Sur StreetPress, le groupe Eiffel raconte son dernier album, titre par titre. Un nouvel opus moins rock mais aux paroles toujours aussi écorchées : « après quoi on court, vu qu'à la fin on donnera tous à bouffer aux vers ? »
On va prendre votre album titre par titre. D’abord, « place de mon cœur, jusque dans les rues et boulevards, cicatrise. Combien de temps encore comme ça ? » Vous pensez que l’on vit dans une époque difficile ?
Romain : On ne vit pas dans une époque plus difficile qu’hier. Mais on vit dans une époque trouble, un peu tourmentée. Elle est complexe avec la communication à tout va, le grand capital qui continue à malmener le monde. Avec « Place de mon cœur », on peut penser à la Place Tahrir. En fait, ça parle de ce qui se passe à l’intérieur. Sans regarder ce qui se passe autour, tu peux en avoir une perception intime, c’est ce que dit la chanson.
Estelle : Sur cette planète, beaucoup de gens ont du mal à comprendre la société dans laquelle ils sont. Il y a un vrai truc qui cloche. Tout le monde commence à remuer dans tous les coins, car au fond, on ne veut pas d’un monde comme ça.
Dans le deuxième titre, vous écrivez : « fils de moins que rien, dans le caniveau ou bien né (…) on prend tous le même train ». C’est un peu votre « Nés sous la même étoile » ?
Romain : Il y a aussi des chansons de Brel qui disent ça. Le thème est tout sauf original : après quoi on court, vu qu’à la fin on donnera tous à bouffer aux vers ?! Et puis, faire côtoyer le capitaine Haddock et Rocco Siffredi dans le même couplet, ça me faisait marrer. Il y a aussi une allusion à Dutronc : « 7 milliards de Pékins et moi, et moi ». C’est le seul texte que j’ai fini en 30 minutes. Les autres, je les peaufine en 6 mois en général.
Le titre 3 – « chaos of myself, où sont les hauteurs, les tramways aériens, les petites fleurs, papillons ? » – est-il une incitation à se mettre au vert ?
Estelle : Pour voir plus loin que le bout de leur nez, je pense que beaucoup de gens ont besoin de la campagne, même sans le savoir…
La quatrième chanson, « foule monstre, je traîne ma solitude, perdu dans ton immensité », a inspiré le titre de l’album. Pourquoi ?
Romain : Parce que c’est une expression populaire ! Foule c’est beaucoup de monde, et monstre, c’est que les choses ne sont pas si sympa que ça. C’est l’idée de la relation entre le grand tout, et, toi et moi. Dans les grands rassemblements, on peut mettre en avant des idéaux. Ou alors faire connement des « oooo oooh », comme à la fin des concerts ! On fait tous partie de la foule, et ce qu’elle fait peut nous faire peur.
5e titre, vous chantez « ça fait quoi d’être libre ? », le triptyque Liberté égalité fraternité, ça n’existe pas pour vous ?
Romain : En terme d’idéal, si, ça existe ! Mais faut voir ce qu’on en a fait ! « Liberté, égalité, fraternité », c’est une question d’éducation. L’éducation, c’est donner la possibilité aux gens de savoir un maximum de choses, pour avoir le choix et être libre. La culture en fait partie. Mais lorsque tu donnes un I-phone et une PlayStation à un gamin, c’est tout sauf la liberté. C’est une forme de camisole de force !
Estelle : Donc c’est une belle utopie pour l’instant. Mais c’est bien d’aller vers ça.
Eiffel – Place de mon coeur
Estelle Humeau : basse, chœurs, claviers, flûte, mélodica, guitare.
Sachant qu’Eiffel compte aussi deux autres membres, deux Nicolas, Nicolas Bonnière et Nicolas Courret.