Jeudi 19 mai Lola Karimova a demandé 30.000 euros à Rue89, après le procès Bolloré et avant celui de Sarko. Le directeur de la publication Pierre Haski assure que le frais ne mettent pas journal en péril. Jusqu'au jour où ils seront condamnés.
Est-ce que vous êtes confiants pour le verdict ?
Oui je pense que les débats, les témoignages qui ont été apportés sont sans ambiguïté sur la nature du pouvoir et sur le rôle des filles du président Karimov. Franchement, l’accusation elle-même ne tenait pas la route et je ne vois pas comment ce procès peut se terminer autrement que par une victoire pour Rue89.
Que reprochiez-vous à la fille Karimov ?
Lola Karimova fait de grandes soirées mondaines, où elle fait venir des stars à prix d’or comme Monica Belluci : Ça lui donne des reprises fabuleuses dans les magazines people. Ça donne à son pays une image glamour, positive. Elle voudrait qu’on arrête de parler de l’Ouzbékistan dans les pages politiques mais par le biais des pages people. Elle a une stratégie de communication très habile, elle fait ses soirées à Cannes, elle a loué le palais de Versailles et le musée d’Art Moderne… Mais il faut regarder ce qu’il y a derrière tout ça. Finalement, on en parle un peu plus grâce à elle…
Les procès à répétition, ça ne risque pas de vous ruiner ?
C’est vrai que ça nous coûte cher : Nos frais d’avocats et de justice ont été multipliés par 5 entre 2009 et 2010, ça commence à peser. En même temps, on a lancé un appel à nos lecteurs pour payer ces frais d’avocats. Ça nous a payé quasiment la moitié des frais de 2010. Il y a eu une vraie solidarité de nos lecteurs qui s’est manifestée et qui nous encourage au contraire à rester extrêmement vigilant. Dans la mesure où nous gagnons nos procès, les seuls frais qui sont à nos charges sont des frais de justice. Mais si on était condamné et qu’on devait payer des amendes, ce serait une autre paire de manches.
Vous n’êtes pas tenté d’éviter les sujets trop « touchy » pour ne pas avoir de nouveaux frais de justice ?
On voit bien que la stratégie du recours à la justice est une manière de faire pression sur nous, qui est incroyable. A travers nous, c’est souvent un exemple qu’on veut donner aux autres. On vient d’avoir une nouvelle plainte du groupe Bolloré. Effectivement, chaque fois qu’on parle du groupe Bolloré et de l’Afrique, il y a une plainte. Je sais qu’il y a des médias qui refusent aujourd’hui d’écrire sur ce groupe parce qu’ils ne veulent pas avoir d’ennuis. Nous on a eu une plainte il y a 15 jours, pourtant ce matin on a publié un article sur un rapport accablant sur l’attribution du port de Conakry au groupe Bolloré, on continue à faire notre travail ! Ce serait de la folie de notre part de nous dire « on ne va pas publier parce qu’on a peur d’un procès ! » Dans ce cas-là, autant fermer boutique et arrêter.
Vous en êtes à combien de procès ?
On doit être au 7ème procès plaidé. On a gagné les 6 premiers, certains sont en appels maintenant. Il y en a 6 autres qui attendent dans le pipe-line d’être jugés dont notre procès le plus emblématique qui est la vidéo de Sarkozy avant son passage sur France 3. On a des images du président de la République en activité dans ses rapports avec des journalistes et techniciens de France 3. On n’est pas allé voler des photos dans sa salle de bain ou de l’échographie de son bébé ! Ça remonte à 2008 ça fait 3 ans que cette affaire dure ! Théoriquement il y aura procès, mais je ne vois pas comment, à l’approche de l’élection présidentielle, le gouvernement peut prendre le risque d’un tel procès. Une affaire qui relève du strict droit à l’information, ne va être jugée que dans 2 ou 3 ans, que sais-je…
Lola Karimova avait été outrée par l’expression « filles de dictateur » employée dans l’article, et n’avait pas non plus supporté d’être suspectée de vouloir « blanchir l’image de son pays ». Un mobile « grotesque » pour la défense, au vu de la situation politique et de la liberté de la presse (catastrophique) en Ouzbékistan.
Rue89 comptait démontrer que l’Ouzbékistan était bien une dictature répressive, et que le parallèle entre les filles et le père n’était pas dénué de sens au vu de leurs liens étroits. Le site d’information a fait venir à la barre 3 témoins à charge: Deux femmes ouzbeks réfugiées politiques en France; ainsi qu’une journaliste de Backchich, qui avait les preuves écrites du montant payé par les sœur Karimova pour faire venir Monica Bellucci à un de leur gala (230.000 euros).
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