Une vengeance après la présidentielle ? L'Uni a lancé jeudi une pétition pour supprimer les « scandaleux » avantages fiscaux des journalistes. « Je veux les aider », nargue son président Olivier Vial.
« Je veux vous aider ! » Nous, ce sont les grands méchants journalistes-bobos-de-gauche-privilégiés. Et pour nous sauver, Olivier Vial, président de l’UNI, lance une pétition contre l’abattement fiscal dont bénéficient tous les journalistes – 7.650 € à déduire des revenus annuels. « S’il y avait plus de transparence autour de cette niche fiscale, il y aurait moins de défiance autour des journalistes. » Et il y aurait-il moins de sympathisants de droite en train de siffler la presse (et, accessoirement, lui cracher dessus et la malmener physiquement) aux meetings de l’UMP ? « Oui, sans doute. » Ouf, ça nous travaillait cette histoire.
Salaires trop faibles Battons-nous avec l’UNI pour que la défiance envers les journalistes cesse ! Battons-nous aussi à leurs côtés pour que les journalistes soient mieux payés ! Ben oui, parce qu’Olivier Vial explique : « cet abattement, c’est un argument des employeurs pour moins payer les journalistes à l’embauche. C’est scandaleux. » Un argument qui fait sourire (jaune) Dominique Pradalié, du SNJ, le syndicat national des journalistes : « C’est profondément stupide. Cet abattement bénéficie surtout aux journalistes pigistes qui ne sont pas employés dans une structure. Ils ont fait 6 ans d’études, sont extrêmement mal payés et sans cet abattement, c’est simple, ils crèvent ou ils changent de boulot ! C’est ça la réalité de notre profession, aujourd’hui. »
Privilégiés ? Les pigistes, Olivier Vial sait qu’ils existent mais pour lui, ce n’est pas la question. A combien estime-t-il le salaire moyen d’un journaliste ? « 2.800 € » D’où vient ce chiffre ? « On l’a vu sur Internet. Vous savez bien que c’est impossible de trouver un chiffre incontestable, mais je pense qu’on est proche de la réalité. » Pas la réalité décrite par le SNJ mais peut-être une autre réalité. Pour nous prouver sa bonne foi, il ajoute : « si on avait voulu choqué, on aurait pris les salaires les plus gros, ceux des présentateurs télé. » Mais il répète, ce n’est pas une question de salaire. « La question, c’est de savoir si cette niche fiscale est justifiée. Surtout de la part d’un gouvernement qui dit vouloir lutter contre les niches fiscales. » Sarkozy l’avait bien maintenu, pourtant. « Il ne faisait pas la même politique de lutte contre les niches fiscales. »
Bizarre, quand même, que l’UNI se réveille pile maintenant alors que cet abattement fiscal existe depuis… 1945 (avec pas mal de gouvernements de droite qui se sont succédé entre temps). « Il n’a plus lieu d’être, ce n’était pas la même époque. » Dominique Pradalié rit : « Avec des arguments comme ça, le Christ, né il y a plus de 2.000 ans, n’aurait plus aucune raison d’être. »
> Un abattement fiscal qui existe depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Une mesure prise pour « aider à créer une presse pluraliste et de qualité. Grâce à cette aide indirecte de l’Etat, les journalistes pouvaient vivre de leur profession », explique Dominique Pradalié, du SNJ.
> 1974 : Valéry Giscard d’Estaing le redéfinit et le plafonne à 50.000 francs. Depuis, la somme n’a jamais évolué, si ce n’est qu’on a changé de monnaie.
> 1995 : Jacques Chirac arrive au pouvoir et le nom de cet abattement change : depuis, il s’agit officiellement d’une « déduction pour frais d’emploi ».