26/02/2013

Kouka, Bruno David et Fanny Delacroix invités de la Matinale Politique spéciale Street Art

Street Art, politique et touristes japonais, l'émission

Par Robin D'Angelo

Lundi, l'émission de radio de StreetPress et Radio Campus Paris recevait 3 guests pour parler Street Art et politique. Le podcast et les meilleurs moments de l'émission, à retrouver ici.

Une matinale politique spéciale Street Art parce qu’au 21e siècle, les graffeurs ne sont plus toujours les ennemis de la police ou des municipalités.

Le Street Art c’est quoi ? Un mot fourre-tout qui englobe toutes les jolies choses que vous pouvez voir sur les murs de vos villes. Du graff, des collages, des pochoirs, des mosaïques, des stickers même. Et après avoir longtemps été effacés – voir même combattus ! – les mairies développent aujourd’hui le Street Art.

Presques toutes les villes de France ont leur jolie fresque sur un gymnase, un fronton de mairie, une école primaire, et même, et même… des maisons de retraites ! Oui, du Street Art pour les seniors, messieurs dames, il ne manquait plus que ça !

Alors les street artistes sont-ils devenus aussi subversifs qu’une chanson de La Fouine ? Ont-ils rejoint le rock’n roll au paradis des mouvements underground émasculés ? D’autant plus que si les mairies favorisent les murs institutionnels, les friches et les espaces de liberté, eux, ont tendance à réduire comme peau de chagrin.

Pour parler Street Art et politique :

> Kouka, street-artiste multimédia, qui s’est notamment fait connaître par ses collages de guerriers bantous dans les rues de Paris ou de Rio de Janeiro. Au fait, Kouka est aussi rappeur, écoutez ses morceaux ici .

> Bruno David, le monsieur graff’ à la municipalité de Vitry, auréolée la semaine dernière du titre de « capitale du street art » en France par le journal Métro.

> Fanny Delacroix, journaliste pour l’émission consacrée à la culture squat On veut du solide sur Radio Campus Paris.


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Ré-écoutez le podcast de l’émission


Kouka – Artiste peintre multimédia

« Quand on voit un JonOne ou un Jeff Aerosol qui vend des palissades à 80.000 euros, on se dit : “Oui, le Street Art est à son apogée”. Maintenant il ne faut pas oublier qu’avant d’être une valeur marchande, c’est quelque chose qui est né dans la rue : si on veut parler d’apogée on peut très bien parler des graffiti sur les metros new-yorkais, c’était déjà une apogée. En terme d’action dans la rue, le Street Art est loin d’être à son apogée, c’est quelque chose qui va continuer, on en est peut-être qu’au début. Ce que fait une ville comme Vitry, c’est très bien, mais ce n’est qu’une ville en France.

(…)

Il y a une démagogie qui naît de tout ça. Ca me rappelle Mme Calandra, la maire du 20e, qui une fois, était venue au mur Denoyez . Elle est très heureuse de revendiquer que son arrondissement est celui du Street Art à Paris. Elle nous disait “moi j’adore les graffiti”, puis “par contre, ça, j’aime pas du tout”, en désignant des tags. Ce qu’elle n’a pas compris, c’est que le mouvement du graffiti englobe tout ça. En fait on perd énormément en espace de liberté. Dans le 20e – j’en parle parce que j’y travaille beaucoup – on a perdu le mur de la rue des Pyrénnées, le mur de La Forge, le squat de la Miroiterie , un des plus vieux squats de Paris… Certes on fait des visites guidées pour des Japonais qui viennent voir du graffiti, mais ce que les artistes demandent, ce n’est pas des cars de touristes mais des murs où ils peuvent s’exprimer librement, et ne pas être sur des listes d’attente de 50 artistes, qui sont plus connus et qui passeront avant eux. Pouvoir s’exprimer librement sur un mur, même si on a un mois de pratique, c’est ça qui disparaît malheureusement. »


CLIP « Mon Atelier», l’excellent clip de Kouka

Bruno David – Le monsieur graffiti à la mairie de Vitry, « capitale du street art » en France

« Il y a un fort emballement médiatique. Mais est-ce que c’est pour la question du Street Art ou de la réappropriation de l’espace public ? On parle évidemment beaucoup de Street Art mais aussi de la place du vélo, de cohabitation, d’espace public et d’espace privé.. Toutes ces problématiques urbaines ressortent, forcément ça se retrouve avec un focus particulier sur le Street Art. C’est cet emballement médiatique qui est à son apogée.

(…)

L’art qui fleurit un peu partout sur les murs, il fleurit là où il peut éclore mais pas où on décide de le planter. Comment à un moment donné des artistes ont fait de Vitry un terrain d’expression ? On a beau être une mairie, on ne possède que très peu de murs de la ville, à part les équipements municipaux ! C’est anecdotique par rapport aux nombres de graff’, ça ne représente qu’à peine une dizaine de fresques ! Vitry “capitale du Street Art”, ça tient à l’histoire d’un territoire qui va au-delà des 5 dernières années. A Vitry depuis les années 1960 il y a une systématisation dans la volonté d’avoir de l’art dans l’espace public.

(…)

En tant que ville on est peut-être dans une attitude schizophrène. On a une volonté de développement urbain. On a 6.000 demandeurs de logements urbains, c’est une de nos priorités premières. Et où on construit ? Sur les interstices urbains. Alors, oui, on supprime des lieux de création et de pratiques artistes dont on a bénéficié en terme d’image. On essaie d’accompagner tant bien que mal les ateliers, mais c’est compliqué. »


VidéoA l’Assemblée, quel est votre street artiste préféré ?

Fanny Delacroix – Staff du 104 et journaliste à On veut du solide

« On sent que les politiques veulent s’approprier le Street Art. Mais dans une oeuvre commandée par une mairie, il y a une part de la spontanéïté de la pratique qui disparait pour les artistes. Agir sous pression, caché, ça fait partie intégrante du graffiti lui-même. C’est ça qui est joli dans cette pratique. Aussi les pouvoirs publics ne sauvent pas des lieux emblématiques. Comme le Tacheles à Berlin ou 5 Pointz à New-York qui vont être détruits. En fait il y a une dynamique de gentryfication avec le Street Art. Le quartier s’enrichit grâce aux oeuvres, l’immobilier monte et des entrepreneurs s’installent pour construire des bureaux ou des centres commerciaux.

(…)

Pour voir du Street Art, il n’y a pas que Vitry. Moi j’aime beaucoup le 19e, j’habite là-bas alors je le défend ! J’aime beaucoup par exemple tous les tags de Da Cruz, qui est rue de l’Ourcq. Il y a par exemple un ancien casino qui a été complétement repeint Porte de La Villette et qui s’appelle le Mausolé. Y’a un superbe livre qui est sorti avec toutes les photos. »