Les après-midis au Jardin du Luxembourg (Paris) c'est ambiance Cannes, cheveux teints et parties d'échec. Pour les petits vieux «la retraite c'est quand même génial» mais attention: pas question de maintenir l'âge de départ à 60 ans.
15h30 au jardin du Luxembourg, l’atmosphère est lourde, pas un souffle d’air pour rafraîchir les environs. En retrait, à l’ombre des arbres, un groupe d’une quarantaine de personnes s’est réuni autour de jeux d’échecs, de tarot, de belotte… Moyenne d’âge : 70 ans, la jeunesse se compte sur les doigts d’une main.
Un groupe d’amis de circonstance
M. Peuts, Maurice et Georges sont amis de circonstance : dès que le temps le permet, ils se réunissent dans le jardin, à l’ombre des grands ormes. Leur truc, ce sont les échecs. Assis sur ces chaises de jardins, aussi vertes que parisiennes, ils se regroupent autour d’une table. Les parties sont courtes, 10 minutes de jeu, « jamais plus ». « Les échecs, ça entretient les neurones. A notre âge, c’est important de faire marcher la mémoire » explique Maurice, 76 ans.
Après une bonne demi-heure de jeu, les langues se délient. Ça commence déjà à chambrer : « StreetPress ?! Ah oui je connais ! s’exclame M. Peuts, 60 ans, médecin à la retraite. C’est sur Internet. Je vais souvent sur Internet, au moins 3 heures par jour, pour me tenir au courant côté médecine.» Il ajoute tout sourire, en pointant du doigt son voisin: « C’est pas comme Maurice!».
Maurice et ses 76 ans tentent de se justifier: « Internet, pour moi, c’est zéro ! Ma femme encore, elle se débrouille, mais moi, je n’y comprends rien, rougit-il. C’est mon petit fils qui nous a installé l’ordinateur. Il a sept ans! Le plus drôle c’est que quelques années plus tôt on lui interdisait de toucher aux boutons du téléviseur!», rigole-t-il en faisant un clin d’œil au « jeune de la troupe », Thierry, « à peine 59 ans » et toujours actif.
Retraités mais contre la retraite à 60 ans
« Je suis parti à la retraite à 58 ans, j’étais blessé de guerre en Algérie, explique Maurice le hacker. Mais j’ai continué de travailler ‘officieusement’ dans le cabinet de ma femme – elle était dans l’administration d’immeubles – jusqu’à mes 65 ans ». Son parcours de militaire explique peut-être ses positions extrêmes quant à la réforme des retraites: « comme on vit plus vieux, on ne peut plus continuer de payer. Ou alors il faudrait que les gens meurent plus jeunes, qu’on fixe un certain âge, et après, rideau : on les euthanasie ».
M. Peuts, l’ancien médecin, n’est pas moins radical: « C’est vraiment dément cette histoire de 60 ans coupe-t-il. Il ne devrait même pas y avoir de retraites. Que chacun cotise à sa sauce, c’est ça la solution! ».
Le plus nuancé, c’est George, ancien représentant en bois et placage, pour qui on devrait avoir « la liberté de travailler jusqu’à sa mort. Tant qu’on veut, sans mettre de dates !». Il n’est pas contre un départ à la retraite à 50 ans mais « il faut qu’il y ait une retraite en conséquence. Économiquement, je trouve que ça serait plus logique ! ».
Une chose est sûre, tous ne voient pas d’inconvénients à reculer l’âge départ à la retraite après 60 ans. Mais aucun d’entre eux n’aimerait aujourd’hui travailler. « Attention on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac hein! s’emporte Maurice. Un homme qui coule tous les jours du bitume sur les routes et un autre qui travaille dans un bureau, ce sont des cas bien différents. Enfin, quoiqu’il en soit la retraite, c’est quand même génial ».
« Je suis marié, alors je ne cours plus les dames, donc pas besoin d’argent! »
Eux la retraite, ils ont leur petite formule pour bien en profiter, même s’ils ne roulent pas sur l’or: « Lire, sortir, jouer aux échecs ou peindre, il faut rester actif, sinon, c’est la mort », continue Maurice. Actif, ils le sont : nos septuagénaires sont tous levés avant 8 heures le matin « 5h15, 5h30 au plus tard » pour Maurice, qui se couche aussi très tôt « avant 21h ». « Si ma femme veut sortir, elle a un sigisbée, un chevalier servant », ajoute-il, avant de détailler: « Un sigisbée, c’est un homosexuel, d’un certain âge : il sort ma femme au théâtre, au cinéma. Comme ça, je peux dormir tôt le soir. »
« Sinon, il y a les vacances, les voyages mais bon… ça coûte cher » râle Georges. M. Peuts se moque de ne pas avoir d’argent: « Je préfère être ici, à jouer, que partir je ne sais où. A la retraite, c’est tous les jours les vacances ! » « Et puis, je suis marié, alors je ne cours plus les dames, donc pas besoin d’argent ! » sourit-il en faisant un clin d’œil. Georges lui ne souhaite qu’une chose : « Continuer à avoir des après-midis comme ça jusqu’à la fin ».
Source: Marine Selles | StreetPress
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