Quatre ans plus tard, les Gilets jaunes sont toujours dans la rue. Cette fois pour manifester contre la réforme des retraites. Tous rêvent d'un grand retour du mouvement, et de faire tomber Macron.
« Macron nous fait la guerre et sa police aussi ! » Les habitués des manifestations connaissent le refrain. « Mais nous on est deter-euh, pour bloquer le pays ! » Ce sont les Gilets jaunes qui se sont appropriés la chanson, et ils la scandent à tue-tête ce 7 février 2023, pour l’acte 3 de la grève contre la réforme des retraites. Ils sont une bonne centaine en tête du cortège avec les militants antifa’. Et l’ambiance n’est pas à la rigolade, comme l’explique Sasa :
« On est en tête de cortège, c’est notre place. De front, pour l’affront. »
« On est en tête de cortège, c’est notre place. De front, pour l’affront. » Sasa porte une robe cousue de Gilets jaunes, roses et oranges. Du haut de ses 50 ans, cette aide à l’enseignement dans une école maternelle arbore un grand sourire, à l’inverse de ses camarades. / Crédits : Chloe Bazin
Elle porte une robe cousue de Gilets jaunes, rose et orange. Du haut de ses 50 ans, cette aide à l’enseignement dans une école maternelle arbore un grand sourire, à l’inverse de ses camarades. Eux ont le visage fermé. On y lit la colère et l’envie de l’exprimer. « Du côté des syndicats c’est la kermesse ! », critique Sylvain, les ballons bariolés des cortèges et les grandes sculptures en or du toit de l’opéra Garnier dans son dos. « Ils chantent ! Ils dansent ! Y’a de la musique ! Macron et Borne ils s’en foutent de ça ! » Lui est sans-emploi. Avant, l’homme de 58 ans grimpait sur les toits pour y installer des antennes. « À mon âge, je ne peux plus. Je survis avec un héritage et le petit salaire de ma femme. » Alors la retraite à 64 ans, voilà ce qu’il en pense :
« Les retraites, ce n’est qu’un déclencheur. Je suis là pour un ensemble de choses, et tout ce qui est bon pour faire tomber ce gouvernement, je le ferai. »
Sous son bonnet Cousteau bleu, Sylvain a un visage rassurant, avec ses rides au coin des yeux. Il raconte d’ailleurs ne pas être un violent. Mais il a l’impression que « c’est le seul moyen pour faire changer les choses ». « Ou bien la grève générale », s’exclame-t-il :
« Le lundi matin, personne ne va au boulot ! 50% des gens bloquent et là on pourrait faire tomber le gouvernement sans violence. Mais je n’y crois pas. »
Sous son bonnet Cousteau bleu, Sylvain a un visage rassurant, avec ses rides au coin des yeux. Il raconte d’ailleurs ne pas être un violent. Mais il a l’impression que « c’est le seul moyen pour faire changer les choses ». / Crédits : Chloe Bazin
Toujours en manif’
L’avis révolutionnaire est partagé par son camarade Stéphane (1), 51 ans : « C’est malheureux mais sinon ils s’en foutent. » Pour Sandrine, c’est l’inverse ! « Je ne fais plus de manif Gilet jaunes, il y a beaucoup de virulents et de violence. Je viens ici car je me sens plus en sécurité. » Pas de volonté toutefois de tirer dans les pattes de ses voisins. Elle préfère souligner l’importance d’être uni : « Plus on sera nombreux, plus on vaincra. Ceux qui ne comprennent pas ça, ils ne sont pas réveillés. »
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« Macron nous fait la guerre et sa police aussi ! Mais nous on est deter, pour bloquer le pays ! » Ce sont les Gilets jaunes qui se sont appropriés la chanson, et qui la scandent à tue tête ce 7 février 2023, pour l’acte 3 de la grève contre le réforme des retraites / Crédits : Chloe Bazin
« Comme d’habitude, j’ai enfilé mon gilet jaune et je me suis fait contrôler », souffle Sylvain. La plupart des manifestants jaunes rencontrés ce jour redoutent le contrôle des forces de l’ordre. Mais le quinqua’ a sa petite explication :
« Ils ont peur des Gilets jaunes violents. »
Le Seine-et-marnais s’est engagé dès le début dans le mouvement. Et il l’affirme avec fierté : « On n’est pas contrôlable ». Il continue de se rendre sur les ronds-points les samedis, quand il le peut. Sylvain assure qu’il reste un « petit noyau de Gilets jaunes apolitiques, comme au début du mouvement » :
« Ce qu’on veut c’est faire tomber ce gouvernement, retrouver nos libertés et que le coût de la vie redevienne normal. »
Sylvain assure qu'il reste un « petit noyau de Gilets jaunes apolitiques, comme au début du mouvement » / Crédits : Chloe Bazin
Les retraites pour une grande ambition
Au coin du boulevard des Italiens, le badge de Sandrine pincé sur son impair jaune fluo brille au soleil. « Limitation de vieillesse 60 ans. » Grand sourire, elle commente :
« On nous a déjà grillé deux ans ! Maintenant c’est 60 ans ou rien ! »
Elle se retrouve dans le mouvement des Gilets jaunes, qu’elle rejoint dès le début, en 2018. Les revendications, le quotidien douloureux à devoir joindre les deux bouts comme elle le peut. « Et maintenant les retraites ?! On est encore moins d’accord avec le gouvernement et on a des choses à dire ! » Pour l’agente hospitalière, les manifestations ne suffiront pas. C’est pour ça qu’elle a marqué sur une feuille dans son dos : « Grève illimitée, pas de CB et RIC (référendum d’initiative citoyenne). » Sandrine développe : « Si on arrête de produire, y’aura plus de dividendes pour les actionnaires. On va les mettre à mal. Et là ils seront obligés de lâcher. Comme les cartes bancaires. Si on met à mal les banquiers, ils n’iront nulle part. »
Elle est en compagnie d’Annie, âgée de 73 ans. « Moi je ne peux même plus travailler de toute façon ! », s’exclame cette dernière. « J’ai été suspendue. » Alors ensemble, elles tiennent le piquet sur le rond-point de Grigny (91) tous les samedis. Elles font aussi des collectes au marché de Rungis (94) pour récupérer de la nourriture qu’elles distribuent aux étudiants, aux chômeurs « et aux suspendus ! », insiste Annie.
Au coin du boulevard des Italiens, le badge de Sandrine pinsé sur son impair jaune fluo brille au soleil. « Limitation de vieillesse 60 ans. » / Crédits : Chloe Bazin
Quelques mètres plus loin, Sarah, 48 ans, papote avec deux camarades. « On est là pour soutenir le mouvement contre la réforme des retraites, mais c’est surtout pour protester contre tout le reste », explique-t-elle. Cette sophrologue a rejoint les Gilets jaunes sur le tas, il y a deux ans, intéressée par le côté apolitique et citoyen du mouvement.
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Avenir du mouvement
Devant la porte Saint-Denis, Arnaud, 51 ans, artisan, est assis sur un petit poteau en pierre. « J’ai trois enfants, je n’ai pas envie de leur dire désolé on ferme la porte derrière vous… » Il est présent depuis 2018 dans les rangs des Gilets jaunes et compte bien participer à faire subsister le mouvement :
« Les piquets se sont étiolés, mais c’est pas grave : le mouvement est là. La marmite n’est pas éteinte. Les basculements adviennent toujours là où on ne s’y attend pas. Ce qu’il faut c’est être présent ! »
Arnaud est présent depuis 2018 dans les rangs des Gilets jaunes et compte bien participer à faire subsister le mouvement : « J’ai trois enfants, je n’ai pas envie de leur dire désolé on ferme la porte derrière vous… » / Crédits : Chloe Bazin
Sébastien, 38 ans, dessinateur indépendant, semble du même avis : « On est toujours en réaction face à Macron. Et il y a de plus en plus de gens qui commencent à s’énerver. C’est dur pour la plupart des gens. » Dans le cortège, il salue un de ses amis vêtu du même uniforme. Il ajoute :
« Avec toutes ces mauvaises nouvelles qui s’accumulent, ça ne peut que reprendre ! »
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