Dans 127 heures, le héros doit se couper la main tout seul comme un grand s'il veut ne pas mourir. «J'aime ces défis que les héros doivent surmonter» explique à StreetPress Danny Boyle qui consacre ses prochaines années aux JO de Londres.
Rassure ton public Danny, le film ne dure pas 127 heures ?
Ah ah ha … C’est vraiment drôle cette histoire de chiffres dans les titres. Par exemple, les studios aux États-Unis essaient toujours d’avoir le mot «mariage» dans le titre d’un film. Pour eux, c’est comme une garantie d’avoir au moins 40 millions de dollars de recette au box office. Et pareil pour les chiffres, il y a une théorie à ce sujet : c’est que même si le public s’ennuiera pendant le film, il cogitera pour savoir ce que signifient ces chiffres … Mais que le public se rassure, le film dure 90 minutes sur une expérience qui a duré 127 heures.
Cette histoire de chiffre dans les titres c’est comme les mots clés sur Internet finalement qui permettent d’avoir plus de trafic ?
Oui exactement. Une autre chose qui se passe avec 127 heures c’est qu’on est premier sur les listes, grâce aux chiffres ! On est dans les premiers grâce à ce titre ! Les chiffres sont toujours devant ! Gros avantage… Surtout quand il y à 300 films référencés, 127 heures est le premier … c’est bon ! C’est comme avoir un film qui commence par un “A”, et tu te retrouves en haut des listes…
Il ne dure pas 127 heures, mais 90 minutes c’est l’un de vos films les plus courts en fait ?
C’est la durée parfaite pour un film. C’est la même que pour Petits meurtres entre amis. J’ai vraiment du mal avec les films qui durent presque trois heures. Selon moi, la durée naturelle pour être spectateur d’une histoire, c’est 90 minutes. Après on a quand même besoin de faire un break pour boire un café par exemple ou aller aux toilettes.
Danny Boyle joue au bras de fer chinois avec StreetPress
Vous n’avez pas vu le Napoléon d’Abel Gance qui dure plus presque 6 heures ?
Bien sûr que j’adore certains films qui durent longtemps, comme Inception récemment. Mais je le répète, on devrait être capable de raconter la même histoire en 90 minutes. En Inde, je me souviens d’un truc incroyable par exemple : les grandes stars du cinéma indien ne lisent pas les scénarios, c’est le réalisateur qui vient les voir et qui joue littéralement le film devant eux, pour leur donner une idée vraiment précise de leur rôle et de l’histoire ! Et donc là on ne va pas jouer le rôle pendant plus de 90 minutes.
Quasiment tous vos personnages sont soumis à des situations de stress intense, alors que vous-même vous avez l’air toujours très calme : c’est un drôle de contraste entre vous et votre œuvre non ?
Oui, c’est drôle parce que c’est le genre de choses auquel on ne pense pas en commençant un film. C’est vrai que j’ai aussi remarqué que j’aime mettre en scène des personnages qui vivent à chaque fois des situations de stress ou qui se retrouvent face à des choix impossibles. J’aime ça ! Et c’est le genre de cinéma que j’apprécie : j’aime ces défis, ces quêtes que les héros doivent surmonter. Ça répond à des objectifs, presque naturels du cinéma. Pas besoin d’une fin heureuse. Mais plutôt le sentiment d’avoir triomphé, le sentiment d’arriver au terme d’un parcours ! On retrouve ce thème dans 127 heures mais aussi dans Slumdog millionaire, le héros a le monde entier contre lui, mais il réussit à conquérir la fille qu’il aime malgré cela.
On dirait que c’est le film que vous aviez besoin de réaliser pour évacuer un peu toute la pression et la folie qu’il y a eu autour de Slumdog Millionaire ?
C’est l’impression que ça donne c’est vrai pourtant ce n’est pas tout à fait exact, d’abord parce que j’avais voulu le réaliser avant Slumdog. Mais à l’époque Aron [l’homme dont est inspiré le héros du film, ndlr] et moi n’étions pas encore d’accord, car il voulait que le film ressemble plus à un documentaire. Il ne me faisait pas vraiment confiance ce que je peux comprendre, il se méfiait vraiment d’Hollywood. Il avait vraiment peur qu’on modifie la fin par exemple : on aurait pu imaginer un scénario typique d’Hollywood où un chirurgien en ballade dans le canyon avec sa femme serait venu lui porter secours pour lui sauver sa main et ainsi faire un bon happy end ! (…) En surface, ça ressemble à l’opposé de Slumdog, pour ces paysages de canyon loin des foules, loin des villes surpeuplées. Et en même temps, pour moi ça reste dans la continuité de Slumdog : les foules que l’on voit au générique de 127 heures par exemple sortent des rush de Slumdog. Le film parle presque plus de la foule que de l’exploit d’un homme seul qui réussit à survivre, ce qu’on aurait vu dans un documentaire. Pour moi, le sens de cette histoire est le fait que le héros tourne le dos à civilisation et se retrouve dans cette situation. Car c’est justement quand il réalise à quel point il a besoin de cette foule qu’il réussit à s’en sortir.
Danny Boyle, la bio en 5 films
1994: Petits meurtres entre amis.
Premier long métrage de Danny et premier grand rôle pour Ewan McGregor. Succès commercial – un budget de 1 millions de livres pour une recette de 20,5 millions de dollars – et critique – plusieurs récompenses dont un Hitchcock d’or – qui assure au réalisateur le financement de son prochain film … Trainspoting.
1996: Trainspotting
Succès critique, beaucoup de récompenses dont un Oscar. Tous les moins de 40 ans connaissent le film. What else ?!
2000: La Plage
La “quenelle” de M.Boyle. Dur pour le réal, sa première grosse production ricaine – 50 millions de dollars – tombe à l’eau. C’est en France que le film à le mieux réussi: Merci Guillaume Canet et Virginie Ledoyen (ok, Léo aussi).
2002: 28 Jours plus tard
L’anglais se rattrape bien sur ce film de science-fiction post-apocalyptique made in England, qui est rentabilisé dès la première semaine aux USA. Danny réalisera après les J.O de 2012 à Londres un second épisode, 28 mois plus tard.
2008: Slumdog millionnaire
Ou comment se donner du crédit pour 2 ou 3 films pépère: 8 Oscars, 125 million de bénef…No comment.
Le film peut aussi être interprété comme un métaphore de ce qu’on doit sacrifier pour changer sa vie. Avez-vous l’impression d’avoir sacrifié des choses pour en être là où vous êtes ?
Non, je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir sacrifié quoi que ce soit, à part du temps avec mes enfants. C’est la seule chose que je regrette. Sinon j’ai beaucoup de chance d’être là et d’avoir eu du succès. L’important est d’être impliqué dans ce qu’on aime faire. Surtout quand on pense aux autres qui ont des boulots de fou comme remplir des enveloppes toute la journée.
Que sacrifieriez-vous pour sauver la terre du changement climatique ?
Nous avons une responsabilité de changer les choses. Ma fille travaille pour Greenpeace en Inde. A côté de leurs campagnes de pubs, ils ont des actions très locales pour changer les habitudes de milliers de petits fermiers dont l’impact est énorme. Bien sûr, on doit changer nos habitudes même si ça semble un peu exagéré pour nous comme nous passons notre temps à voyager pour promouvoir nos films autour du monde.
127 heures – La bande-annonce
Quel sacrifice seriez-vous prêt à faire pour ramener Michael Jackson en vie ?
Ah cher Michael ! Vous savez que le compositeur de Slumdog et 127 heures connaissait
Michael ? Ils devaient même faire quelque chose ensemble…
Seriez-vous prêt à arrêter de faire l’amour pendant un an pour le ramener ?
C’est vraiment une question impossible !
Ne plus faire de films pendant 5 ans ?
C’est un peu ce que je vais faire car je vais me consacrer aux Jeux Olympiques et ça va occuper une grande partie de mon temps. Peut-être que ça ramènera Michael Jackson et qu’il réapparaîtra pendant la cérémonie d’ouverture ! « Mesdames et messieurs vous croyiez qu’il était mort et bien non ! »
J’aime mettre en scène des personnages qui vivent à chaque fois des situations de stress
Et qu’est-ce que vous ne sacrifierez pour rien au monde ?
Le final cut ! En même temps quand on y pense, c’est aussi un non sens cette histoire de final cut car tout au bout, qui a vraiment le final cut ? C’est sans doute le distributeur : il suffit qu’il produise une seule copie, qu’il projettera dans une ile minuscule au milieu de l’océan atlantique et il aura satisfait à ses obligations de distributeur ! Ce sont eux qui ont le vrai final cut ! Alors si vous voulez faire ce métier, il faut être prêt à les écouter car ils peuvent vous faire vraiment mal.. Parfois, ils ont même préparé des notes qu’ils veulent partager avec vous et vous êtes bien obligé de les écouter. Mais quelqu’un doit prendre la responsabilité de toute cette création et c’est le réalisateur qui doit avoir ce rôle en tous cas, il est crucial que ce soit lui. Mais j’ai surtout appris que le vrai final cut, et j’ai appris cela quand je travaillais au théâtre à Londres, il y a longtemps, c’est aussi le travail que l’on a avec les acteurs. La chance que l’on a au cinéma c’est de pouvoir jouer avec plusieurs matériaux et de les façonner. Tout final cut – c’est-à-dire cette capacité à exercer ce total et libre choix dans la manipulation de tous les éléments pour n’en choisir qu’un seul -est très important et on ne devrait jamais le sacrifier. Beaucoup ne l’ont pas et je suis conscient de la chance que j’ai d’avoir ce contrôle.
L’interview de Aaron Ralston, l’homme qui s’est auto-amputé
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