06/03/2013

Le président de l'Unef Sciences Po invité de la « Matinale Politique »

La saga de la nomination du directeur de Sciences Po Paris vue par Nicolas Robin

Par Johan Weisz

Nicolas Robin, président de l'Unef Sciences Po, était l'invité de StreetPress et Radio Campus Paris, pour revenir sur le feuilleton qui a débouché la semaine dernière sur la nomination de Frédéric Mion à la tête de l'institution.

La semaine dernière, il a campé avec les étudiants de Sciences Po dans le grand amphi de l’école deux nuits d’affilée. Nicolas Robin, 21 ans, est le président de l’Unef Sciences Po . Dans la saga de la succession de Richard Descoings à la tête de l’institution, depuis avril 2012, Nicolas Robin a milité pour plus de « transparence » dans la désignation du successeur. Après tribunes, rendez-vous et lettres de protestation, le voilà contraint d’occuper son école pour dénoncer une procédure verrouillée. Un petit air de « Occupy Wall Street » rue Saint Guillaume (Paris 7e), pour conclure un an de rebondissements d’une affaire qui a passionné les élites parisiennes… « Mais on ne voulait pas faire une Star Academy et voir qui était le plus beau », s’agace l’étudiant en 4e année qui était l’invité lundi soir de l’émission politique de StreetPress et de Radio Campus Paris .

1 Ré-écoutez le podcast de l’émission :


2 Les extraits de l’interview :

Est-ce que depuis un an, vous n’avez pas l’impression de vivre dans une émission de télé-réalité ?

Je pense que si ça avait été une vraie télé-réalité, ça aurait été beaucoup plus intéressant ! Parce que l’avantage de la télé-réalité, c’est qu’elle se déroule de manière publique. Et là, tout est resté cloisonné. Les projets des candidats ont été tenus secrets, les noms des candidats ont été tenus secrets et on a refusé globalement de faire vivre le débat alors que ça aurait pu être un temps extrêmement riche pour l’établissement, d’avoir un temps de réflexion large sur son avenir, mais ça a été refusé.

Dans le processus de désignation du candidat, vous dénonciez l’attitude du président de la fondation des Sciences Politiques, Jean-Claude Casanova, qui à la sortie du Conseil de direction s’est adressé en italien à un étudiant…

Tout à fait. Il lui a dit « d’aller se faire enculer »…

… En italien dans le texte, ce qui donne « Vaffanculo »…

Il était largement énervé à la sortie de son Conseil de direction…

Crise à Sciences Po, ze story

> Avril 2012 Richard Descoings, directeur de Sciences Po depuis 16 ans, décède à New-York. Le directeur adjoint Hervé Crès lui succède

> 22 novembre 2012 Un rapport de la Cour des comptes dénonce « les primes exorbitantes » et le niveau des rémunérations des dirigeants sous l’ère Descoings.

> 28 novembre 2012 Suite au rapport de la Cour des comptes, la ministre de l’enseignement supérieur suspend Hervé Crès

> 25 février 2013 Le comité de recherche a pré-sélectionné 3 candidats pour le poste de directeur. L’un d’entre eux, Louis Vogel se retire de la course pour « ne pas cautionner une orientation contraire à ses convictions »

> 1er mars 2013 Frédéric Mion est désigné directeur de Sciences Po

Si l’on revient à la désignation du nouveau directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, ce qu’il faut dire c’est qu’en début de semaine dernière, un des candidats en lice Louis Vogel a démissionné pour ne pas cautionner le processus.

Louis Vogel, c’est un ponte de l’enseignement supérieur français. Il a été président de l’Université Paris II , président de la conférence des présidents d’universités… Le retrait de sa candidature a été assez bruyant. Ce que j’ai cru comprendre de son communiqué , c’est qu’il disait : « au début de la procédure, vous avez stipulé 4 principes selon lesquels vous examinerez les candidatures. Moi je réponds à ces 4 principes. Si l’on regarde les 3 personnes que vous avez sélectionnées pour l’instant, ces personnes ne répondent absolument pas à ces 4 principes. Ce qui veut donc dire que si vous les avez sélectionnés eux, c’est que vous ne les avez pas jugés selon ces principes, et donc que vous avez gardé un système de copinage. Et étant donné que je ne suis pas forcément le meilleur copain de ceux qu’il faut et bien je me retire de la course ».

Est-ce que les médias n’ont pas trop parlé de toute cette affaire ?

Il y a une bulle de gens qui se sentent concernés par ce qu’il se passe à Sciences Po, parce qu’ils y ont un lien plus ou moins direct. Plus fondamentalement, ce qu’il se passe à Sciences Po a une importance un peu particulière et on le voit avec la couverture médiatique qui a pu être faite de cette succession. Je pense qu’il n’y a aucune nomination de président d’université ou de directeur d’établissement d’enseignement supérieur qui ait fait autant de bruit que celle-là. Parce que Sciences Po, ca forme les hauts fonctionnaires, ça forme beaucoup de cadres supérieurs dans le privé et dans le public. Et donc il y a un intérêt un peu national sur qu’est-ce qu’on fait de Sciences Po aujourd’hui et quelle place va prendre Sciences Po ?

Il lui a dit « d’aller se faire enculer »


VidéoSciences Po explique le TSCG

Ce qui reste de l’ère Descoings, c’est notamment le système d’ouverture de Sciences Po vers les ZEP. Il y a de plus en plus de boursiers à Sciences Po. Est-ce qu’il en faudrait plus ?

Je pense que s’arrêter au taux de boursiers à Sciences Po qui est de 27%, c’est se mettre des œillères, dans le sens où on refuse de voir à quoi ressemblent les autres 70% d’étudiants.

Ils ressemblent à quoi les étudiants de Sciences Po ?

Au final, il y a beaucoup de très très riches d’un côté. De l’autre, ils ont fait rentrer des gens beaucoup plus défavorisés par les procédures Convention Education Prioritaire. Et puis au milieu, il y a un peu un trou qui se creuse. On voit même qui si on analyse plus finement la question des 27% de boursiers, on voit qu’il y a de moins en moins de boursiers échelon 5 et 6 (qui viennent de milieux très précaires) au profit des boursiers échelon 0 (qui vont être plutôt issus des classes moyennes).

Aujourd’hui une entreprise qui va financer de l’enseignement supérieur, elle ne va pas le faire par philanthropie

L’Etat finance Sciences Po à hauteur de 63 millions d’euros par an. Est-ce que c’est trop ?

Ce n’est peut-être pas Sciences Po qui reçoit trop d’argent mais les autres universités qui n’en reçoivent pas assez. (…) Sciences Po est financé à moitié par l’Etat et l’autre moitié par des ressources propres: un quart via les étudiants et un quart divers. On se rend compte de deux choses: la première, c’est que financer Sciences Po à une telle hauteur par les frais de scolarité, c’est un frein direct à l’objectif de démocratisation qui est annoncé. C’est-à-dire que comme les frais de scolarité augmentent en fonction des revenus des parents, ça veut dire qu’un quart du budget de Sciences Po repose aujourd’hui sur le fait que la plupart des étudiants aient des parents riches qui peuvent payer. (…) Et si demain on réformait les épreuves d’admission de manière à ce que l’ensemble des jeunes qui veulent entrer à Sciences Po soient sur un pied d’égalité indépendamment de l’origine sociale, Sciences Po n’arriverait plus à se financer et serait en faillite. On a un modèle de financement qui entérine le fait que Sciences Po fait de la reproduction sociale.

Est-ce que Sciences Po doit rester une école où les élites se reproduisent ? Où il y a une majorité de « fils de » ? Et où à résultats égaux au bac, le banlieusard ou le fils d’ouvrier aura trois fois moins de chances de rentrer que le fils de cadre sup’ ou le fils de prof ?

Et puis, il y a le financement grâce aux entreprises. On nous a dit qu’à l’entrée de Sciences Po il y avait un gros logo L’Oréal…

Effectivement, il y a un logo L’Oréal dans l’entrée. Le problème de fond, c’est qu’aujourd’hui une entreprise qui va financer de l’enseignement supérieur, elle ne va pas le faire par philanthropie ni par désintérêt…

bqhidden. Si ça avait été une vraie télé-réalité, ça aurait été beaucoup plus intéressant !