Encore une chaîne de télé qui nous «propose» de récupérer gratuitement nos images pour les diffuser dans une de ses émissions: «ça vous fera un sacré coup de pub». Alors on prend notre stylo: Chers amis de la TV à papa, voici nos 4 vérités.
Mardi après-midi. Un petit mail comme on en reçoit une demi douzaine chaque mois à la rédaction de StreetPress :
« Bonjour, je suis Machin de l’émission truc muche. Nous réalisons une émission sur Blabla. Dans ce cadre, nous serions intéressés par des images de l’un de vos reportages vidéo. Pouvez-vous me dire de quelle manière et à quelles conditions nous pourrions accéder à ces images? Nous aurions besoin d’une réponse rapide. »
On renvoie une réponse rapide, en indiquant le tarif (peu onéreux) de la minute montée dont StreetPress reverse 50% du budget au reporter qui a tourné le sujet.
Cette fois-ci la chaîne en question fait partie du service public… Mais le retour sera le même au téléphone puis par mail :
« Vous comprenez que je ne peux vous acheter ces images. Je vous propose néanmoins une diffusion créditée (…) Je pense que ça vous ferait un sacré coup de pub, l’émission étant diffusée à un horaire prime time (…) Si vous êtes d’accord pour me céder les droits, merci de me contacter sur mon portable pour voir comment je peux récupérer ce sujet au plus vite ».
Chers amis de la télé à Papa, permettez nous de vous dire nos 4 petites vérités :
1 Ca vous dérange pas si on remixe vos images ?
Chers amis de la télé, on attend avec impatience de pouvoir utiliser vos images dans nos sujets, sur le web. Comme vous nous le proposez, on les reprendrait et on vous créditerait. Sans vous verser de royalties. Comme nous et comme la jeune Al Jazeera, vous utiliseriez les licences Creative Commons, qui indiquent d’emblée le cadre dans lequel on peut reprendre vos images et les intégrer dans un montage. On vous attend les bras ouverts dans le monde du partage et du remix.
2 Ca vous dirait de nous aider à ne pas rester des forçats de l’info ?
Il y a quelques années, un journaliste du papier nous a baptisés, nous les journalistes web, du nom de « forçats de l’info ». L’expression est restée : dans la plupart des rédacs web, un journaliste à expérience égale gagne moins que chez vous. On ne fait pas ce métier pour l’argent. Mais on est surpris : Car autant à notre naissance vous vous offusquiez du tout gratuit de la presse web – Combien de débats télé avez-vous montés sur « Internet et la gratuité signent-ils la fin du journalisme ? » – autant on dirait que ça vous laisse insensible de nous proposer d’utiliser nos productions journalistiques sans rétribution. Ou comme ça se passe dans la plupart des cas, de les piquer sans prévenir ni citer la source.
3 Andy Warhol, c’est fini
Au fait, juste en passant : Des images avec mention des crédits du site web qui passent à la télé, ça nous apporte 100 fois moins de trafic que ce que nous apporte Google pour une brève qu’on publie sur un cousin éloigné de Lady Gaga. Arrêtez de nous dire qu’avoir nos images diffusées « ça nous fera un sacré coup de pub » : Jusqu’à preuve du contraire, aucun internaute ne clique sur son poste de télévision.
4 Juste de la bienveillance
Si l’on est ici un peu en colère, c’est parce qu’à dire vrai, on vous respecte. Certes notre génération a tendance à délaisser vos formats. Mais c’est vous qui nous avez appris à bosser, qui nous avez transmis le métier. Au final, vous nous avez tout appris. Et nous, on se contente de réinventer, d’essayer de transposer ces valeurs et ces méthodes sur les supports de demain. En fait, on ne vous demande qu’une chose, de la bienveillance.
Pouvez-vous me dire de quelle manière et à quelles conditions nous pourrions accéder à ces images?
On vous attend les bras ouverts dans le monde du partage et du remix.
Combien de débats télé avez-vous montés sur « Internet et la gratuité signent-ils la fin du journalisme ? »
bqhidden. Jusqu’à preuve du contraire, aucun internaute ne clique sur son poste de télévision
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