21/06/2024

Il est candidat dans la première circonscription de Paris

Raphaël Kempf, l’avocat qui veut convaincre les bourgeois parisiens de voter Front populaire

Par Inès Belgacem ,
Par Louisa Ben

Raphaël Kempf est l’avocat des activistes écolos, des Gilets jaunes et des victimes de violences policières. Le candidat de la société civile pour le Front populaire voudrait faire basculer à gauche la très chic première circo’ de Paris.

Place de la Bourse, Paris – « Est-ce que vous connaissez Raphaël Kempf ? » Face caméra, Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie les Verts (EELV), présente le candidat du Nouveau Front populaire de la première circonscription de Paris. « C’est l’avocat, entre autres, des Soulèvements de la Terre. C’est comme ça qu’on s’est connus. » Le collectif écologiste radical a un temps été dissous par le gouvernement. Raphaël Kempf a obtenu l’annulation de la décision par le Conseil d’État. Défenseur des libertés publiques, l’avocat pénaliste engagé de 40 ans, représente des activistes, des Gilets jaunes, des victimes de violences policières… entre autres.

Raphaël Kempf est, entre autres, l'avocate des Soulèvements de la Terre. / Crédits : Louisa Ben

« Vous venez soutenir un novice ? », interroge le journaliste du Parisien sans détour. Tondelier sourcille, « Un novice ?! ». « Bah je suis avocat, c’est la première fois que je fais ça », concède l’intéressé. Comptes de campagne, impression en urgence des tracts, constitution d’une équipe, le candidat de la société civile apprend tout sur le tas. Rien pour décourager le révolté des prétoires, qui pensait à la politique depuis déjà quelque temps :

« J’ai eu la sensation d’être face à une responsabilité historique. Je n’avais pas d’autre choix que de m’engager dans cette campagne. »

Mais la très chic première circo’ de la capitale est un défi de taille.

Impression de tracts, constitution d’une équipe... Le candidat de la société civile apprend tout sur le tas. / Crédits : Louisa Ben

« Désolé je ne parle pas français »

Les tracts restent entre les mains des militants écolos et insoumis venus prêter main-forte au candidat. Ce mercredi 19 juin, les habitants du 2e arrondissement sont difficiles à trouver sur le petit marché de la Bourse. Certains sont des franciliens venus travailler dans le coin, beaucoup sont étrangers. « Il y a des problématiques autour des Airbnb trop nombreux, et du tourisme ici », contextualise Patricia, encartée France Insoumise (FI), militante des Soulèvements de la Terre et d’Attac. « D’insécurité aussi… » Un des rares habitants rencontrés annonce être réfractaire à la gauche : « Les gens sont assistés. Ce n’est pas normal qu’un policier soit en prison », balance pêle-mêle le vieil homme, en faisant référence à l’agent qui a tiré sur le jeune Nahel en juin dernier. Raphaël Kempf commente en aparté :

« Dans cette urgence, je n’imaginais rien d’autre qu’un sursaut et une adhésion à la gauche. Mais j’étais naïf. »

La première circonscription – qui regroupe les 1e, 2e et 8e arrondissements, ainsi qu’une partie du 9e – fait partie des plus aisées de Paris. « Cette circo, pour la gagner, il faudrait un miracle », s’exclame Gilles, habitant du coin et militant écolo. Le député sortant, Sylvain Maillard, étiquette Renaissance, candidat à sa réélection, est aussi le chef de file du groupe de la majorité dans l’hémicycle. Lui fait campagne « contre les extrêmes » – ligne d’Emmanuel Macron – n’oubliant pas, en fin de tract, de souligner son « combat contre l’antisémitisme ».

La première circonscription fait partie des plus aisées de Paris. « Cette circo, pour la gagner, il faudrait un miracle », lance un habitant du coin. / Crédits : Louisa Ben

« La LFI c’est de la cryptonite »

« LFI antisémites », balance un passant à l’équipe de militants du Nouveau Front populaire. « Ça arrive beaucoup depuis le début d’année », assure Patricia, l’habitante engagée à la FI. « Les marchés c’est compliqué, seul le discours dominant – macroniste –, est audible ici. » La communauté juive de ces arrondissements garde en travers de la gorge les prises de position de Jean-Luc Mélenchon et de son parti, d’après elle.

Un positionnement remis en cause y compris dans les rangs des militants motivés à épauler le candidat Kempf. Mais au nom de l’union et du barrage à l’extrême droite, ils sont prêts à attendre le 7 juillet pour en débattre. « Tout en comprenant la critique des habitants du quartier », admet Nathalie, encartée à Générations, le micro-parti fondé par Benoît Hamon. Devant les réactions épidermiques à répétition, un nouveau tract est d’ailleurs utilisé, raconte-t-elle. Cette fois sans le logo de la LFI seul et en grand – il est maintenant accompagné de toutes les autres organisations, en bas de tract en petit !

Devant les réactions épidermiques à répétition, un nouveau tract est utilisé. / Crédits : Louisa Ben

« Peut-être que ce sera plus facile pour lui, qui est sans étiquette », pense Corine, élue écolo de Paris Centre et vice-présidente du groupe à la mairie. Le candidat tient d’ailleurs à se présenter comme un candidat de la société civile. Même investi par LFI, il n’est membre d’aucun parti, insiste-t-il. « Et puis avec son nom – Kempf – il devrait avoir les voix des sympathisants écolos. On le connaît bien », sourit Corine.

Le candidat tient à se présenter comme un candidat de la société civile. Même investi par LFI, il n’est membre d’aucun parti, insiste-t-il. / Crédits : Louisa Ben

Les lois scélérates et Léon Blum

Raphaël est le fils d’Hervé Kempf, le fondateur du média de l’écologie Reporterre. Journaliste engagé, il fait partie des premiers à considérer le combat écologique comme primordial. Alors après avoir été admis au barreau, pas étonnant de retrouver le fils Kempf comme défenseur des Soulèvement de la Terre ou, plus largement, engagé pour les droits des activistes victimes de répressions. Fermement engagé contre les violences policières et judiciaires, il s’est opposé à l’état d’urgence permanent – sous-tendu par la loi sécurité globale – ou la loi contre le séparatisme. « C’est elle qui donne la possibilité de dissoudre celles et ceux qui se soulèvent et s’organisent pour lutter », contextualise-t-il devant les militants venus le rencontrer ce mercredi soir, dans un bar du 9e arrondissement. Ils sont plusieurs quinzaines, affiliés pour la plupart à un des partis de l’alliance du Nouveau Front populaire. Il y a aussi les proches du candidat, y compris ceux qui se sont engagés à ses côtés. Pour ce discours de lancement de campagne, l’avocat poursuit :

« Imaginez ce que ces lois donneraient entre les mains de l’extrême droite : si demain elle arrive au pouvoir, elle aurait toutes les clés de la répression en main. »

Raphaël Kempf est engagé pour les droits des activistes victimes de répressions. / Crédits : Louisa Ben

Il les qualifie de « lois liberticides » et arrive rapidement sur les « lois scélérates », sujet qui lui est cher et sur lequel il a écrit un livre. Motivées par l’urgence d’une situation extraordinaire, ces lois de 1898 visent les Anarchistes. « Léon Blum craignait qu’elles ne violent les libertés élémentaires et l’histoire lui a donné raison », cite-t-il avant d’arriver sur le Front populaire de 1936, l’originel. Le candidat et l’avocat se confondent, entre éloquent plaidoyer et discours politique. « Les vrais républicains, c’est nous, les descendants de Léon Blum », insiste-t-il, sûr de cette union, avant de conclure :

« Vous n’êtes peut-être pas d’accord avec tous les points du Nouveau Front populaire, mais nous sommes là pour défendre la République. Cette campagne s’annonce difficile, mais je l’espère victorieuse. »

Lors de sa prise de parole, le candidat et l’avocat se confondent, entre éloquent plaidoyer et discours politique. / Crédits : Louisa Ben

Article d’Inès Belgacem avec les photos de Louisa Ben.