « les Indignés » de chez nous.

Es-tu venu avec des mégaphones et des banderoles ?

Non mais avec un drapeau chilien géant, de 50 mètres sur 40. Et on l’a déployé à une manifestation des Indignés ici à Paris. C’est un drapeau emblématique puisqu’on l’avait sorti devant le Congrès chilien.

Où en est le mouvement étudiant chilien ?

Il n’y a toujours pas cours depuis 5 mois. On essaie de transformer les lycées occupés en zone de résistance. On fait les cours nous même assis sur le sol. Mais le mouvement est en permanence en train de muter. Il y a une ingéniosité formidable notamment sur les modes de mobilisation – des assemblées, des manifestations artistiques … Pour incorporer ceux qui sont un peu réticents avec « l’action révolutionnaire », il faut expérimenter pour qu’ils voient que ce n’est pas un mouvement pour emmerder le chilien moyen.

Comment ça se passe le lycée au Chili ?

Au Chili les pauvres, les riches et les classes moyennes ont chacun leur lycée. Il y a les lycées municipaux et techniques, gratuits, qui dépendent des ressources de la ville et qui sont pour les pauvres. Les lycées « privés-subventionnés », l’année y coute entre 30.000 et 150.000 pesos et ils représentent 50% des établissements. Et les lycées privés où ça va de 80.000 pesos à plusieurs millions. Ils ont souvent des noms « gringos »


Réunion Plazas de Armas a Santiago

L’opposition de gauche vous soutient-elle ?

C’est très drôle, les socialistes chiliens sont de droite. Ils n’ont fait que mettre en place des politiques néo-libérales. En 2006 il y a eu un mouvement social qui a accouché d’un accord avec le gouvernement « de gauche » mais sans les étudiants. Il a abouti sur La loi générale sur l’éducation qui est à la base de la crise d’aujourd’hui.

Alors pas de partis politiques chez vous ?

Nous croyons que tout le monde est politique. Mais il y a deux types de politiques: les institutionnels et les révolutionnaires. Les institutionnels sont très liés aux partis traditionnels. Et on ne se sent pas représentés par eux. Seulement 19% des chiliens se reconnaissent dans la coalition de droite et 11% dans celle de gauche. Alors il y a un nouveau type de politique qui est en train de naître, qui vient du peuple, de la base et qui fonctionne par assemblées. De la commune à la région.

Vous vous sentez proche du mouvement des « Indignés » en Europe ?

Nous ne voulons pas être indignés ! Nous sommes positifs, nous proposons des choses dans chacune de nos assemblées. Après je crois que dans tous ces mouvements, il y a un dénominateur commun qui est la crise du néo-libéralisme, du modèle imposé par l’Empire américain. Les peuples du monde entier en ont marre, il faut passer à autre chose avec plus de contrôle de la part de l’État.

Dans tous les pays du monde il y a une minorité d’hommes politiques contre le mouvement social.


Des étudiantes zombies ?

Vous revendications sont du domaine de la politique intérieure. Tu te sens malgré tout proche des Indignés ?

L’exploitation de l’homme par l’homme est mondiale. Dans tous les pays du monde il y a des riches qui profitent des pauvres. Il y a une minorité d’hommes politiques contre le mouvement social.
La majorité des 81% de chiliens qui nous soutiennent rejettent le néo-libéralisme. Le Chili a toujours été le laboratoire du néo-libéralisme: On nous a appelé « les jaguars de l’Amérique Latine », on est même dans l’OCDE, c’est ridicule ! Et tout ce que devait nous apporter le néo-libéralisme a échoué. Ce modèle n’a pas construit une société meilleure.

Tu penses que ta génération qui n’a pas connu Pinochet à moins peur de descendre de la rue ?

Bien sur. Avec la dictature et ces assassinats sanglants, les vieux ont peur de la répression.

On te souhaite bonne chance pour ton bac ?

Il n’y a pas de bac là-bas. Soit tu es riche et tu peux rentrer dans une université privée. Ou sinon tu fais test – qui n’est que du bachotage – pour rentrer dans les autres universités.