À force de se focaliser sur le mariage homo, on oublierait presque que parfois, les jeunes homos sont virés de chez eux, à cause de leur sexualité. L'asso Le Refuge les héberge un ou quelques mois pour qu'ils puissent se retourner.
Slim noir, piercing au nez, veste en cuir camel cintrée. Karim (le prénom a été modifié), 20 ans, assume son homosexualité. Enfoncé dans un canapé, écouteur vissé dans l’oreille, il a fini ses devoirs et va bientôt rentrer chez lui, dans le XVIe arrondissement de Paris. Non, Karim n’est pas un habitué des beaux quartiers. Son appart, c’est un centre d’hébergement d’urgence de l’association Le Refuge. Il y vit avec cinq autres colocataires. Tous homosexuels et victimes de leur orientation. « Certains ont été obligés de fuir leur pays », raconte Laurence, bénévole depuis quatre ans. Émue, elle se rappelle d’une jeune Sénégalaise lesbienne, arrivée illégalement en France :
« Quand son père a su qu’elle aimait les femmes, il l’a violée pour la remettre dans le droit chemin, comme il dit. »
Règles strictes Dans sa délégation parisienne, l’association dispose de 21 places d’hébergement temporaire. Les jeunes, la plupart mis à la porte par leurs parents parce qu’ils étaient homos, peuvent y rester un mois, renouvelable plusieurs fois. À la condition de respecter des règles strictes : obligation de rechercher un emploi, interdiction d’inviter des amis et couvre-feu à 22h.
Dans leurs locaux au sein de la Maison des ensembles, dans le XIIe arrondissement de Paris, l’association assure également un suivi psychologique, organise des sorties culturelles et des ateliers d’écriture de CV pour aider à la réinsertion. Les jeunes peuvent aussi y venir juste pour se détendre, regarder la télévision ou boire un café.
div(border). Le Refuge, c est quoi ?
Le Refuge, association reconnue d’utilité publique, est la seule structure en France, conventionnée par l’État, à proposer un hébergement temporaire et un accompagnement social, médical et psychologique aux jeunes majeurs, filles et garçons, victimes d’homophobie. Elle est présente à Montpellier, Paris, Lyon et Marseille. Pour la contacter 24h/24, 7j/7 : 06 31 59 69 50
Photos sur un portable « Dans les hébergés, il y a beaucoup de musulmans qui se cachent de leur famille », explique Laurence, qui fait aussi parfois office de deuxième maman pour ces jeunes en souffrance. C’est le cas de Karim, issu d’une famille tunisienne pratiquante. Il a 18 ans lorsque sa vie bascule. À cette époque, il habite en France avec son frère, très conservateur, et sa belle-sœur. Alors qu’il est au lycée, son frère fouille dans son portable. Il découvre les photos de Karim et son copain. Le soir, sa belle-sœur l’appelle sur son deuxième téléphone : « Ne rentre pas, tes frères veulent te tuer. »
Il n’a nulle part où dormir et passe le week-end dans la rue, en plein mois de janvier. Le lundi suivant, l’assistante sociale de son école l’envoie vers le Refuge. L’association n’a pas encore de place d’hébergement disponible. «J’ai dû attendre deux semaines », raconte Karim. Il passe ses journées dans les locaux de l’association. Le soir, il retourne dans la rue. ll écume les centres d’hébergements du 115, se nourrit des repas offerts par les associations. « Un soir, j’ai subi les attouchements d’un sans-abri », avoue-t-il, le regard baissé.
Aujourd’hui, Karim passe son bac professionnel hygiène et environnement, mais veut travailler dans l’événementiel. Sa maturité et sa sérénité impressionnent. Il compte même devenir bénévole à son tour et « faire un énorme don à l’association » s’il en a « les moyens un jour ». La peur de recroiser ses frères qui vivent à Paris reste présente, mais ses parents ne lui manquent pas.
« Ma deuxième famille, c’est le Refuge. Les bénévoles m’aident à faire mes devoirs, ils me conseillent. »
Explications d’Ariane Kosciusko-Morizet, psychiatre bénévole
Un soir, j’ai subi les attouchements d’un sans-abri
Une réinsertion difficile Mais tous n’arrivent pas à surmonter l’épreuve de l’abandon avec la même force. La plupart de ces victimes ont arrêté leurs études. La vie dans la rue les ont parfois poussés à se prostituer, pour survivre, et à se droguer, pour oublier. Certains sont toxicomanes, d’autres séropositifs. Beaucoup sont trop brisés pour avancer.
27% d’entre eux abandonnent et sortent du dispositif d’hébergement temporaire du Refuge. Aujourd’hui, en France, 300 jeunes comme Karim attendent un hébergement.
- Reportages /
- homosexualité /
- anti-mariage homo /
- mariage homo /
- accueil jeunes homos /
- le refuge /
- le refuge /
- le refuge /
- le refuge /
- Société /
- A la une /