Masochisme ou volonté de tester ses limites ? Geoffrey, 28 ans et à première vue sain d'esprit, est resté presque 2 jours devant BFM TV. Depuis il chante des jingles publicitaires et connait par son prénom l'animateur de « La chronique éco. »
Il est 8h32. J’engloutis deux cafés et voilà ma première interrogation : plutôt bureau ou plutôt canap’ pour 36h de BFMTV ? Bizarrement, le premier l’emporte, question de concentration. Je me dis que je pourrais toujours glisser de l’un à l’autre en cours de journée. En 2013, c’est en streaming sur le web que se matent les chaînes d’infos. Un clic sur bfmtv.com et j’arrive à temps pour Bourdin et son invité du matin: Bayrou, François de son petit prénom. 25 minutes de centrisme plus tard, emballé, c’est pesé, Bourdin rend l’antenne, place aux JT. À l’info en continu. La pure. La dure. La vraie.
JOUR 1
> 09h02 : « Et c’est parti pour 3 heures de direct ». Tellement plus, si tu savais, cher monsieur. Bon, que me proposes-tu à me mettre sous la dent ce matin ? Une fusillade à Montreuil et des bébés congelés à Ambérieu. Du petit fait-divers j’ai envie de te dire. Quoi d’autre ? Le couperet des chiffres du chômage, qui doivent tomber ce soir, mmmmmm. Mais encore ? «Journée spéciale France-Espagne avant le match décisif de ce soir » … En fait, ça ne va pas être possible, je suis un hater du foot. Ça va être long, ces 36 heures.
> 09h15 : Pub. Je saute sous la douche. Et avec BFMTV, bien sûr ! Pardon, mais pourriez-vous me laisser seul une dizaine de minutes ? Merci. Ah… et un conseil, pensez à tourner l’écran de votre ordinateur vers le mur si vous n’aimez pas cette sensation de se faire observer tout nu par deux présentateurs en costard.
> 09h27 : Premier bulletin météo. Il y en aura entre 3 et 5 à chaque heure.
> 09h33 : On reparle de foot (déjà ?) : « On va vous faire vivre en direct la journée des Bleus. Et nous serons même devant l’hôtel des joueurs ». En voilà une promesse éditoriale qui me branche.
> 10h00 : Rappel des titres de la matinée : des faits-div, l’attente des chiffres du chômage qu’on-sait-qu’ils-seront-mauvais (mais notez le teasing), le foot, la météo, plus une brève sur les dangers de la pilule. Du déjà-vu qui m’entraîne sur Twitter, Facebook et Gmail, en attendant du neuf (et pas Godot).
> 10h45 : Il ne vous fait pas penser à quelque chose le logo de cette pub pour les assurances FamilyProtect ?
> 11h18 : « Journée spéciale France-Espagne ». JAVAY COMPRIS ! Pendant la pub, (non, Loxam, je n’ai rien à louer chez toi), j’en profite pour vous décrire la couverture footballistique du jour : du live, donc, la marque de fabrique de la chaîne.
À ma gauche, un mec sur un parking à Roissy (où dormaient les Bleus) qui meuble et commente les quatre images des joueurs qui passent en boucle: « Ils ont fait une promenade, puis ils déjeuneront, feront une sieste et enfin ce sera la collation ». À ma droite, un autre journaliste devant l’hôtel des joueurs espagnols, à Paris, qui enchaîne les interviews de supporters sur place. Au milieu, le correspondant à Madrid.
Plus tard dans l’après-midi, l’envoyée spéciale en-direct-du-bus-des-supporters-dijonnais-qui-vont-à-Paris. Enfin, des intervenants en plateau. Tout ça en boucle. Toute la journée. Jusqu’au match… Et là, un frisson : vais-je devoir subir le match de foot en direct ce soir ? Je peux marcher sur des charbons ardents à la place ?
Et c’est parti pour 3 heures de direct
On va vous faire vivre en direct la journée des Bleus. Et nous serons même devant l’hôtel des joueurs
Ils ont fait une promenade, puis ils déjeuneront, feront une sieste et enfin ce sera la collation
> 12h00 : Hop, on change les présentateurs, mais pas les places (l’homme à gauche, la femme à droite. Oui c’est le genre de détail qu’on finit par remarquer), ni les titres : « infanticide », « fusillade », « pilule », « météo ». Et surtout, le foot (rappelez-vous, c’est une journée spéciale). Re-direct de Roissy où le journaliste entre dans les détails : le petit-déjeuner des Bleus était « libre ». Ok… La promenade a duré « vingt minutes ». Ok… Et Didier Deschamps « a fait une blague » que je n’ai toujours pas comprise.
INTERNET VS BFM
> 12h15 : L’info, ça va trois heures. Maintenant, faites (un peu) de place aux chroniques. Attardons-nous sur celle dite culturelle où l’on parle du nouvel album d’Axel Bauer (pas compris le rapport avec la culture). Le chroniqueur se lance avec un « et oui, parce que Bauer n’est pas mort, contrairement à la rumeur qui circulait sur internet ». Et c’est le drame : « Il ne faut pas croire tout ce qu’on lit sur internet » souligne astucieusement la présentatrice.
> 13h39 : Ah, « Culture-geek », ze chronique des internets. « À quoi ça vous fait penser cet objet ? » demande naïvement le chroniqueur, un objet long et cylindrique à la main, à un téléspectateur devant sa télé depuis 8h30. À UN GODE VAZY JTE DIS QU’C‘EST CA… Perdu, c’était ça.
> 14h52 : Rien de neuf depuis deux heures. Aucun « je vous coupe Ronald, priorité au direct ». À la place : des rediffs de chroniques. L’ennui est en embuscade derrière mon canapé (j’y ai glissé depuis un moment).
> 15h19 : Je file acheter des pâtes, toujours avec BFM dans les oreilles (ça t’ennuie pas que je t’appelle par ton petit surnom ?). Magie de la 3G et joie du live au supermarché. 2,50 € et cinq sujets (déjà entendus) plus tard, j’ai de quoi me sustenter.
> 16h00 : Les pâtes englouties, BFM m’annonce l’arrivée d’un direct. J’exulte. L’objet du direct : la conf’ de presse du procureur de Bourg-en-Bresse, Denis Mondon, au sujet du drame d’Ambérieu. Je prends. Vas-y Denis, c’est ton quart d’heure de célébrité !
> 16h10 : Ne leur en veux pas Denis, ils ont un peu abrégé ton quart d’heure faute d’un télégénisme fracassant. Sans transition, on repart sur le foot. «Vous allez tout savoir.» Je me demande vraiment ce que je peux (encore) ignorer. Y’a eu grève de la sieste ?
Vous passeriez 36h devant BFMTV ?
L’expérience est intéressante, et s’il le fallait, je pourrais passer autant de temps devant BFMTV. Mais dans la vie quotidienne, nous sommes en fait reliés en permanence à notre chaine. A la rédaction, on jette toujours un coup d’oeil à un téléviseur, en studio on “crée” l’antenne, à l’extérieur on est en lien avec le site de bfmtv.com et ses alertes. Seul moment de déconnection avec BFMTV : les vacances… Mais il ne faut pas trop s’en éloigner, l’actualité va très vite, et elle ne part jamais en congés !
Vos trucs pour combler les moments creux des JT, c’est quoi ?
Tout d’abord, il est extrêmement rare d’avoir un moment de creux pendant un JT. Même aller aux toilettes doit être quelque peu programmé. Pour maintenir l’attention de téléspectateur, on se base en priorité sur les images live que nous recevons : par nature, elles sont inédites. Et par nos formules, nos accroches, nos moments de sourire avec le présentateur-partenaire sur des sujets légers et concernants, on essaie de faire vivre l’info d’une façon détendue et sympathique. C’est je crois une des forces de BFMTV.