Interdiction d'allumer un barbecue dans la capitale et, pourtant, difficile voire impossible de savoir ce que l'on risque en jouant aux rebelles de l'été. Rien ? 90 € ? 125 € ? Plus ? StreetPress a enquêté dans les fumées estiv
C’est le genre de sujet estival qui sent bon la chipo. Un sujet pour Parisiens frustrés de ne pas avoir de jardin où en griller. Oui, parce qu’à Paris, allumer un barbec’ – peut-être que vous ne le saviez pas – c’est interdit. Mais au fait, que risque-t-on à braver l’interdiction ? Question à priori pas très complexe. Et pourtant, dès les premiers coups de fil, il s’avère que personne ne sait franchement répondre à cette interrogation. À la mairie de Paris, on nous envoie à la préfecture de police qui nous expédie de nouveau à la mairie qui (re)pointe du doigt la préfecture. Bon. Ça valait bien un petit voyage dans les eaux troubles de la législation autour des barbecues.
1 Vous habitez dans un immeuble en copropriété Et comme dans tout immeuble en copropriété, vous êtes soumis à un règlement. La plupart du temps, il est stipulé dans ce genre de texte que vous n’avez pas le droit d’allumer un barbec’ – si jamais ce n’est pas le cas, vous pouvez vous faire plaisir.
Admettons qu’après avoir rêvé de saucisses/pommes de terre flambées, vous allumiez votre barbecue dans une copropriété qui vous l’interdit. Si aucun voisin ne se plaint, vous n’aurez aucun ennui. Mais « si vous êtes pris sur le fait, l’info remonte jusqu’au syndic. Une lettre de rappel du règlement vous sera envoyée », nous précise Nathalie Paynnot, juriste à l’ANCC, l’association nationale de la copropriété et des copropriétaires. Rien de plus qu’une lettre. Si vous êtes pris de nouveau la main ventilant la braise, cette fois, c’est « une mise en demeure » qui vous sera envoyée, vous enjoignant à ne plus utiliser votre barbecue.
Pour qu’une action en justice soit menée contre vous, « il faut que tous ou quasi tous les voisins soient enfumés », poursuit Nathalie Paynnot. S’il n’y a qu’un voisin qui se plaint, le syndic ne portera pas plainte en son nom. En revanche, le voisin en question (qui commence à vous détester sérieusement) peut faire appel à un conciliateur de justice, un bénévole nommé par le président de la cour d’appel pour tenter de trouver une solution aux troubles du voisinage. « Dans 80 % des cas, on trouve un compromis. Celui qui enfume l’autre accepte par exemple de changer son barbecue de place », raconte Antoine Roucher, conciliateur de justice à Versailles. « Et dans 20 % des cas, on tombe sur quelqu’un qui ne veut pas bouger d’un pouce, pour qui l’entourage ne compte pas et qui ne veut rien entendre sous prétexte qu’il est chez lui. »
Si vous en arrivez jusque-là, c’est soit que vous êtes accro à la fumée, soit que vous détestez votre voisin. Dans les deux cas, si vous envoyez paître le conciliateur de justice, vous êtes conduit devant un tribunal. Et là, surprise, vous ne risquez quasiment rien : au pire, le tribunal vous prend votre barbec’ chéri et vous devez payer une amende symbolique (1€ par exemple). « C’est vrai que les textes n’ont rien prévu pour ce cas de figure donc forcément… », lâche Antoine Roucher. Nathalie Paynnot précise : « c’est au cas par cas. Pour que l’amende soit conséquente, il faut vraiment que vous allumiez un barbec’ jour et nuit et que les murs de vos voisins soient noirs. » Tant que cela ne se voit pas, que les murs n’ont pas déteints et que les draps de l’immeuble ne sont pas noirs, difficile de vous attaquer en justice.
Ce que vous risquez si vous allumez un barbec’ une fois Rien. Au pire, une lettre de plus dans votre boîte aux lettres.
Ce que vous risquez si vous allumez quotidiennement un barbec’ La confiscation de votre barbec’ et une amende symbolique.
Variante : vous n’habitez pas dans une copro mais dans une maison isolée Vous voyez bien comme c’est compliqué de traîner en justice un fou du barbec’ quand vous habitez une copropriété qui vous l’interdit. Alors si vous êtes chez vous, et que vous ne gênez aucun voisin, vous pouvez vous faire plaisir. Mais, sérieusement, vous habitez une maison isolée dans Paris ? Personne n’y croit, hein.
Variante : vous n’habitez pas à Paris Tout dépend de l’arrêté que votre municipalité aura pris concernant les barbecues. Mais à priori, vous n’aurez aucun souci à en allumer un si vous êtes dans votre jardin.
2 Vous allumez un barbec’ dans un espace vert
À Paris, c’est la mairie qui gère les espaces verts. « Les barbecues sont interdits explicitement, pour des raisons de sécurité », nous répond Damien Steffan, le directeur de l’information et de la communication de la mairie de Paris. « Vous risquez une contravention. Au-delà de ce qu’on risque, c’est surtout une question de civisme, n’est-ce pas ? » Mais quel est le montant, justement, de cette contravention ? « C’est le juge du tribunal d’instance qui fixe le montant de l’amende selon son appréciation de la gravité des faits. Donc on ne peut pas donner de montant standard. » Ah bon, devant le juge ? Mais pour quel motif ? Et y’a-t-il une fourchette entre le montant minimum et le montant maximum ou est-ce que vous pouvez vous faire taxer de 1000 € comme de 12 € ? Silence radio de la mairie, qui n’a plus donné signe de vie.
Curieusement, lorsque l’on pose la même question à René (dont le prénom a été modifié), le gardien d’un grand parc parisien, la réponse est complètement différente. Un juge ? « Non, vous n’allez devant le juge que si vous ne payez pas l’amende, et qu’on vous relance pas mal de fois, là vous passez devant le juge. Ou alors s’il y a un incendie, là évidemment ce n’est pas la même chose, mais j’ai une bonne carrière derrière moi, j’ai jamais vu un départ de feu à cause d’un barbecue dans la capitale. »
Et une amende flexible ? Là plusieurs facteurs entrent en compte : l’humeur de celui qui vous contrôle, votre sexe (si vous êtes une fille à forte poitrine, ça aide) et votre capacité à faire semblant de ne pas savoir qu’allumer un barbecue est interdit. « Bon, déjà, la première fois qu’on surprend quelqu’un, on lui explique que c’est interdit et si la personne obtempère et éteint tout de suite le feu, on ne la verbalise pas. » Après, si la personne ne veut pas l’éteindre ou si elle en rallume un la semaine d’après, « on verbalise. Le minimum, c’est 90 €. » Mais, là où la mairie avait raison, c’est que l’amende est fluctuante : « ça dépend des cas, ça peut être davantage selon les réticences de la personne, comment elle se comporte etc… » Et surtout le prix diffère si vous avez 90 euros sur vous ou si vous payez plus tard – dans ce cas-là, c’est plus cher, comme dans le métro ou dans les trains. Là encore, difficile d’avoir un chiffre précis. René lui-même semble n’en avoir aucune idée. « On voit sur le moment. » Bon. Si vous êtes un fan de barbecue, pensez à être beau, sympa et bronzé, ça vous aidera.
Ce que vous risquez si vous allumez un barbec’ une fois Rien si vous êtes une fille qui joue bien la comédie et que vous obtempérez rapidement. Sinon, 90 €, si vous payez tout de suite.
Ce que vous risquez si vous allumez plusieurs fois un barbec’ Au minimum, 90 €. Au maximum, impossible de vous dire, la facture peut donc être très salée. Surtout, évidemment, si vous créez un départ de feu, là vous serez assigné en justice.
3 Vous allumez un barbec’ dans la rue
Dans toutes les villes de France, des arrêtés municipaux sont diffusés sur la question, se référant au code général des collectivités. Toutes sauf Paris, qui fonctionne différemment. Dans la capitale, c’est la préfecture de police qui est à l’origine de l’arrêté interdisant les barbecues dans la capitale. Sauf qu’à la préfecture de police, personne n’est capable de retrouver cet arrêté. Aucun texte n’est trouvé, rien qui mentionne les barbecues. « On est bien d’accord qu’il ne s’agit pas d’un arrêté municipal ? » glisse la communication de la préfecture.
Dans la rue, les policiers croisés ne semblent pas plus informés. « Il me semble que vous devez demander une autorisation d’emprise sur la voie publique. » Et sinon que se passe-t-il ? « Euh… vous savez, on ne connaît pas tous les textes par cœur. » Mieux vaut donc demander cette fameuse autorisation – qu’à priori, on ne vous délivrera pas – à la préfecture (0,22 € la minute, soyez concis).
Au final, tout dépend une nouvelle fois sur quel policier vous tombez. Vous pouvez être confronté à un policier sympa qui ne vous verbalisera pas si vous faites semblant de tomber des nues. Ou à un qui voudra vous faire plonger dans les abîmes de votre compte en banque. Et si c’est le cas, la facture peut être très, très salée. Jean-Louis Del Pistoia, de l’USPPM, l’union syndicale professionnelle des policiers municipaux, estime que la contravention minimum encourue, c’est « 125 € pour non-respect d’un arrêté » (si vous êtes d’humeur badine, demandez-leur sur quel arrêté ils se basent, vous m’aideriez). Surtout, « le policier va rendre ensuite à un officier de la police judiciaire un rapport de contravention : vous risquez gros s’il inscrit sur ce rapport que vous mettez en danger autrui, par exemple, ou si du matériel inflammable est à proximité. » Pas de chiffre à vous communiquer, mais « ça peut monter très vite, et même devenir un délit. » Dans ce cas, vous passeriez devant le juge, et la condamnation peut à nouveau être très fluctuante. Eaux troubles de la législation autour des barbecues, qu’on vous disait.
Ce que vous risquez si vous allumez un barbec’ une fois dans une rue parisienne Rien si vous êtes une fille qui joue bien la comédie. Sinon, 125 € minimum pour non-respect d’un arrêté. Plus quelques centaines d’euros en plus si le policer sale son rapport de contravention.
Allumer son barbecue sur son balcon
Risque d’amende : quasi inexistant
Au pire : la justice vous confisque votre barbecue
Allumer son barbecue dans un espace vert
Risque d’amende : moyennement élevé
Au pire : une centaine d’euros. Evidemment plus si vous mettez le feu au parc
Allumer son barbecue dans la rue
Risque d’amende : assez élevé
Au pire : Plusieurs centaines d’euros si le courant ne passe pas entre vous et l’agent de police