L'été, les Petits Frères des Pauvres recrutent des bénévoles pour tenir compagnie à des petits vieux esseulés. Inès a 23 ans et plutôt que de trouver un job d'été elle a décidé de boire le thé avec Hélène, Mme Génard et Mme Paumier.
13 juillet 2010 – 15h à Clamart. Le thermomètre atteint les 35 degrés et la petite résidence du quartier de la Plaine est désertique. Des rangées de bâtiments de briques rouges s’étendent sous nos yeux. Des copies, de copies, de copies … Ça sent l’ennui. Heureusement nous sommes accompagnés: Vincent Gaudin, responsable local de l’association les Petits Frères des Pauvres fait la discussion et nous présente Inès, une jeune bénévole de 23 ans.
Plus facile de postuler que pour un job d’aide ménagère
Inès est grande, svelte et souriante. D’apparence calme et sereine, elle est étudiante en architecture. Tout juste sortie de prépa, elle va bientôt quitter la région parisienne. Mais pour l’heure, elle a décidé de prêter un peu de son temps, de ses vacances, pour rendre visite aux personnes âgées des environs, avant de rejoindre sa mère pour le mois d’Août.
Au départ, elle souhaitait se trouver un petit job d’aide ménagère chez des personnes âgées. « Mais aujourd’hui, il faut beaucoup trop de compétence, regrette t-elle. On ne tient plus compte du facteur humain. » Alors le bénévolat, ça lui est venu naturellement. Elle a repéré les Petits Frères des Pauvres grâce à une annonce dans le quotidien Métro, il y a quelque mois. Après quelques brèves hésitations, elle se lance dans l’aventure, « histoire de boucher les trous de ceux qui partent.»
Les Petits Frères des Pauvres – Bio express
Les Petits Frères des Pauvres ont été créés par Armand Marquiset. Cette association de loi 1901 propose un « accompagnement des personnes âgées à domicile et en hébergement collectif. » Concrètement, ça veut dire que les bénévoles se rendent chez les personnes âgées une fois par semaine, pour une heure, afin de leur tenir compagnie, de discuter … A Clamart, il y a 30 bénévoles pour 30 personnes âgées, chaque bénévole suit 3 personnes pendant un an.
Les petits frères des pauvres en chiffre
1946: création par Armand Marquiset
7.000 bénévoles et 450 salariés
80% des bénévoles sont des femmes
90% du financement est privé
50 ans: Seuil pour pouvoir bénéficier de l’aide des Petits Frères des Pauvres
40 ans: Moyenne d’âge des bénévoles
Inès a très peu connu ses grands-parents, trop peu sans doute. « Les gâteaux de mamies et tout ça je n’ai pas connu ». Alors devenir bénévole c’était un peu pour elle« rattraper le temps perdu », construire un lien avec ces « mamies esseulées ». Avec six visites par semaine, elle bat des records : « Normalement, un bénévole s’occupe de trois personnes. Inès nous aide beaucoup » nous confie Vincent, porte-parole de l’association. « Pendant les vacances, on a vraiment besoin de monde. » Du coup, deux fois par semaine, Inès passe son après-midi en compagnie d’une personne du troisième âge. Elle « discute, parfois regarde un film ». Vincent insiste: « le plus important, c’est la présence. »
« Ça ne va pas, j’aimerais un miracle, j’aimerais me retrouver comme avant »
15h30 les visites peuvent commencer. Inès est toujours aussi sereine. A chaque visite, elle s’inquiète de la santé de ses petites ‘patientes‘ : « Vous ne buvez assez, vous n’avez pas trop chaud… » Après le blabla presque infirmier, et les banalités d’usages – le temps, la canicule, le défilé du 14- la discussion dérive sur des sujets plus personnels. Inès écoute, patiemment ses petites mamies lui raconter leur vie.
Mme Paumier est une « célibataire sans enfants » de 72 ans et aujourd’hui, elle se retrouve seule, mais « elle garde le sourire ». Mme Génard, veuve, a un fils et un petit-fils de 15 ans, « adorable, il me rend souvent visite », ajoute t-elle. Pourtant, Mme Génard se sent seule, et surtout, se sent vieillir seule. « Ça ne va pas, j’aimerais un miracle, j’aimerais me retrouver comme avant » nous répète-t-elle tout le long de l’entretien. La dernière mamie d’Inès, c’est Hélène, qui veut qu’on l’appelle par « son petit nom » qui veut qu’on la tutoie, « qui fume encore un ou deux paquet par jour à 75 ans, malgré la maladie. » Peut-être la petite préférée de notre bénévole ? Elle confiera plus tard que ce n’est pas toujours facile de les voir comme ça: « Ils ont toute leur tête, ils le savent, mais ils sont bloqués dans leur corps. »
La tournée de Inès en photos
« Un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle »
« On apprend beaucoup sur soi, on apprend à profiter avant qu’il soit trop tard. En fait, c’est du donnant/donnant, un vrai échange », explique Inès quand on lui demande ce que lui apportent ses visites. Elle ne comprend pas cette génération de jeunes individualistes qui s’isole : « Parfois, j’aimerais leur montrer, afin qu’ils comprennent … Une personne, lorsqu’elle vieillit, on ne fait plus attention à elle, alors qu’on a tous une histoire !» Comme le dit le vieille adage : « Un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle. » Parfois, ses potes la chambrent : « pourquoi les vieux, pourquoi ne pas se trouver un vrai job payé ?» Inès ne voit pas ça comme un travail, au contraire: « C’est comme boire un café entre copines » et en plus « c’est utile. »
Pulp – Help the aged (1994)
Source: Marine Selles | StreetPress
Crédits photos: Julien Reininger | StreetPress
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