Ce 18 avril, deux mineurs du lycée Racine, à Paris, étaient jugés pour avoir participé au blocus de leur établissement en février. Des élèves, des professeurs et des militants ont témoigné leur soutien.
Tribunal judiciaire de Paris – « C’était criant : la police voulait en faire des exemples », tonne Alexis. Le jeune homme brun d’une vingtaine d’années est présent au rassemblement de soutien pour Clément et Justin. Ces deux élèves du lycée Racine, dans le 8e arrondissement, ont été interpellés par la police lors d’un blocus le 9 février dernier, lors de la troisième journée de grève nationale contre la réforme des retraites. Le duo de mineurs comparaissait ce 18 avril devant le tribunal pour enfants pour une audience à huis clos, pour « dégradations volontaires, violences commises en réunion et violences contre des policiers ». Des faits remis en question par la trentaine de personnes, qui s’est réunie devant la grande bâtisse de verre pour soutenir les deux ados.
Parmi eux, de nombreux élèves et des encadrants du lycée, comme Alexis. Ce dernier est surveillant depuis deux ans au sein du bahut. Alors que l’après-midi est à peine entamée, Alexis rembobine l’interpellation des deux jeunes il y a deux mois : « Les lycéens étaient en train de bloquer leur établissement. Moi et les autres surveillants, on était en grève et on a décidé de venir le matin avec d’autres personnels et des parents en soutien aux lycéens afin d’empêcher la police de réprimer ». Benoit (1), 18 ans et élève en terminale, a participé au blocage. « Nous étions une vingtaine sur une porte arrière, pas sur la rue principale », raconte-t-il. Selon lui, les lycéens n’étaient « pas masqués » et « avec des couleurs pour établir un dialogue avec la police ». « On avait des lunettes si jamais il y avait du gaz. Mais nous n’avons pas eu le temps de les sortir », note juste Benoît. Éric, un de ses camarades, se souvient de l’arrivée des forces de l’ordre vers 9h du matin :
« Les policiers ont contrôlé tout le monde et ont fini par arrêter Clément. Selon eux, il a poussé une poubelle sur un policier. »
Les deux prévenus réfutent ces charges, comme leurs camarades. Alexis a assisté à leur arrestation. Sans savoir si c’était Justin ou Clément, il se rappelle qu’un d’entre eux a été « menotté violemment, alors qu’il se tenait simplement debout, il ne faisait rien de spécial ». Quant à Benoît, il assure que la violence n’était pas de leur fait : « Les policiers étaient quatre et ils ont vidé leur gazeuse sur nous avec des coups de matraque. »
Une trentaine de personnes s’est réunie devant la grande bâtisse de verre pour soutenir les deux ados. / Crédits : Lucie Mamouni
Les deux ados sont poursuivis pour « dégradations volontaires, violences commises en réunion et violences contre des policiers ». Embarqués au poste, ils passeront 32 heures en garde à vue, « dont cinq heures sans contrôle légal », pointe un communiqué du collectif Anti Répression lycéennes et lycées Paris-Ile-de-France dans Libération un mois plus tard.
Rien de nouveau pour le lycée Racine
Ce n’est pas la première fois que les élèves de l’établissement subissent les violences de la police. Eric en avait déjà fait les frais deux jours avant l’interpellation de Clément et Justin. Le 7 février, les élèves tentent déjà un blocage avec des barricades devant la porte d’entrée du lycée. Ça a été « particulièrement violent » :
« La police était là avant nous. On a fait une chaîne humaine autour d’elle. Ils ont gazé directement dans les yeux, à quelques centimètres de nous, et frappé aux jambes. Je me suis retrouvé la jambe en sang. »
Plus loin sur le parvis du tribunal, Lou raconte elle aussi les violences subies ce jour-là. La police l’aurait « traîné » par les cheveux. Quand elle pense aux motifs d’accusation contre Clément et Justin – « comme le fait d’avoir poussé une poubelle vers un policier » – elle les trouve « disproportionnés par rapport à la violence que l’on a subi ».
« Il est important de soutenir les lycéens »
Sur le parvis, il y a aussi des étudiants extérieurs au lycée venus soutenir la contestation. Irène, étudiante à Paris 8 et militante au sein du mouvement le Poing Levé, appelle la jeunesse « à rester mobilisée et à ne pas baisser les bras ».
Pas loin, Kahina est en troisième année de licence communication. Si elle n’est pas non plus élève au lycée Racine, elle affirme qu’il est « important que l’on soutienne les lycéens aujourd’hui ». « La répression touche non seulement les lycéens, mais aussi l’entièreté de la jeunesse. En tant qu’étudiant, on l’a aussi subi », confie-t-elle, en parlant d’une tentative d’occupation de Paris 3 auquel elle a participé et qui s’est soldée « par un cordon de 200 policiers ». Pour l’étudiante, « il y a une volonté de mettre la jeunesse au pas ».
Le procès n’a pas eu lieu
Dans le tribunal, le procès n’aura finalement pas lieu. Arié Alimi, l’avocat de Justin et Clément, a déposé deux questions prioritaires de constitutionnalité, une disposition du droit. « Il y aura un renvoi en cour de Cassation », détaille maître Alimi.
« On demande si certains textes applicables aux mineurs sont constitutionnels. La juge doit alors décider si le Conseil constitutionnel sera saisi », continue-t-il. La juge chargée de l’affaire devra indiquer le 23 mai si ces questions sont recevables. Le cas échéant, les deux mineurs seront bien jugés.
(1) Le prénom a été changé.
Sur l’image de Une, la photo centrale du tribunal de Paris a été prise par Arthur Weidmann le 21 juin 2020 et publiée sur Flickr. Certains droits réservés