A quelques heures du dîner du Crif, StreetPress prend le petit déjeuner avec Arielle Schwab. Elle nous explique pourquoi ce dîner fascine, et nous jure que le Crif n'est pas en train de basculer à droite.
On s’est dit que ça serait sympa de prendre un p’tit déj avec la présidente de l’Uejf. Tu prends quoi ?
Un grand crème.
Alors, comment ça se prépare ce dîner ?
C’est sympa d’aller au dîner du Crif. C’est toujours un moment agréable. Mais un petit déjeuner avec des journalistes, c’est sympa aussi.
Est-ce qu’aujourd’hui il y a une différence entre un juif de 20 ou 25 ans et ses parents ?
C’est vrai qu’il y a une différence. La génération des étudiants d’aujourd’hui a vécu les années 2000. Avec la montée de l’antisémitisme, il y a eu une forme de prise de distance avec la société française, avec une tentation de repli. C’est très marquant pour notre génération. Parce que pour être dans l’ouverture ou la rencontre avec les autres communautés, il faut d’abord dépasser cette inquiétude originelle.
Et c’est valable pour tous les Juifs de France ?
Là, on parle toujours du noyau dur de la communauté. A l’ Uejf, on touche aussi le deuxième cercle, parce qu’on est présent dans les facs. Mais il y a un troisième cercle, pas en contact avec les institutions ou les organisations juives.
Donc la représentation des Juifs de France, ça n’est pas tous les Juifs de France ?
Ben ça n’est pas tous les Juifs de France, non.
Donc c’est compliqué d’avoir une bonne photographie…
Oui mais c’est pour ça que vous vouliez qu’on prenne un petit déjeuner, non ?
A part ça, à l’Uejf vous êtes carrément à gauche par rapport au reste de la communauté juive…
C’est vrai que le monde étudiant a toujours été un peu décentré à gauche.
Mais quand vous allez à un meeting de RESF ou quand vous demandez à Eric Besson de stopper son débat sur l’identité nationale, y a pas photo.
Attendez, quand on s’oppose à Ahmadinejad à l’Onu [le précédent président de l’Uejf avait fait irruption déguisé en clown dans la salle du Conseil des droits de l’homme de l’Onu pendant un discours du président iranien, ndlr], quand on organise un voyage de la mémoire, comment on classe ce type d’action ? Après, si RESF [qui milite contre les expulsions d’enfants sans-papiers, ndlr] mène ses combats depuis la gauche, ça ne m’empêche pas de penser que ce sont des combats qui méritent d’être suivis.
Au final, je n’ai pas de problème à assumer que les combats qu’on porte, si on les regroupe, aient plutôt l’air de droite ou de gauche.
Par contre, on dit que le Crif va basculer à droite…
On dit ça en ce moment. Mais le Crif, ça n’est pas l’hémicycle ou les guignols de l’info ! Et je ne suis pas sûre que le classement PS/UMP soit très opérant.
… Mais quand Gilles-William Goldnadel, considéré comme très à droite, a été confortablement élu en décembre au comité directeur du Crif, vous avez du avaler votre sushi de travers ?
C’est vrai qu’on n’a pas mené beaucoup d’actions avec Gilles-William Goldnadel . Mais on ne tire pas particulièrement la tronche. Après, à l’autre extrême, il y a des gens qui ne pensent pas du tout comme lui qui ont aussi été élus au comité directeur.
Et tu connais le menu du dîner du Crif de ce soir ?
Euh, non…
Avec le dîner d’Ardisson, c’est un des rares dîners qui passe en direct à la télévision…
Oui, c’est un moment où la communauté juive envoie un message à la République et où la République s’adresse à la communauté juive. C’est médiatique parce que pour les gens, juifs ou pas, ce moment-là compte. Tant mieux !
Mais comment ça se fait qu’il y ait autant de monde au dîner… c’est une agence de RP, le Crif ?
Ben, ils font ça bien ! Encore une fois, la communauté juive intéresse beaucoup les gens. C’est intrigant, intéressant. On se demande ce qui va se passer. C’est pris au sérieux par les gens qui sont des décisionnaires dans la communauté et dans le gouvernement. Ca vaut le coup d’être écouté. C’est un grand moment de la République.
Certains critiquent le dîner du Crif parce que le Crif reçoit plus d’écho médiatique que les autres communautés.
Je veux bien rencontrer les gens qui pensent que c’est un problème que cette soirée intéresse tellement. Après, je ne vais pas régler les problèmes des gens qui ont soit des préjugés, soit qui vont jusqu’à être antisémite. Je n’ai pas fait de statistiques sur la présence de la communauté juive dans les médias, mais je ne suis pas persuadée qu’elle en ait tellement plus.
Oui mais il y a plus de politiques et de journalistes au dîner du Crif qu’au dîner du Cran, par exemple… C’est une question de menu ?
Le Crif a construit un moment annuel d’échange avec les institutions, les décisionnaires, les médias. Si les autres communautés ont décidé que ça ne se jouait pas à ce moment là mais dans d’autres temps, dans une forme de continuité, c’est leur décision.
Peut-être qu’il ne suffit pas de copier le modèle, mais de faire un apéro ou un goûter…
Ou un petit déjeuner ?
On entend moins les intellectuels juifs, le grand rabbin de France ou encore Finkielkraut qui portait la voie des Juifs de France. Vous avez disparu des médias ?
C’est vrai. Mais ça dépend un peu des sujets et des moments. On va voir ce qui se passera ce soir. A priori, il devrait y avoir quand même quelques journalistes…
Source : Noémie Toledano et Johan Weisz | StreetPress
- Interviews /
- Crif /
- Juifs /
- Diner du Crif /
- Arielle Schwab /
- Uejf /
- Politique /
- A la une /