Où coucher quand on est jeune et que l'on n'a pas de chez soi ? Surprise, entre Etap hôtel, Fiat Panda ou baise assumée chez les parents, le lieu de la sexualité dépendra de l'origine sociale.
53% des 18-25 ans vivent en 2009 chez leurs parents. Et chez les étudiants du même âge on atteint le chiffre de 63%. Alors forcément à un âge où le cul occupe les ¾ du temps de cerveau disponible, il y a une incompatibilité quand on loge au domicile parental. Un des dilemmes pour la jeunesse, c’est de savoir où vivre sa sexualité, quand on n’a toujours pas d’appart. Car se faire cramer par ses vieux, c’est presque devenu un sport national.
1 Chez papa et maman ça ne pose pas de problèmes
Dans la cour de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville, des étudiants plutôt friqués fument des clopes entre les cartons à dessins. Ici le look ambiant pour les mecs, c’est barbe de trois jours et grande mèche, tandis que chez les filles on est plutôt mi-bobo mi-baba.
Et tous se sont fait prendre la main (ou le doigt) dans le sac, au moins une fois. « Le père de mon copain nous a surpris. Il est entré dans la chambre pour nous apporter le petit-déj’. C’était la honte !», rigole Marie, 21 ans dans son col roulé bleu. « Moi c’était ma petite sœur ! » renchérit son pote Bastien, 22 ans.
Autre exemple, Fleur qui vient de prodiguer une fellation à son copain, un peu précoce. Plutôt que d’avaler son sperme, elle préfère aller le cracher dans la cuvette des W-C. Sauf qu’au moment de sortir de la chambre pour rejoindre la salle de bain, elle croise les parents du bien-aimé, la bouche pleine… La scène est tirée d’un film, « Le premier jour du reste de ta vie », mais cela a le goût du vécu.
Son visage aussi rouge que ses Converses, Marie ne regrette pourtant rien. La nuit d’amour passée avec son copain l’emporte sur sa petite demi-heure de honte. « Même si c’est un peu gênant, mes parents ne me disent rien ». Car « le phénomène Tanguy », induit par la crise du logement étudiant, semble avoir changé les mentalités. Aujourd’hui, les jeunes adultes, financièrement indépendants de plus en plus tard, vivent leur vie sexuelle au domicile familial, et en toute tranquillité. Baiser chez papa et maman est entré dans les mœurs.
2 T’as une maison pourrie : direction chez les potes
Mais pour les autres qui vivent dans un trou, c’est carrément impossible. Junior Kimbembe, beau-gosse au parcours scolaire irréprochable, sort avec une nana depuis 4 ans. Pourtant pour ce winner, pas moyen de passer de moments intimes avec sa belle. « Moi je vis dans un studio, avec ma grande sœur de 27 ans qui est enceinte ». Arrivé de Nantes, pour faire un stage dans une grande institution française, il n’est rémunéré que 400€ par mois. Soit moins que le minimum à débourser pour vivre dans une studette à Paris. Quant aux résidences universitaires, il y a en France 200.000 places pour 2.2 millions d’étudiants.
Alors pour tringler, Junior s’organise. « L’idéal est de se faire prêter l’appartement d’un ami. C’est gênant de demander ça, mais tu n’as pas 10.000 solutions » Il compte donc sur une bonne copine « qui s’éclipse discrètement » quand il vient lui rendre visite avec sa petite-amie. Mais Junior 24 ans, et engagé sentimentalement, doit encore galérer comme un ado pour vivre sa vie sexuelle. « Sinon il y a la voiture, mais c’est vraiment pas pour le fantasme», ajoute-t-il en rigolant.
3 L’Etap Hôtel : le lupanar des lascars
Dans les quartiers précaires, la situation est encore plus difficile pour les jeunes en chaleur. Au Val-Fourré, grosse cité de Mantes-La-Jolie, il y a 30% de chômage chez les moins de 25 ans. L’indépendance financière, on connaît pas : les jeunes restent tard chez les parents. Nejib Gasmi, responsable d’une équipe d’éducateurs du quartier, raconte : « Ici les familles vivent beaucoup dans l’Islam, c’est tout simplement pas admis de ramener une fille à la maison. Alors on s’accommode, on a un hôtel Formule 1 qui s’est ouvert dans les environs et c’est là-bas que vont les jeunes avec leurs copines. »
En bas des HLM de la rue Rébéval (XIXe arrondissement), les jeunes préfèrent l’Etap Hôtel, 2 € de moins que Formule 1. « Chez nous c’est une question de respect. Même si t’as 30 ans, tu ne ramènes pas de meufs chez toi ! On va à l’Etap Hôtel », explique Adbou, 21 ans. Des propos repris par Fouad qui répare un scooter, plus haut de la rue « Nous c’est hôtel direct ! … . On paie 50€ mais on reste toute la nuit. On a même le petit dej’!».
L’Etap Hôtel de la Porte de Bagnolet est calé entre un échangeur autoroutier et une gare routière. Avant d’y accéder, il faut grimper les trois étages d’un escalier à l’odeur suspecte. La vue y est imprenable sur les petites cités alentour. Un vrai petit nid d’amour en somme. A la réception on assure que « 50% de la clientèle du week-end sont des couples de jeunes qui viennent pour une nuit. Et la nuit très tard, on a les jeunes de cités qui sortent de boîte, surtout les samedis ». Ces baisodromes ne sont pas l’exclusivité des couples d’un soir, mais deviennent de véritables petits hôtels de charme. « On a beaucoup de couples jeunes qui viennent régulièrement ». L’Etap Hotel c’est le love-hôtel, version lascars.
Au Planning Famillial, rue Curial dans le XIXe arrondissement, on estime qu’avoir les hôtels, c’est mieux que de ne rien avoir du tout. Pour Martine, travailleuse sociale depuis 20 ans, il ne fait aucun doute que les hôtels ont un rôle positif. Car pour les filles dès qu’il est question de sexualité, tout devient difficile. « Franchement quand on les écoute, c’est d’un triste. Tout est fait à la va-vite, elles n’ont pas de lieu, c’est « j’te baise et puis voilà ». Dans ce contexte, l’hôtel low-cost devient un havre de paix pour des jeunes en mal de tranquillité sexuelle et surtout pour des filles qui ne peuvent pas assumer leur sexualité à la maison.