Eminen qui reconnait avoir été un « dope fiend » - l'équivalent d'un schlag, en 2010, et c'est un tabou du hip-hop qui tombe. Car dans le milieu, l'usage de drogues a souvent été limité à la weed, expliquent nos partenaires d&rsquo
Le hip-hop est né il y a bientôt quarante ans quand, en août 1973, DJ Kool Herk organise la première block party dans une MJC du 1520 Sedgwick avenue, South Bronx. À la base mouvement culturel, c’est aujourd’hui l’industrie dominante de la culture urbaine. Ce mouvement se voulait une alternative à la violence des gangs, au trafic et à l’usage de stupéfiants. Afrika Bambaataa, un des pionniers, encourageait au travers de la Zulu Nation une politique de « No Violence, No Alcohol, No Drugs ». Bref, un programme de Caarud . La Zulu Nation voulait rallier la jeunesse autour du credo « Peace, Unity, Love & Having Fun », mais « sans alcool, la fête est plus molle »…
Depuis, le hip-hop et la consommation de produits sont souvent associés. Mais, attention, pas tous les produits. Comme l’a chanté Raggasonic (proche de… Joey Starr) dans Poussière D’Ange, « pas d’héro, pas de coke, pas de crack ». Pour cela, deux explications. D’un coté, les rappeurs « conscients » qui ont un discours social et engagé, pour qui ces produits sont responsables du ravage de la communauté et des quartiers. De l’autre, les rappeurs « gangstas » qui se revendiquent de l’entreprenariat illicite et dont la règle est de ne pas taper dans sa marchandise (« Don’t Get High With Your Own Supply », Notorious BIG). Mais de l’un comme de l’autre, consommer des drogues « dures », c’est mal vu. Seul Tony Montana a une dérogation…
Cet article provient de la rubrique Culture du journal numéro 51 d’ASUD dont le dossier est consacré au dopage. Sexe, sport, travail, teuf : dopage à tous les étages ! Comme la guerre à la drogue, la lutte contre le dopage est une hypocrisie doublé d’un échec. On ne s’est jamais autant dopé malgré la multiplication des contrôles et des sanctions. Et pour cause la saine morale s’oppose au culte de la performance à tous prix.
Avec Laurent Appel, William Lowenstein, Marc Dufaud, Jean-Pierre Galland, Speedy Gonzalez, Fabrice Olivet, Fabrice Perez, Geoges Lachaze, Anne Coppel…
Smoke weed every day Dans les années 1980-90, la soirée hip-hop c’est les filles, la tise et la bédave. Au milieu des 90’s, tout ça prend une tournure officielle. La côte ouest explose et pendant quelques années, va contester la domination historique de la côte est. C’est l’apogée du « Gangsta » rap dont les sujets de prédilection sont le « Gang Banging »1, la « Sticky Green »2, la « Chronic »3, le « Gin & Juice »4 et of course, les « Bitches »5 (prononcer « biaaaaaatches » pour le folklore), le tout ponctué par les traditionnels « N*»6 et « Mother F*». Même si les ghettos de LA n’ont rien du Club Med, le soleil californien et la spécialité locale à haute teneur en THC invitent à la détente entre deux fusillades.
Le son lui-même ralentit un peu autour des 90 BPM, parfois moins. Les rimes sont portées par le « G-Funk » qui sample largement le catalogue de funk psychédélique de Parliament, Funkadelic et Zapp & Roger. Il fait beau, les filles sont bo… belles, la weed est bonne et on danse autour d’un BBQ géant en sirotant du Hennessy ou de la Colt 45. Ces rappeurs deviennent de vrais ambassadeurs de la weed dont ils titrent leurs albums (The Chronic et Chronic 2001 avec une feuille de beuh sur fond noir pour pochette, de Dr Dre).
Depuis, l’usage de produit s’est démocratisé chez les rappeurs. En 2005, une étude basée sur 279 chansons du Top américain révèle que 77% des chansons de rap font référence aux drogues et à l’alcool. Ces derniers embrassent de plus en plus l’image de la rock star traditionnelle festive et défoncée. On ne compte plus les références aux divers produits dans les rimes, les pages people hip-hop (si, si, ça existe) relatant des arrestations et/ou condamnations pour stupéfiants et les diverses biographies confessant un penchant pour les molécules (voir «Lyrics» ci-contre).
Le dernier numéro d’Asud
Montée de taz Method Man et Redman sont surnommés « les frères pétards ». Ils ont même fait un film culte en la matière, How High, un blunt movie lointain cousin des précurseurs Cheech & Chong (dont le plus célèbre film Up In Smoke donna le nom à la fumeuse tournée de Dr Dre, Snoop, Eminem & Ice Cube). Redman est tellement devenu une référence en termes de perchitude qu’il en devient une vanne récurrente dans les textes de nombreux frères de rimes (« Oh shit, man ! We fuckin’ higher than Redman at the Source Awards ! », Soul Plane, allusion à l’état du lascar lors d’une remise de prix). Il présentera même les Stony Awards du célèbre magazine High Times en 2006. Inutile d’évoquer le cas Snoop Dogg, qui a carrément viré rasta ces dernières semaines allant jusqu’à se rebaptiser Snoop Lion.
Certains, comme Raekwon du Wu-Tang Clan, abordent le sujet des woolies, des cigares évidés et remplis à la weed et, selon les versions, au crack/coke ou PCP. J’ai même pu assister à une grosse montée de taz du rappeur Joe Budden obligé d’abandonner ses collègues de SlaughterHouse sur scène pour aller gerber dans une poubelle back stage. Il reviendra quelques minutes plus tard avec un regard de teufeur pris dans les spotlights, animé d’une forte envie de danser et d’une grosse propension à la parole, lançant à ses compères : « Je sais pas ce qu’ils foutent dans la drogue ici mais c’est fort. » Et son acolyte Joell Ortiz de lui répondre : « Fais gaffe Joe, ici ils mettent de la drogue dans la drogue » !
La liste est longue en matière de déboires avec la loi pour possession et usage. Ils y sont presque tous passés (Snoop, Big Boi, Wiz Khalifa, Beanie Sigel, TI, Soulja Boy, Coolio…). Un MC se démarque particulièrement du lot : DMX . Abonné aux condamnations pour des faits de stupéfiants (cannabis, cocaïne, crack), le New-Yorkais passe son temps à faire des allers/retours au placard et en cure de désintoxication. Il aborde le sujet en 2002 dans E.A.R.L. : The Autobiography Of DMX de DMX & Smokey D. Fontaine.
J’ai même pu assister à une grosse montée de taz du rappeur Joe Budden
Les langues se délient Dans le registre des confessions abordant l’usage de drogues, c’est LL Cool J qui ouvre le bal en 1998 avec son autobiographie I Make My Own Rules (LL Cool J & Karen Hunter) décrivant ses tribulations avec la weed, la coke et l’alcool au début de sa carrière. Plus proche de nous, JoeyStarr officialisera avec l’aide de Philippe Manœuvre un secret de polichinelle dans Mauvaise Reputation. En termes de conso, l’ouvrage livré par le Jaguar et la plume du rock n’a rien à envier à la (très bonne) autobio de Keith Richards.
Mais à ce jour c’est certainement le rappeur le plus en vue et le plus controversé de la planète qui en parle le mieux : Eminem. Après avoir rappé sur toutes les substances possibles et imaginables, fait les unes de la presse avec ses textes et son comportement inadéquat (cf. la photo en Une du Parisien où il gobe un ecsta sur la scène de Bercy en 2001, Libé titrant le même jour « Public Eminem » !!), il est aujourd’hui le chantre de la rémission.
Après avoir disparu pendant plus de cinq ans durant lesquels il s’est noyé dans la conso, il publie The Way I Am en 2008, autobiographie dans laquelle il traite en partie de sa dépendance aux médicaments. Il réapparaît sur disque en 2009 avec Relapse (rechute) suivi par Recovery (rétablissement) en 2010. Son mentor Dr. Dre devait sortir Detox (désintoxication) entre les deux pour compléter le tableau mais on attend toujours (Dre si tu lis Asud, ce qui ne fait aucun doute, vraiment, on attend !!). En octobre 2010, le rappeur se confie au magazine Rolling Stone dans une interview sans détours où il décrit son addiction à l’Ambien®, un sédatif hypnotique dont la molécule, le zolpidem, est un dérivé des benzodiazépines commercialisé en France sous le nom de Stilnox®. Il raconte que durant la période la plus dure de son addiction, il carburait à 60 Valium® et 30 Vicodin® par jour.
Clip – Because I got high
Shlag Nul besoin de vous présenter le Valium®, tout le monde connaît. Par contre, le Vicodin® n’existe pas en France, pas même sous un autre nom. Le Vicodin® est un analgésique qui contient du paracétamol et de l’hydrocodone ou dihydrocodéinone, qui présente le profil des opiacés majeurs. L’hydrocodone orale est cependant considérée comme moins puissante que la morphine orale (près de 15 mg d’hydrocodone correspondraient à 10 mg de morphine).
En France, c’est la dihydrocodéine, un morphinique mineur commercialisé sous la marque Dicodin®, qui s’en rapproche le plus. Eminem fait référence au Vicodin® dans plusieurs chansons (Under The Influence et Déjà Vu). Un autre rappeur, Kendrick Lamar, en parle dans ADHD (Attention Deficit Hyperactivity Disorder, trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité en français) sur l’album Section 80, mais le plus grand ambassadeur du Vicodin® reste incontestablement ce cher Dr House. Outre les cachetons, Eminem revient aussi sur son overdose de méthadone en 2007 : « Les médecins m’ont dit que j’avais pris l’équivalent de quatre sachets d’héroïne et que j’étais à deux heures de mourir. » C’est cet épisode qui le fera rebondir.
Avec ces révélations, le rappeur de Detroit brise un des derniers tabous dans le hip-hop (ça commence à évoluer sur l’homophobie et l’homosexualité, notamment grâce à Eminem qui déclare dans la même interview qu’Elton John « a été une des premières personnes que j’ai appelées quand j’ai voulu m’en sortir »). Rappeur blanc, il partait déjà avec un gros handicap mais là, il se positionne comme un « Dope Fiend », l’équivalent du « shlag » chez nous. Et ça, dans un milieu ou le dealer est roi, ça passe pas. Et pourtant… Dans un coin de la scène hip-hop US, les opiacés et ses aficionados sont loin d’être marginalisés.
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bqhidden. Eminen : « Les médecins m’ont dit que j’avais pris l’équivalent de quatre sachets d’héroïne et que j’étais à deux heures de mourir. »