Stéphane Belmondo, le trompettiste génial, « aime bien rester assis à un concert et apprécier avec un bon verre. » Mais pas avec Lady Gaga : « C'est horrible d'avoir de la merde comme ça lorsque tu te bats pour la musique. »
D’où vient ton amour pour le jazz ?
C’est familial ! Mais je ne dirais pas que le jazz, c’est réducteur. Je dirais mon amour pour la belle musique. Mon père est musicien et avec mon frère Lionel, on a donc toujours entendu de la musique. J’ai ainsi commencé le solfège dès l’âge de 4 ans.
Quels instruments jouait ton père ?
Mon père jouait du bandonéon (petit accordéon pour le tango). Clarinettiste à la base, mais aussi flûtiste et saxophoniste.
Parlons de toi : la batterie, l’accordéon classique, puis la trompette et le bugle. Finalement quel est ton instrument favori ?
Je pense que je n’ai pas d’instrument favori ! La trompette, c’est elle qui m’a choisi. Je préfère dire ça, car j’aurais très bien pu jouer d’un autre instrument. J’ai commencé par la percussion et l’accordéon. Et aujourd’hui, le moyen d’expression où je me sens le mieux, c’est la trompette et le bugle.
Te souviens-tu la dernière fois que tu as joué de l’accordéon classique ?
Oui, c’était dans un concours au conservatoire d’Aix-en-Provence. A cette époque, on faisait danser les gens de la région avec mon frangin et mon papa. Et l’école du bal, c’est très important pour un musicien je trouve !
Quelle a été la rencontre musicale la plus déterminante pour ta carrière ?
Toutes les rencontres sont importantes pour moi. Même celle d’aujourd’hui ! Mais la première rencontre qui m’a vraiment marquée, c’est Chet Baker. J’avais 21 ans et contrairement à tout ce qu’on pouvait croire sur lui (junkie, etc.), j’ai énormément appris musicalement et humainement avec cet homme là.
Si tu devais emmener un disque de jazz sur une île déserte ce serait lequel ?
Le mien ! Mais mon prochain disque : celui où l’on ne sait pas encore du tout ce qu’il va être ! (rire) En fait, je ne pense pas que j’emmènerais un disque, je dirais plutôt une canne à pêche. Car j’aime beaucoup pêcher et j’adore le poisson. Et puis, si je ne devais emmener qu’un disque, ce serait très difficile.
Paris est-elle une bonne ville pour trouver de l’inspiration jazzy ?
Oui, mais de l’inspiration tout court ! Je puisse mon inspiration dans la musique et dans l’art en général. J’aime beaucoup le cinéma, les sculptures dans les musées, lire même si je n’ai pas le temps… Et puis, j’ai la chance de beaucoup voyager. Mais un arbre peut m’inspirer autant qu’une fleur ! Je m’inspire de belles choses, car puiser dans la musique c’est chouette, mais ça reste un peu fermé.
Que signifie le nom du nouvel album « The same as it never was before » ?
Ce nom regroupe toutes les influences que j’ai eu jusqu’en 2010 (où le disque a été enregistré). C’est une vision du futur et du passé. Pour le traduire, ça pourrait être : c’est ce que je suis jusqu’à aujourd’hui. Mais je préfère que l’on interprète le titre en anglais !
Comment constitue-t-on un bon orchestre de jazz, comme sur ce nouvel album ?
Cet orchestre s’est fait naturellement. Je vais commencer par Kirk Lightsey qui est un musicien et un être humain hors pair pour moi. On joue ensemble depuis 22 ans, et c’est le pianiste dans l’album. Dur de le présenter car il fait parti de l’histoire du jazz et même de la musique depuis les années 70. Il y a aussi le batteur Billy Hart avec qui j’ai beaucoup d’expériences différentes, et au milieu il y a le petit jeune Sylvain Romano qui travaille avec moi depuis 8 ans. C’est un bassiste très doué, et on va entendre parler de lui pendant longtemps. Ce sont tous des êtres humains que j’aime beaucoup, avant toute chose.
Car j’ai eu la chance aussi de jouer avec de très grands musiciens, mais qui sont insupportables ! J’aime bien apprécier du vin et de la bonne bouffe, avec les gens avec qui je joue. S’il n’y a pas ça, je ne peux pas ! Et je sais qu’il y a beaucoup de jeunes musiciens qui partent de l’autre côté de l’Atlantique pour enregistrer des disques, parce que ça fait vendre plus de disques et que ce sont des gens connus, etc. Moi, j’ai déjà enregistré avec des musiciens américains, mais ce sont que des gens avec qui j’ai avant tout une amitié assez forte.
J’aime bien apprécier du vin et de la bonne bouffe, avec les gens avec qui je joue. S’il n’y a pas ça, je ne peux pas
Les lèvres sacrées du trompettiste
Lady Gaga a insulté Liza Minnelli, que j’admire, il y a un mois à New York. Même d’un point de vue extramusical, elle n’a pas de respect. Cette nana là, j’espère que dans 3 ans on en entendra plus parler.
Selon toi, quel est le morceau le plus groovy de cet album ?
Je laisse les auditeurs choisir. Pour toi, c’est lequel ? (c’est United, la piste 9) Ah oui, la composition de Wayne Shorter. Donc oui je suis d’accord avec toi, c’est celui-là !
Tu seras le jeudi 16 juin au Café de la Danse. Danse-t-on donc beaucoup à un concert de Stéphane Belmondo ?
Moi ce que j’aimerais à un concert, c’est que les gens s’expriment comme ils veulent. S’ils veulent danser, bouger une jambe, aucun problème. Mais dans la plupart de mes concerts, les gens sont assis et écoutent. Je ne dis pas que ma musique est difficile à danser, mais il vaut mieux rester assis. Moi, j’aime bien rester assis à un concert et apprécier avec un bon verre ! Mais le jazz est né avec la danse : tous les big bands comme ceux de Count Basie ou Duke Ellington ont commencés comme ça. À l’époque, on faisait des marathons de danse, jusqu’à ce que le dernier tombe par terre !
Tu as collaboré avec Alain Bashung, Jean-Louis Murat, Claude Nougaro mais aussi Doctor L, Eric Legnini et récemment Yael Naïm… Comment choisis-tu tes collaborations ?
En général, c’est eux qui choisissent. Peut-être pas pour Alain, ça s’est passé autrement ! Mais ce qui est surtout intéressant avec la collaboration, c’est que ça devient des gens très proches. Si tu dégages ça dans la vie, tu favorises les rencontres. Ca s’est toujours fait au feeling. Et j’ai une anecdote avec Alain Bashung en studio : il arrive avec du retard et on se met à parler, puis je lui demande : « Mais qu’est-ce que tu veux comme couleur musicale, je joue ou pas la sourdine, et avec quel instrument ? », et il m’a regardé 15 secondes sans rien dire, puis il m’a dit : « Tu t’appelles Stéphane Belmondo, n’est-ce pas ? Donc tu me joues du Stéphane Belmondo et tout ira bien ! » Et ça pour moi, c’est une grande leçon !
Mais peux-tu me dire le nombre de musiciens avec lesquels tu as déjà collaboré dans ta vie ?
Ca serait très dur ! Bon on va dire une centaine de musiciens ! Alors là avec les filles, c’est des milliers ! Non mais pour le nombre de filles, disons un peu moins qu’avec les musiciens !
Et avec quel artiste souhaiterais-tu prochainement collaborer ?
La liste serait longue, mais je pense que ça se fera naturellement ! Si j’ai la chance de rester en vie assez longtemps, tout se fera tout seul.
As-tu des artistes favoris auxquels tu n’as pas encore rendu un hommage musical ?
Non, car je vais peut-être me calmer car j’en ai déjà fait beaucoup, mais sinon il y en aurait plein d’autres ! Cependant je ne profite pas de la mort d’un musicien pour lui rendre hommage. La preuve : Stevie Wonder ou Yusef Lateef sont en vie ! Pour l’hommage à Stevie Wonder, je devais le faire, car c’est un artiste qui m’a énormément marqué. Donc pour en revenir au disque sur l’île déserte, ce serait peut-être un disque de Stevie. Je dirais « Songs in the key of life », car c’est un double album. Stevie, il m’a tellement marqué, comme John Coltrane aussi, et c’est probablement l’une des personnes qui m’a le plus touché musicalement !
Et quels sont tes futurs projets de collaborations avec ton frère Lionel Belmondo (ils ont sortis l’ « Hymne au soleil II » cette année ensemble) ?
Pour l’instant, on ne joue plus trop ensemble pour des raisons de business. Si je vais jouer dans des festivals avec lui, ce devra être sous un autre nom. Mais on a démarrés l’histoire ensemble, on continue l’histoire ensemble.
Je voudrais ton opinion sur le nouvel album de Lady Gaga, actuellement n°1 des ventes partout dans le monde…
C’est horrible d’avoir de la merde comme ça lorsque tu te bas pour la musique. De plus, elle a insulté Liza Minnelli, que j’admire, il y a un mois à New York. Même d’un point de vue extramusical, elle n’a pas de respect. Cette nana là, j’espère que dans 3 ans on en entendra plus parler. S’il y a de belles choses ça va, mais là il n’y a rien de beau : même pas la personne ! Mais musicalement il ne se passe rien d’intéressant de ce côté-là.
Et les musiciens français d’aujourd’hui ?
Il ne se passe pas grand-chose non plus par rapport aux années 60 : quand on voit des gens comme Piaf, Ferré, Trenet, Brassens, et puis Brel que je considère comme un français… mais j’ai oublie pleins ! J’ai d’ailleurs enregistré 2 disques avec Trenet. Mais sinon, quand on voit tout ce qui sort aujourd’hui, ce n’est vraiment pas comparable. La musique populaire actuelle, c’est effrayant ! Mais c’est le monde entier qui est comme ça malheureusement.
Ton opinion sur la carrière de Jean-Paul Belmondo (qui a reçu la palme d’honneur d’interprétation au Festival de Cannes pour l’ensemble de sa carrière cette année) ?
Je trouve que c’est quelqu’un d’honnête. Je pense qu’il a fait une belle carrière, surtout pour ses premiers films. J’étais fan quand j’étais môme. Je l’ai rencontré 2-3 fois, et on a vaguement parlé d’un lien de famille. Mais en Italie, des Belmondo tu fous un coup de pied dans une poubelle et il y en a pleins !
Et quelle est la prochaine sortie de B-Flat Recordings ? (son label fondé en 2003 avec son frère Lionel)
En fait, c’est un scoop : je ne fais plus partie du label ! Ce label est une belle histoire, mais maintenant je m’occupe un peu de moi-même. Mais la nouvelle sortie, je la connais : c’est le disque de Christophe Dal Sasso, un album très intéressant enregistré en grande formation, que je recommande vraiment.
Un jazzman n’est jamais bien loin d’une cave
Stevie Wonder c’est probablement l’une des personnes qui m’a le plus touché musicalement !
Cet article aurait pu s’intituler: Un cours de yoga avec Stéphane Belmondo
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