C'est dans un contexte difficile que les Roumains élisent leurs sénateurs et députés dimanche 9 décembre. Un des grands partis en lice, le PNL, souhaite, lui, le retour du roi Mihai 1er, déjà personnalité politique préférée du pays.
« Personnellement, je crois que la monarchie constitutionnelle est la forme la plus commode de gouvernement pour un pays comme la Roumanie. Je ne sais pas si c’est possible. Mais en termes de conviction, je n’ai aucune hésitation. » Le 24 octobre dernier, à l’occasion du 91e anniversaire de l’ex roi Mihai 1er, c’est tout simplement le président du sénat et leader de la troisième force politique roumaine, Crin Antonescu, qui a appelé à la restauration de la monarchie en Roumanie. En pleine campagne législative, l’ancien président par intérim a fait de cet argument un des points forts de son programme.
Depuis la chute du régime communiste, la politique roumaine est le théâtre de guerres partisanes sur fond d’affaires de corruption et de prises d’intérêt personnels. La valse des alliances et des défections a exacerbé le désamour des Roumains pour leurs politiciens. Résultat, ils sont de plus en plus nombreux à voir en leur ancien monarque une solution pour ramener une dose d’éthique et de probité dans les couloirs de l’Assemblée Nationale.
Buffet Royal « Dans une monarchie parlementaire, le roi se place au-dessus des partis. Il incarne le pays dans son ensemble au-delà des clivages politiques ou ethniques », explique Kaitar, militant monarchiste, au cours d’un repas entre partisans du roi déchu dans la petite ville d’Alba Iulia. Autour de lui, des blogueurs, des journalistes et de simples citoyens. Tous se sont rencontrés lors des manifestations massives contre le gouvernement, au début de l’année. Et tous sont convaincus que l’ex-roi Mihai 1er est le seul capable de redorer le blason de la Roumanie.
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Entre eux, ils se font appeler le club des « blogueurs libéraux ». Téléphone portable a portée de main, ils restent constamment connectes. D’ailleurs la visite d’un journaliste français, invite a cette table par une relation commune, se retrouve instantanément sur internet. La présence d’un interlocuteur international est une bonne opportunité d’exercer leurs capacités d’argumentation. « Ensemble sous le même étendard royal, derrière le même intérêt national, c’est ainsi que la Roumanie deviendra un pays fort et respecte », assène Dan, un solide gaillard, à l’autre bout de la table. Qui après une bouchée, ajoute : « L’avantage d’un roi, c’est qu’il n’a qu’un pouvoir symbolique, pas politique. C’est un exemple moral pour le peuple. »
A côté, Kaitar, originaire de l’importante communauté hongroise vivant en Roumanie, approuve et renchérit : « Les rois roumains ont toujours contribué au développement du pays. Lors du règne de Carol 1er, la Roumanie s’est ouverte sur le monde. Un monarque à la tête de l’état serait une bonne manière de souder des liens forts avec les autres monarchies européennes. »
I Love Mihai Le point de vue de cette poignée d’activistes est loin d’être isolé. En 1947, le roi a dû abdiquer face à la pression des troupes soviétiques. Forcé à l’exil, Mihai 1er n’a pu revenir en Roumanie qu’en 1992, trois ans après la chute du régime communiste. Ce jour-là, près d’un million de Roumains l’attendaient dans les rues de Bucarest. Cette ferveur avait alors effrayé le gouvernement qui s’était empressé de renvoyer le roi dans son exil Suisse.
Définitivement de retour en Roumanie en 1997, le roi déchu est revenu sur le devant de la scène politique en 2011. A l’occasion de son 90e anniversaire, Mihai 1er a été invité à prendre la parole devant le parlement. Il a alors vivement dénoncé certaines pratiques politiques : « Apres vingt ans, il est temps de mettre un terme à des comportements totalement révolus. La démagogie, l’égoïsme et la recherche primaire du pouvoir n’ont plus leur place dans les institutions roumaines. » Ce discours vivement applaudi par les parlementaires a eu un écho retentissant dans toute la Roumanie.
Depuis, la cote de popularité de l’ancien souverain n’a cessé de grimper. Au début de l’année, suite aux manifestations massives contre le gouvernement, un sondage Imas pour le journal Ziare , plaçait le roi déchu en tête des personnalités politiques préférées des Roumains avec 36,6 % d’opinion favorable. Dans une autre étude d’opinion, 26 % des Roumains affirmaient que le roi sans couronne était la meilleure personne pour « sauver la Roumanie ».
Antonescu : “La monarchie constitutionnelle est la forme la plus commode de gouvernement”
Dan et Kaitar posent avec un portrait de Sa Majesté
Banquet royal
Référendum Les élections approchant, la question de la restauration est devenu un sujet brûlant. Allié du Parti social démocrate (PSD), le Parti national libéral (PNL) de Crin Antonescu s’est clairement déclaré favorable à une restauration. Les deux alliés, en désaccord sur cette question, sont en bonne position pour remporter les élections de dimanche prochain. Un bon score du PNL au prochain scrutin pourrait offrir au parti de Crin Antonescu les armes nécessaires pour défendre l’idée de la restauration lors de la réforme constitutionnelle qui doit avoir lieu en 2013.
Si l’alliance PSD-PNL remportait les élections et décidait, contre toute attente, de proposer un retour à la monarchie, il resterait encore un ultime obstacle à franchir : le référendum. Une consultation populaire reste le passage le plus difficile pour les partisans du roi. Même si Mihai 1er jouit d’une grande popularité, les Roumains restent encore très marqués par des années de communisme pendant lesquelles la simple évocation du roi pouvait mener en prison. Réussir à mobiliser la majorité des Roumains en faveur de la monarchie serait certainement une difficulté quasi insurmontable.
Pour autant, les militants monarchistes ne baissent pas les bras. « Les citoyens ont besoin d’être éduqués sur cette question, souligne Elie, une petite brune au français parfait. Les Roumains ont oublié leur histoire et leur lien avec la monarchie. Pour le moment, le peuple n’est pas forcément prêt. Mais peut-être un jour… ».
Le PNL, qui soutient l’idée d’une restauration de la monarchie, obtient près de 150 sièges. Son allié, qui préfère l’instauration d’une république parlementaire, en totalise 221, selon des chiffres rendus publics, mardi 12 décembre, par Victor Ponta, Premier ministre et leader de la coalition au pouvoir.
Les deux partis et leurs alliés ont prévu d’effectuer une modification de la constitution roumaine pendant l’année 2013. Le pays devrait alors abandonner son système de république présidentielle au profit d’un nouveau régime. Reste à connaître le type de gouvernance sur lequel les alliés se mettront d’accord avant de le soumettre à la consultation populaire.