18/02/2011

La nouvelle culture facho est détendue de la botte

Les schtroumpfs, The Shield ou la Torah pour les nuls... la boutique facho 2.0 de Fdesouche

Par Romain Giuseppone

Fdesouche.com, le principal site d'extrême droite français lance sa boutique culturelle en ligne. Surprise : Pour ne pas froisser les différents courants de la droite nationale, Fdesouche zappe Maurras et réinvente la culture d'extrême droite.

Depuis plusieurs semaines, le site nationaliste Fdesouche a ouvert sa boutique en ligne – en fait un widget d’Amazon – où vous pouvez aider à financer le site tout en parfaisant votre culture extrême-droite. Über cool. Parmi les objets culturels proposés, on retrouve des classiques du genre, comme le roman Le camps des Saints de Jean Raspail, l’essai très en vogue chez les islamophobes Ces maires qui courtisent l’islamisme ou encore le livre de science-fiction La mosquée Notre-Dame de Paris année 2048 de la russe Elena

Mais dans les rubriques DVD, jeux vidéos ou livres, tu seras surpris de retrouver des produits qui squattent peut-être aussi les étagères de ton salon. En vrac les séries The Shield, Rome, The Wire, les films 300, La cité de Dieu, La journée de la Jupe ou encore les 15 premiers épisodes de Strip-Tease, « l’émission qui vous déshabille ».

Oups, « François de Souche » – le pseudonyme de l’administrateur du site – aurait-il en fait les mêmes goûts que toi ? Après avoir kiffé les aventures de Vic McKay , la prochaine étape c’est de prendre sa carte du Front National de la Jeunesse ?

Michael Chiklis et les cathos intégristes « Ah ah, pas du tout!», s’esclaffe Stéphane François , chercheur au CNRS lorsque StreetPress le consulte pour se rassurer. Même diagnostic chez Nicolas Lebourg , universitaire spécialiste de l’extrême-droite: « Non, vous n’avez pas forcément des idées fachos ». Mais alors que diable viennent donc faire Michael Chiklis , Gerard Butler et Les Schtroumpfs aux côtés de Dominique Venner – un ancien de l’OAS, Bernard Antony le chef de file des catholiques traditionnalistes ou Bernard Lugan , «  le seul africaniste en France qui vient de l’extrême-droite monarchiste », dixit Stéphane François ?

The Shield ou 300 détournés par l’extrême-droite « Il y a clairement une double lecture », analyse d’emblée l’auteur de la Musique europaïenne: éthnographie politique d’une subculture de droite . Il reconnaît que même « s’il n’y a rien de particulier dans The Shield » la série peut aussi être interprétée comme « la défense de l’Occident blanc ». Des propos appuyés par Nicolas Lebourg pour qui « il est certain qu’un jeune identitaire qui regarde The Shield, va évidemment l’interpréter avec cette plus-value idéologique ». Pour ceux qui ne connaissent pas la série diffusée sur Canal +, Vic McKay, agent de la police de Los Angeles, fait respecter l’ordre dans les ghettos noir et latino de Los Angeles, quitte à parfois enfreindre la loi.

Rendez-vous de la droite décomplexée et de l’extrême droite, Fdesouche n’est pas l’organe d’une fraction de l’extrême droite, mais plutôt l’endroit ou tous ses courants se retrouvent. Et causent, en témoignent les centaines de commentaires postés à chaque article.

« Non, vous n’avez pas forcément des idées fachos »

Dans le même ordre d’idée, Lebourg témoigne de « la passion des identitaires pour le film 300 » ou encore « du succès des Seigneur des anneaux repris par tous les journaux d’extrême-droite ». « Ils disaient ‘c’est formidable, ce sont nos valeurs’ alors que Peter Jackson n’a jamais pensé à ça ! »

Autre exemple plus classique « le conflit idéologique sur les Schtroumfs » dont vous pouvez commander l’intégralité des BD sur Fdesouche. « Les Schtroumfs sont souvent cités par l’extrême-droite – à l’instar de Francis Bergeron dans ses chroniques BD de Présent – comme une bonne BD à l’idéologie maurassienne » analyse Lebourg, qui tient le blog Fragments sur les temps présents . Il fouille dans ses archives: « Dans les années 60, lorsque le Stroumphissime est publié, le Canard Enchaîné va fustiger cette BD qu’il considère pour la destruction de la république. »

Toucher toute la droite nationale et éviter les gué-guerres de courants Gargamel, Vic McKay et Frodon seraient d’excellents vecteurs pour véhiculer des idées d’extrême-droite ? Stéphane François met en garde devant « la stratégie assez fine [du] toucher un public sans en avoir l’air ». « Il y a des choses anodines que l’on retrouve à la Fnac mais accumulé cela donne une ambiance particulière », juge-t-il. « Cela permet de toucher tout l’éventail de la droite et ça peut également éveiller des consciences ailleurs. »

Le site number one de l’extrême droite en ligne a su depuis le départ réunir autour de lui une large palette de la galaxie des droites nationale et radicale françaises. L’éclectisme dans les œuvres montre la volonté du blog, pour Nicolas Lebourg, « de créer des jonctions idéologiques » entre les différents courants de droite allant du « FN traditionaliste au vieux fond maurassien jusqu’aux Identitaires ». Des courants qui se livrent souvent à des luttes fratricides… mais pas encore prêts à s’engueuler sur les Schtroumpfs.


Le héros de The Schield, incarnation moderne de Mussolini ? Et le schtroumpf grincheux, icône web2.0isée de l’antiparlementarisme ?

Clins d’œil entre militants avertis Mais si pour Jean-Yves Camus, chercheur à l’Ifri, « c’est là une manière incontestable de toucher les plus jeunes », Nicolas Lebourg relativise: « C’est une lecture de l’entre soi qui convainc les convaincus ». Ces produits culturels sont avant tout « un clin d’œil (..) pour des militants identitaires qui fréquentent tout le temps leur milieu ».

La logique bizness a eu raison du facho tradi Pas de doute pour l’historien: « personne ne deviendra facho en regardant The Shield, s’il ne l’est pas déjà avant de le regarder ». Il préfère mettre en avant «  la manière de se financer » pour Fdesouche. « C’est une logique économique rationnelle qui s’applique aux choix idéologiques ». Car sur le web en 2011, The Shield est bel et bien plus vendeur que le dernier bouquin de Bernard Antony.

« un clin d’œil pour des militants identitaires qui fréquentent tout le temps leur milieu »