19/10/2012

Plus d'un an après leur naissance, ils ne sont plus qu'une quarantaine à Paris

Où sont passés les « indignés » français ?

Par Céline Mouzon

Changement de nom, d'organisation et recentrage des causes : depuis la rentrée, les « indignés » français tentent – en vain, pour l'instant - de renaître de leurs cendres.

« Réveille-toi Paris ! Debout ! », « La dette, c’est du racket ! » Même s’ils ont fait moins de bruit qu’en Espagne ou en Grèce, les « indignés » français ont répondu présent à l’appel pour une action mondiale (#GlobalNoise) le samedi 13 octobre dernier. Aux côtés d’Attac, du CADTM et de quelques autres organisations, ils ont défilé avec casseroles et instruments de musique festifs en tout genre.

Un hommage aux « casserolades » des manifestations étudiantes au Québec et à la « révolution des casseroles » islandaise qui avait fait tomber le gouvernement conservateur de Geir Haarde et permis à la petite île de battre le record du monde d’annulation de la dette. L’annulation des dettes illégitimes, voilà justement le thème du rassemblement de samedi : « Comme à Madrid, Barcelone, Mexico et New York », précise Cécile, chargée de la coordination avec le réseau international. « Banquiers, voleurs ! Banquiers en prison ! » Du parc Monceau, siège parisien de Goldman Sachs, qui symbolise la finance internationale, à l’Assemblée Nationale, plus de 200 personnes sont sorties dans la rue.

Le traitement aux petits oignons que la préfecture de police de Paris continue de leur réserver ne suffit pourtant pas à masquer la réalité

Musclé Une « promenade » dans les beaux quartiers qui expliquait peut-être l’encadrement – au sens TRES littéral – dont ont bénéficié les manifestants. Tant et si bien que les « indignés » ont lancé un appel à témoin « dans la perspective d’une éventuelle action en justice ».

Le traitement aux petits oignons que la préfecture de police de Paris continue de leur réserver ne suffit pourtant pas à masquer la réalité. Depuis l’an dernier, les forces ont faibli. Le noyau dur compte aujourd’hui une quarantaine d’activistes. Après la phase hivernale de 2011, ils étaient plusieurs à espérer une nouvelle poussée de sève, au printemps. Erreur. Début septembre, c’est l’heure du bilan.

Réelle démocratie maintenant Première étape : prendre ses distances avec le nom des « indignés » : « D’abord, parce qu’on est plutôt insurgés ou révoltés qu’indignés ». Du haut de ses 58 ans, Marc sourit dans sa barbe. Et aussi pour des raisons stratégiques : « Ça nous a desservi. Les médias ont dit qu’on n’avait pas d’objectifs, qu’on était seulement contre. C’est faux ! » explique Cécile, pragmatique. Par ironie et par souci de clarté, ils se mettent d’accord sur le nom complet : « Réelle Démocratie Maintenant ! Ils nous ont appelés les indignés ».

Deuxième modification, dans l’organisation cette fois. La décision par consensus passe à la trappe. Trop chronophage, trop énergivore. Désormais, la majorité des 80 % suffira. Les assemblées générales s’espacent : d’hebdomadaires, elles ont désormais lieu toutes les deux semaines. L’agenda n’est pas encore bien calé, et mieux vaut vérifier sur « démosphère », l’agenda alternatif de la région parisienne, si on veut les rejoindre.

Travail de fond Mais la grande mutation, celle qui justifie toutes les autres et doit permettre de s’installer dans la durée, c’est la mise en place d‘« un travail de fond », explique Cécile. S’ils ne sont pas seulement contre, c’est qu’ils ont des choses à proposer. En ligne de mire, la dette et l’écologie. Sous la forme de conférences-débats et de journées d’action, mondiales si possible. Traîne aussi l’idée d’une occupation de l’Assemblée Nationale, et celle d’un média. « On n’a pas encore décidé lequel. »

Qu’est-ce qui distinguera alors les « indignés » d’autres mouvements dits alternatifs ? Réponse de Cécile : « la question démocratique ». La prise de décision, les conflits d’intérêts, la représentativité ou encore la professionnalisation de la vie politique restent leur cœur de cible. Illustration par Joan, 35 ans, qui suit ces sujets au sein du mouvement : « La crise de la dette qui s’est enclenchée après la crise des subprimes de 2007 est d’abord une crise démocratique. La dette a été engagée par les gouvernements qui s’en sont remis à des mécanismes de spéculation financière sans consultation des peuples. » Dans un premier temps, ils demandent donc une transparence de la dette : que recouvre-t-elle ? Et dans un deuxième temps, un débat sur les solutions envisageables.

Activisme Ils se disent toujours activistes. « Même si on organise des conférences-débats, on ne sera pas des théoriciens », précise Cécile. Dans une vitrine, rue de l’Université, une toile « Anarchy in the U.K. » illustre la récupération par le capitalisme des mouvements de révolte des années 1970. Dérangés dans leur sieste postprandiale par ces joyeux lurons encerclés de policiers, quelques bourgeois du 7e arrondissement pointent le nez à la fenêtre, l’air blasé.

Pour l’instant, pas sûr que des manifs, mêmes festives, suffisent à redonner du peps aux « indignés ». Joan a une explication : « Les politiques d’austérité ne se font pas encore sentir en France. Attendons de voir appliqué le budget 2013… »

On est plutôt insurgés ou révoltés qu’indignés


Malgré la pluie, ils étaient 200 à manifester le week-end dernier