Rémy accuse deux policiers de violences très graves. Il est aujourd’hui en situation de handicap. L’IGPN reconnaît que les blessures sont consécutives à l’intervention policière mais l’accuse de s’être débattu et le parquet a classé l’enquête.
Toulouse (31) – La vie de Rémy, ouvrier dans le bâtiment, a basculé il y a deux ans. Un banal contrôle d’identité aurait viré au cauchemar. Il aurait été sauvagement battu par des policiers, le laissant avec un handicap permanent. Un temps en fauteuil roulant puis en béquilles, il peut à nouveau marcher mais toujours avec difficulté et continue la rééducation. Malgré son dépôt de plainte auprès de l’IGPN, l’affaire a été classée sans suite.
Retour sur les faits. Le 12 juillet 2021, Rémy bosse sur un chantier dans le quartier de Purpan à Toulouse. Pendant sa pause déj’, à 200m de là, il achète des cigarettes auprès d’un vendeur à la sauvette, dit-il. Il achetait du cannabis, assurent les policiers qui l’ont contrôlé, selon La Dépêche du Midi. « Ils étaient deux. Ils m’ont demandé si j’avais des armes, de l’argent ou de la drogue », raconte l’homme, aujourd’hui âgé de 35 ans. Agacé, l’ouvrier leur balance :
« Vous n’avez pas autre chose à faire que de faire chier un gars qui bosse sur le chantier depuis 5h du mat’ ! »
C’est à ce moment précis que la situation aurait, selon Rémy, dégénéré. « Ils m’ont jeté au sol. Le flic m’a donné des coups violents dans les jambes. J’avais tellement mal que je criais tout ce que je pouvais. Mais il ne s’est pas arrêté. On dirait que c’était un mauvais rêve. » Un commerçant aurait tenté d’intervenir. « Mais le deuxième policier l’a écarté. J’étais impuissant. » Le policier continue de s’acharner sur le trentenaire à la corpulence mince. Il lui aurait asséné de nombreux coups de pied puis lui aurait écrasé la jambe. Jusqu’à ce que le second fonctionnaire de police intervienne. Il aurait, toujours selon Rémy lancé à son collègue :
« Stop ! Tu lui as pété la jambe ! »
Sans tenir compte de son état, les policiers le transportent, non pas à l’hôpital mais au commissariat, ignorant les plaintes de la victime qui réclame l’intervention immédiate d’un médecin. Après plus de deux heures au poste de police, les policiers reconnaissent enfin la gravité des blessures de la victime. Ils le conduisent, dit-il, à l’hôpital Purpan ou plutôt sur le parking de celui-ci où ils l’auraient abandonné. Un médecin le prendra en charge et diagnostiquera une double fracture de la jambe, des ligaments déchirés, des nerfs coupés, ainsi que de nombreux hématomes répartis sur son corps. Rémy aura 45 jours d’Incapacité totale de travail (ITT).
Responsables mais pas coupables
Le 14 juillet 2021, avec la douleur comme compagne constante, Rémy dépose plainte pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique. Mais six mois plus tard, l’affaire est classée sans suite par le Procureur de la République. Une décision qui s’appuie sur les conclusions de l’enquête menée par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). StreetPress n’a pas pu consulter directement cette enquête mais uniquement les informations reprises par le parquet.
La police des polices reconnaît que « les blessures [sont] bien réelles » mais seraient la conséquence « du comportement agité de ce dernier qui a résisté lors de son interpellation, plaçant lui-même son pied dans un endroit exigu et qui, lors de sa chute provoquait accidentellement la fracture de sa malléole gauche. » Avant de conclure que « les différentes auditions réalisées, les constatations sur les lieux effectuées et l’absence d’élément probant ne permettaient pas d’établir les faits de violences volontaires reprochés au gardien de la paix R. ».
Une nouvelle vie non désirée
Rémy est aujourd’hui dans un fauteuil roulant et se sent isolé. C’est seul que l’ouvrier a dû faire les démarches pour être reconnu travailleur handicapé.
« Je suis allé à la sécu avec le certificat médical du médecin et celui de la médecine du travail. Cette période a été très difficile pour moi. Elle me rappelait sans arrêt que je ne suis plus maître de mon destin. »
Malgré tout, le trentenaire réclame justice. Il a récemment mandaté un avocat afin de tenter un recours devant les tribunaux. Avant cette journée, Rémy travaillait dans la vente. La crise sanitaire du Covid-19 l’avait poussé vers le travail temporaire dans les travaux publics, où il était employé depuis 14 mois lors de l’incident. Aujourd’hui, incapable de poursuivre dans cette voie en raison de son état physique, il envisage une reconversion.
Un parcours du combattant où chaque étape est un rappel constant de cette journée. Rémy conclut :
« Ils m’ont volé ma vie ! je ne pourrais jamais oublier ! »
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