Une heure à attendre avant le prochain Noctilien, ca sent le plan galère, quand une berline s'approche et propose de vous emmener pour une dizaine d'euros. Streetpress vous explique comment fonctionne le business des taxis clandestins.
Reportage – Porte de Montreuil, 1 heure du mat’. Le Noctilien s’éloigne sur le boulevard. Le suivant n’est pas prévu avant une petite heure. On reste en plan devant l’arrêt de bus, ça sent la soirée galère. Mais après 30 bonnes minutes à attendre le prochain N34 en grillant des clopes, une voiture blanche ralentit, s’arrête, et baisse la vitre. Le conducteur, la quarantaine, la voix un peu éraillée et des lunettes vissées sur le nez nous interpelle :
- Vous allez où ?
- Rosny, on a raté le Noctilien, mais je ne crois pas qu’on a assez pour un Taxi.
- Ok, on peut s’arranger, montez !
Le chauffeur repart doucement, et tente de nous rassurer. Il sait que depuis l’affaire Bruno Cholet, en 2008, les Taxis clandestins n’ont pas très bonne réputation.
« Vous savez, je ne suis pas un arnaqueur. Je me fais juste un peu de thunes en ramenant les gens. Ca arrange tout le monde, non ? » On ne s’attarde pas trop sur la question. L’essentiel pour nous c’est le tarif. Pas question de se retrouver à payer une course 30 euros.
- Alors, c’est combien pour Rosny-sous-bois ?
- Ca vous revient à combien normalement en Taxi ? questionne le chauffeur.
- 15 ou 20 euros !
- 10 euros ca vous irait ?
Le deal est conclu. En route mauvaise troupe, comme dirait ma grand-mère. Au fil du trajet, on en apprend un peu plus sur notre pilote. Dans la «vraie vie», Arnaud, la cinquantaine, de fines lunettes sur le nez, n’est pas livreur de pizzas, comme le personnage incarné par Samy Naceri, mais fleuriste.
Quand il « finit tard ou [qu’il] a du temps le week-end », il devient taxi clandestin, « pour dépanner les gens en galère ». A l’écouter, presque un acte social. Surtout un petit complément qui lui permet « de rapporter des sous » à la maison pour « faire des cadeaux à sa fille ».
Interview – D’autres, comme Aziz, font ça comme activité principale. A 51 ans, ça fait 6 ans déjà que ce père de famille sillonne les rues de la capitale et propose des courses en toute illégalité. Difficile de le faire témoigner sur son activité.
Réticent puis sur la défensive, après plusieurs faux plans, il accepte finalement de se confier par téléphone, à la condition qu’on ne donne pas son nom de famille.
Depuis l’affaire Bruno Cholet en 2008, du nom d’un taxi clandestin meurtrier d’une jeune étudiante suédoise, une brigade est en charge de lutter contre ce phénomène. Le « groupe taxi transport des personnes », nom officiel de cette brigade, est plus connu sous l’appellation « Boers ». Un terme, dérivé des « bourres », désignant dans l’entre deux guerres la police en charge du contrôle des cochers.
La brigade se compose d’un peu plus de 70 fonctionnaires de police en civil. Ils sont actifs 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Elle est chargée de contrôler les taxis ainsi que les véhicules relevant des réglementations du transport public à Paris. Le service traque les taxis clandestins – voitures, motos et même autolibs – aux abords des gares à forte influence, les secteurs touristiques, les sorties de soirée et établissements de nuit.