13/03/2010

Critique ciné : The Ghost Writer

Par Benjamin Gans

The Ghost Writer, c'est Ewan Mac Gregor. Il doit réaliser la biographie d'un ex-premier ministre Britanique en plein déboire judiciaire, comme Tony Blair. Rattrapé par l'actualité, le dernier film de Roman Polanski est un grand thriller.

Une fiction rattrapée par la réalité

Quelques jours après que Tony Blair soit auditionné pour expliquer l’engagement de son pays en Irak (le 29 janvier dernier), le film The Ghost Writer réalisé par Roman Polanski était projeté au festival de Berlin. Cette projection offrait à l’actualité une résonance à la fois imparable et troublante: Comme Blair, Adam Lang, ex-Premier Ministre dans le film, vacille devant les scandales politiques.

Roman Polanski, à l’aide du scénario tiré de l’ouvrage de Robert Harris, joue clairement sur cette gémellité avec le réel quand il multiplie les clins d’oeil : on ne compte plus les correspondances entre le couple de Tony et Cherie Blair et celui d’Adam et Ruth Lang (joués par Pierce Brosnan et Olivia Williams). La société américaine Hatherton évoque la très lucrative Halliburton et c’est un véritable sosie de Condolezza Rice que l’on voit à l’écran pendant quelques secondes incarner la secrétaire d’état à la défense américaine.

La tension et la virtuosité de Chinatown

“You’re a very nosy fellow, kitty cat.  You know what happens to nosy fellows?  Wanna guess? No? Okay. They lose their noses”, dit le personnage incarné par Roman Polanski à Jack Nicholson avant de lui couper la narine dans le film Chinatown. De la même manière, le spectateur a envie de prévenir l’écrivain incarné par Ewan Mac Gregor lorsqu’il commence à rédiger, en tant que nègre, la biographie de l’ex premier ministre Adam Lang. Dès qu’il se mettra à sortir des sentiers battus, il risquera bien plus que son nez comme son prédécesseur retrouvé mort sur une plage.

Il y a dans ce Ghost Writer la même ambiance intense, lourde et angoissante que dans ce précédent chef d’œuvre de Polanski daté de 1974. Comme dans Chinatown, le film est construit autour d’un secret inavouable. Et on devine qu’il manque à la biographie de cet ex premier ministre, Adam Lang, un grand et lourd secret comme la pièce centrale d’un puzzle qui en dévoilerait toute la signification. Un secret d’autant plus lourd qu’il est caché sur une île, dans une propriété ultra protégée, à l’intérieur d’une villa qui ressemble à un bunker. Un secret enfin, bien dissimulé dans un tiroir, un tiroir qui ne sera pas celui que l’on croit.

Fiche Technique

GHOST WRITTER, de Roman Polanski, avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Kim Cattrall
128 mn
Vu en Salle 3 le mardi 9 mars à 19h20 au Gaumont Disney Village

Fréquentation: Salle à moitié pleine

J’y vais: Seul

Je grignote: Un soda et des bonbons

Prix: 9,90€
Satisfaction:

Une dimension shakespearienne

Derrière le décor feutré et glacial de la maison-bunker de Adam Lang, c’est un théâtre de faux semblants, d’ombres et de pantins mus par une violence effroyable. Et c’est là tout le talent de Polanski d’avoir su transcender une intrigue pour l’élever dans une dimension toute shakespearienne. Cette plage et cette tempête qui souffle tout au long du film ne sont pas sans évoquer le début de La nuit des Rois. Cette violence intense contenue par des hommes de pouvoirs conjuguée aux rapports complexes qu’ils entretiennent rappelle encore les tourments des personnages de Shakespeare.

Un épilogue qui donne le vertige

L’intrigue vous embarque comme un tourbillon. C’est une structure narrative en spirale qui vous prend calmement et vous embarque de plus en plus vite avant de vous engloutir tout entier. C’est imparable.

C’est l’actualité qui a donné au film un vrai et terrifiant épilogue d’abord avec l’audition de Tony Blair. Mais c’est surtout l’arrestation de Roman Polanski qui donne un dernier vertige et une mise en abîme troublante à cette œuvre. On se demande en effet au regard de l’intrigue démoniaque dévoilée dans The Ghost Writer si cette arrestation n’a pas un quelconque rapport avec le cœur du film. On rappellera l’avertissement que donne le personnage joué par John Huston au détective privé Gittes incarné par Jack Nicholson dans Chinatown:
“You may think you know what you’re dealing with, but, believe me, you don’t.”

La bande-annonce

Source: Benjamin Gans / StreetPress