Sur StreetPress, le saxophoniste Jacques Schwarz Bart explique quʼil y a toutes sortes de musiques, celles «pour ôter les vêtements», celles «qui motivent pour aller à la guerre», celles «qui sont spirituelles». Et la sienne, qu'en fait-on ?
Un attaché parlementaire devenu jazzman, ce nʼest pas courant…
Oui, cʼest vrai, attaché parlementaire, c’était mon premier poste en sortant de Sciences Po. Jʼavais espéré tout autre chose de lʼadministration politique. Au bout dʼun an et demi, jʼai donné ma démission. Jʼy ai trouvé un monde cynique. Humainement, je nʼy ai pas trouvé mon compte. Et il se trouve que de façon concomitante, jʼai rencontré mon instrument, le saxophone juste avant de prendre mon premier poste à 24 ans.
La petite histoire parle dʼun accident de voiture, d’un véhicule brisé et Miles Davis qui jouait…
Jʼai survécu par miracle à un accident de voiture. Je me suis retrouvé debout près de cette carcasse enfumée, et je me demandais comment jʼavais pu sortir de cet amas de tôle froissé. Il y avait quelque chose d’inexplicable. A ce moment-là, hors de toute considération, la stéréo continuait à jouer du Miles Davis. Pour moi c’était un signe : jʼavais une seconde chance, une chance de recommencer ma vie et celle-là, il ne fallait pas que je la rate.
De la musique jazz, on a souvent une image élitiste. Tu nʼhésites pas à casser les codes en faisant un duo avec le chanteur de dancehall, Admiral T ?
Cʼest à cause du Gwo ka (de la musique traditionnelle guadeloupéenne), cʼest une musique à la fois très rythmée, très spirituelle, mais aussi très lyrique, avec des mélodies fortes et au milieu de ça, des improvisations assez folles de percussions. Cʼest un concept qui est commun au Gwo ka et et au jazz. Jʼai gardé ce sens du lyrique qui nous vient dʼAfrique.
Dʼoù est venue lʼinspiration pour ton nouvel album, le quartet «The Art of dreaming»,sorti le 21 février dernier ?
Dans lʼoeuvre de Carlos Castaneda. Je le lis depuis plus de 20 ans. Toute son oeuvre décrit les stades dʼapprentissage dʼun chaman toltèque, du Mexique. Dans toutes ces phases dʼapprentissage, je me suis retrouvé en tant que musicien. Tout ce par quoi était passé Castaneda, jʼavais lʼimpression dʼy être passé. Mes combats, mes tragédies, mes peurs et la confrontation avec lʼinconnu.
Tu es très spirituel dans ta musique, je pense notamment aux cultures Gnaoua et Vodou que tu as intégré dans ton travail.
Pour moi, il nʼy a pas de différence. Les musiciens se servent du spirituel pour faire de la musique. La musique est en soi une quête spirituelle. Cʼest une seule et même chose. Il nʼy a pas de musique sans spiritualité, enï¬n de musique qui m’intéresse parce que cʼest vrai quʼil y a toutes sortes de musiques. Il y a des musiques pour bercer les enfants, des musiques pour aider les gens à ôter leurs vêtements, des musiques de célébration d’anniversaire, des musiques pour motiver les gens qui vont à la guerre. Donc effectivement, je parlais de la musique qui mʼinspire. Toutes les musiques qui me parlent ont des racines spirituelles.
En parlant de toutes sortes de musiques, qu’est-ce que tu écoutes qui n’a rien à voir avec ton style ?
« Funky dreamer » de James Brown. Il y a des artistes qui dépassent tous les styles à cause de leur dimension universelle. James Brown en fait partie. Il y a quelque chose dʼabsolument original dans sa façon de chanter, dans les rythmes. Il faut vraiment ne plus avoir de pouls dans les veines pour ne pas ressentir quelque chose lorsque lʼon entend la musique de James.
Et puis « I cantʼ help it » de Michael Jackson. Le titre phare de la carrière de cet artiste parce que il y avait cette énergie qui lui est propre avec une espèce dʼautorité rythmique, mais aussi une fragilité car il avait une voix de femme et tout ça soutenu par une composition de Stevie Wonder. Cʼétait une rencontre magique. Et lʼarrangement de Quincy Jones, cʼest la cerise sur le gâteau. Le reste de son oeuvre ne me touche pas autant car il manque la plume de Stevie, qui donne une richesse harmonique et mélodique à ce morceau, que je ne retrouve pas dans le reste de son oeuvre.
Pas de risque de trouver du Lil Wayne dans ta playlist ?
Quitte à passe pour un vieux con, je nʼai quʼune attitude complètement volontaire par rapport à la musique. Je ne laisse personne mʼimposer du son. Même lorsque je monte dans la voiture de quelqu’un, je lui dis tout de suite dʼéteindre la radio à moins que quelque chose mʼintéresse. Je suis constamment dans une ligne de création donc ça veut dire que jʼai une vision particulière pour chaque projet et je sais comment alimenter cette vision.
Tu écoutes la nouvelle scène rock ou même plus largement ce qui se fait ailleurs dans dʼautres styles ?
Chaque fois que je me risque à le faire, ça ne passe pas. Il peut y avoir des chansons ici et là, je ne suis pas fermé dʼesprit mais en général, non. Très souvent, lorsque je suis en société, je rencontre des gens qui nʼaiment pas le jazz, qui me disent quʼils détestent. Je le respecte totalement. On a tous des avis différents. Je ne m’arrête pas au style. Je peux très bien être séduit par un artiste de pop rock. Les grands artistes dépassent les styles.
Jacques Schwarz Bart
“Je me suis retrouvé debout près de cette carcasse enfumée, et je me demandais comment jʼavais pu sortir de cet amas de tôle froissé”
“Je ne laisse personne mʼimposer du son.”
div(border). En concert
Jacques Schwarz Bart sera le 22 mai (mardi prochain), en showcase à la Fnac de Montparnasse puis le soir même au Festival Jazz de St-Germain des Prés. Puis, il sera les 27/28 mai au festival Etonnants Voyageurs de St-Malo. A noter aussi, entre autres : le Festival les Hauts de Garonne à Bordeaux le 5 juillet, le Festival Jazz à Tout Var dans la banlieue de Toulon le 24 août, le Festival de jazz au Château de Clermont à Annecy le 25 août ou encore la Scène Nationale l’Apostrophe à Cergy-Pontoise le… 15 février 2013. Oui vous avez le temps d’y penser.
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