Boogie Balagan, c'est le projet politico-musical de deux artistes israéliens, militants pour la paix en Palestine. Louable… mais pas toujours compris.
Azri et son acolyte Gabri tirent leurs noms d’une comédie israélienne culte des années 70. « Je suis né en Israël d’une mère française et d’un père russo-polonais », raconte Azri, poussé comme une fleur dans un kibboutz proche de Gaza, au contact des populations arabes. « Pour mes parents, c’était surtout un kif à la hippie ! » Quelques années plus tard, leur entreprise ayant fait faillite, ils déboulent à Paris.
« Là, je découvre que je suis juif ! J’ai 12 ans, j’arrive en tant qu’Israélien, le judaïsme se résume pour moi à quelques fêtes. »
L’ado est happé par une famille « 100 % Sentier » qu’il ne connaît pas, dans laquelle il ne se retrouve pas. « D’un côté, ma grand-mère insistait pour que je prenne un prénom gaulois (ce sera Laurent) et que j’étudie le français parfaitement. De l’autre, elle faisait le forcing pour m’inscrire dans une école juive ! » Véto d’Azri qui fait « la grève de la vie » pour aller au collège public avec ses potes : Mouloud, Guillaume… « Un environnement super mixte dans lequel je me sens bien»
« Sortir du lamento » Fin des années 80, l’heure n’est plus à la contrition post-Shoah. Les blagues caustiques de Desproges sur les Juifs, Azri adore. L’histoire avance, Israël s’ouvre, la paix est signée avec l’Égypte, Rabin négocie avec Arafat. Et puis patatras: le Premier ministre israélien est assassiné, le leader palestinien meurt, les extrémistes reprennent la main, Ben Laden fait péter les tours, les peurs ressurgissent, les clichés se ravivent, les communautés se replient, « tout se resacralise ». Pas de quoi plaire à Azri. Devenu musicien, une idée surgit: monter Boogie Balagan avec son pote Gabri, autre Israélien installé à Paris. Un « joyeux bordel » à base d’humour et de guitares pour « sortir du lamento » et montrer qu’il existe des voix israéliennes « empathiques », favorables à la reconnaissance de la Palestine.
Des indignés inclassables Premier slogan: « la solution finale, c’est Palestisraël ». Levée de boucliers, y compris de la part de «Juifs nouvelle génération»: on ne plaisante pas avec ça ! Leur rock épicé et burlesque fait danser des foules de toutes origines, mais le milieu de la musique ne sait pas par quel bout les prendre. « Si au moins l’un d’entre nous était palestinien, ce serait plus facile »… Parce que deux Israéliens, c’est quoi ? Suspect ? Moins vendeur ? Moins « bonne conscience » ?
Par peur de s’embringuer dans un sujet complexe, beaucoup préfèrent ne pas les mettre en avant. « Ou alors, on nous dit de ne pas parler politique. » Pourtant, le cinéma israélien parvient bien, lui, à porter un message contestataire ! «J’ai parfois l’impression qu’il y a deux poids, deux mesures. OK, on est les cow-boys, ils sont les Indiens. OK, notre gouvernement bombarde Gaza et les flottilles de la paix. Bien sûr que c’est insupportable ! Mais ne pas donner de visibilité médiatique aux indignés de notre espèce, c’est risquer, à force, de leur faire baisser les bras. »
*Respect Mag, « 100% juifs de France »* / 92 pages d’interviews, enquêtes, portraits, analyses pour aborder le sujet « juifs de France » de manière totalement décomplexée et assumée. Et pour comprendre en quoi l’histoire et les parcours des juifs de France nous en disent long sur l’expérience minoritaire en France : « intégration », « diversité » ou « assimilation », visibilité, organisation communautaire, lutte contre les stéréotypes, enjeux du vivre et faire ensemble…
Avec Esther Benbassa, Pascal Boniface, Jean-Christophe Attias, Richard Prasquier, Sophie Ernst, Yvan Attal, Médine, Jonathan Hayoun, Ofer Bronchtein, Pauline Bebe, Samuel Ghiles-Meilhac, Bariza Khiari, Marc Knobel, Vincent Geisser...
Case « Juive » Pour l’heure, c’est du côté d’Istanbul que les Boogie Balagan trouvent le plus d’écho. Auprès de Turcs, d’exilés palestiniens, syriens ou iraniens. « Quand ils apprennent qu’on est israéliens, ils trouvent ça intéressant. On peut discuter sur des bases géopolitiques, sans être réduits à une appartenance communautaire. » Ici, en revanche, on les renvoie souvent à la case « Juive » : tel journaliste écrit que le groupe a participé à la B.O. du Chat du Rabbin, quand il s’agit du Cochon de Gaza. Ou tel responsable de label leur dit avoir du mal à assumer La Vérité si je mens. Cet autre, qui les branche sur un festival, se croit obligé de conclure par : « Et le programmateur s’appelle David »… Sans parler des pratiquants qui leur demandent pourquoi ils jouent les soirs de shabbat !
« Je suis né juif, la famille de mon père a été exterminée dans les camps, so what ? »
[Vidéo] – Walouh, walouh
Article extrait du nouveau numéro de Respect Mag « 100% juifs de France », actuellement en kiosque et sur Respectmag.com
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