Il y a un an, Alexandre Beddock a organisé une casserolade et des lancers de confettis pour manifester contre la réforme des retraites devant la permanence du député Jean-Marc Zulesi, à Salon-de-Provence. Lui a porté plainte pour violences (2).
Salon-de-Provence (13) – À 18 heures, ce samedi 22 avril 2023, il fait encore chaud dans la calme bourgade de Salon-de-Provence, 50.000 habitants, située entre Aix-en-Provence (13) et Avignon (84). Calme ? Pas devant la permanence du député Jean-Marc Zulesi. Les militants du tout nouveau collectif Salon en lutte ont organisé une action pour interpeller le député macroniste, un mois après le fameux 49.3 d’Elisabeth Borne à l’Assemblée pour faire passer la réforme des retraites. « Le but était de faire une manif ironique pour détourner les colères en ayant un rassemblement festif », commence Alexandre Beddock, 35 ans. « Trois mois qu’il nous ghost a chaque fois que nous avons essayé d’entrer en contact avec lui. On estimait que c’était son rôle de député de venir à notre rencontre et d’au moins échanger avec nous », continue-t-il. Alors munie de pancartes ironiques « fier.e.s des violences policières » ou « merci pour la retraite », la petite vingtaine de militants jette des confettis en l’air et applaudit l’élu, qui s’enfuit d’un pas décidé.
Messages d’amour, applaudissements ironiques, & jets de confettis réalisés avec le texte de loi.
Accueil mémorable pour le député macronistejmzulesi</a> à la Fête de la Fraise à <a href="https://twitter.com/hashtag/SalondeProvence?src=hash&ref_src=twsrc%5Etfw">#SalondeProvence</a><br>Pris au dépourvu le député marcheur quitte la fête… en courant ! <a href="https://twitter.com/hashtag/OnNeLesLachePas?src=hash&ref_src=twsrc%5Etfw">#OnNeLesLachePas</a> <a href="https://t.co/noW0hWh5sN">pic.twitter.com/noW0hWh5sN</a></p>— Alexandre (
Abeddock) April 23, 2023
Mais la scène de vaudeville dégénère. Alors que les militants suivent le député, il s’énerve. Parmi les présents, Jean-Marc Zulesi reconnaît un visage : celui d’Alexandre Beddock. Bien ancré dans la scène militante salonaise, lui milite depuis 2006. Malgré ses vadrouilles à Bruxelles et à Paris, Alexandre revient souvent dans ce qu’il nomme sa « base militante » et n’hésite pas à mobiliser les troupes. Les deux hommes sont de la même génération, « et à Salon, on se connaît », contextualise l’activiste.
Selon son récit, le député « perd son sang-froid » et colle sa tête à la sienne. Il aurait ensuite lancé à Alexandre Beddock : « T’es fier de toi ? T’es fier de toi ?! ». Dès le lendemain, le militant anticipe : il décide de déposer une main courante contre l’élu, comme quatre autres témoins de la scène. Drôle de hasard, il partage la salle d’attente du commissariat avec le député Zulesi, qui vient porter plainte contre lui pour harcèlement, avec un papier de son médecin lui prescrivant 15 jours d’ITT – qu’il ne respectera pas. Le député clame avoir aussi été victime de violences (1).
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Quelques semaines plus tard, un journaliste du nom d’Alexandre Tandin porte plainte à son tour contre Alexandre Beddock pour usurpation d’identité. Car pour pouvoir avoir accès à l’emploi du temps du député et l’accueillir à la sortie de sa permanence le 22 avril 2023, Alexandre s’est fait passer au téléphone pour un imaginaire « Alexandre Taquin, journaliste ». « Taquin pour la blague. Pour taquiner, quoi », justifie le militant. À Marsactu, le journaliste Alexandre Tandin – qui habite à Besançon (25) – raconte :
« La police de Salon m’a appelé pour me dire que mon identité avait été usurpée et m’a indiqué que je pouvais porter plainte. »
Selon le média marseillais, « Alexandre Tandin n’est alors pas averti que le nom utilisé n’est pas exactement le sien ».
Salon en lutte
Jusqu’en 2023, Salon-de-Provence n’entendait que peu les sifflets et les mégaphones des camionnettes bariolées propres aux manifestations. Les habitants se rendaient dans d’autres villes pour militer, comme à Marseille (13) ou à Arles (13) . Mais début 2023, lors de la mobilisation nationale contre la réforme des retraites, le collectif Salon en lutte voit le jour. Alexandre fait partie du noyau dur du lancement. « On a organisé la première marche de la fête du travail depuis les années 80’. 3.500 personnes sont venues », jubile-t-il. Pendant le mouvement contre la réforme, une dizaine de casserolades sont organisées devant la permanence du député. Et d’autres dizaines d’actions dans la ville pour protester « sans avoir besoin de prendre la voiture et de descendre à Marseille », comme l’explique Anne, enseignante et comparse d’Alexandre, elle aussi très investie à Salon.
« Alexandre impulse quelque chose de fort », continue Anne. « Il a une incroyable énergie. Ça décuple la mienne. Il a plein d’idées, il est entraînant et généreux, sans prendre les gens en otage », loue-t-elle encore. « Je milite depuis 2006, quand j’étais au lycée à Salon », contextualise le concerné. Le jour de notre interview, il se trouve en Inde pour un documentaire audio qu’il signe à la RTBF. Il troque volontiers sa casquette de journaliste afin d’œuvrer pour le droit des étrangers, au sein d’une ONG européenne :
« Même au niveau professionnel, je traite les sujets qui me sont chers. »
Pourtant, c’est la première fois qu’il est confronté à la justice dans le cadre de ses activités militantes. « Mon premier interrogatoire était très intimidant. Le but, c’est de tuer l’énergie des gens qui s’activent », déplore-t-il. « Un élu qui débarque avec un passe-droit peut tout faire, c’est compliqué dans une démocratie. » Droit dans ses bottes, Alexandre choisit de ne pas se soumettre à ce qu’il vit comme une injustice :
« Je veux garder la tête haute. Je le vis comme une responsabilité d’être plus actif. »
Le procès pour la plainte de Jean-Marc Zulesi aura lieu ce 16 avril au tribunal d’Aix-en-Provence. Contacté, ce dernier ne souhaite pas répondre, indiquant vouloir « respecter le processus judiciaire en cours » et préfère « s’abstenir de tout commentaire qui pourrait interférer avec celui-ci ».
(1) Édit le 8 avril 2024 : lors du dépôt de sa plainte, le député déclare être victime de violences.
(2) Édit le 15 avril 2024 : le député Zulesi ne porte pas plainte pour harcèlement comme il était mentionné, mais pour violences.
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