Fondée en février 2022, l'association « Police pour la vérité » entend renouer le dialogue entre les forces de l'ordre et les citoyens. En réalité, le collectif diffuse des propos complotistes et incite à la désobéissance civile.
« Nous sommes très fiers d’être policiers, mais des policiers pour la vérité ! » Micro à la main, Sonia Vescovacci, gardienne de la paix espagnole, harangue la petite foule de 500 personnes venues l’écouter, fin 2021, sous les colonnes de l’hôtel de ville de Valence (Espagne). Dans la langue de Cervantes, la quadragénaire prophétise : « Nous allons unir toutes les polices d’Europe : l’Italie, le Portugal, la France… La police et les forces armées sont la clé de tout ça. » Sur son gilet jaune revêtu pour l’occasion, quatre inscriptions font figure de mots d’ordre : « Policias por la Libertad » (Policiers pour la Liberté), du nom du collectif qu’elle a co-fondé en septembre 2020.
Quelques mois plus tard, la même Sonia Vescovacci s’exprime, cette fois-ci en français, dans une vidéo qui signe le lancement de l’association « Police pour la vérité » (PPLV), le pendant hexagonal des « Policias ». L’objectif affiché, selon celle qui possède la double nationalité franco-espagnole : « Rétablir le lien entre la population et les gardiens de la paix. » En filigrane, PPLV incite surtout ces derniers à désobéir.
« Sabotage social »
Aux forces de l’ordre, les officiers de PPLV distillent des leçons de « sabotage social », comprendre : « Demander des instructions écrites » aux superviseurs, faire semblant de « ne pas comprendre les ordres », faire son possible pour « retarder l’aboutissement d’un travail demandé ». Aux autres, les Policiers pour la vérité conseillent de « se mettre en lien avec des résistants », d’avoir « un lieu d’hébergement refuge en cas d’urgence » et vont même jusqu’à pousser les parents à « sortir [les enfants] de l’école ».
Les Policiers pour la vérité vont jusqu'à pousser les parents à « sortir [les enfants] de l'école ». / Crédits : Capture d'écran
Dans leur viseur, les mesures sanitaires et « la suspension des camarades qui ont fait le choix légitime de ne pas se faire injecter [le vaccin contre le Covid] ». Et d’abonder, en lettres capitales, sur leur chaîne Telegram dénombrant plus de 4.000 abonnés :
« RESTEZ FORTS ET NE VOUS TAISEZ PAS, SOYEZ INGOUVERNABLES ! »
Depuis la création du groupe français, en février 2022, Sonia Vescovacci et ses comparses de PPLV – des membres des forces de l’ordre pour la plupart retraités ou originaires d’autres pays – interrogent régulièrement des policiers, gendarmes et militaires français toujours en activité, lors de conférences interactives en ligne. « Si on juge qu’un ordre est illégal, on a le devoir de ne pas l’exécuter », explique Pierre, dans l’armée depuis 15 ans. Il continue :
« Je pense que si une majorité s’élève contre ce rouleau compresseur [la vaccination obligatoire, ndlr], l’armée va légitimer leur action. »
Le rêveur du Grand soir ajoute :
« Organisez-vous. Dites fièrement non. Et surtout, soyez les guides pour la population ! »
Même son de cloche chez Julien. Le gendarme estime en effet que « ce qui manque [à la Résistance], c’est une structuration quasi-militaire » et suggère de hacker les « canaux de communication mainstream » pour rallier les citoyens qui ne seraient pas encore « éveillés ». Dissertant sur « la perte de sens » du métier et le vaccin contre le Covid, qu’il qualifie de « substance expérimentale […] illégale », le bleu n’hésite pas à se parer d’un argumentaire complotiste :
« Quand on prend un tout petit peu de recul, on comprend que tout cela n’a rien de sanitaire. Cela cache d’autres raisons que sont l’argent puis le pouvoir, enfin tout ce que vous voulez. Il suffit juste de se documenter ailleurs que dans les médias standards. »
Des propos et des invités complotistes
Une propension à désinformer que l’on retrouve chez les animateurs de PPLV. « Dénoncer la vaccination et les effets secondaires, ce n’est pas l’objectif de notre association », certifie pourtant Sonia Vescovacci. Reste que certains de ses propos concernant la crise sanitaire ont fait l’objet, d’une note de l’AFP en mars 2021, après qu’une vidéo dans laquelle elle apparaissait ait été partagée plus de 19.000 fois sur les réseaux sociaux. Le service de fact-checking précise d’ailleurs que la policière « a déjà défrayé la chronique en Espagne, en appelant ses collègues à ne pas sanctionner les personnes refusant l’usage du masque, la distanciation physique et en niant la gravité de l’épidémie de Covid. »
Les « policiers pour la vérité » animent également des conférences interactives en ligne avec des intervenants dont les noms ne sont pas étrangers à la nébuleuse anti-vaccin. Au début de l’été, Pierrick Thevenon, pompier suspendu et fervent militant contre les « injections », était convié à l’occasion de l’une des premières causeries de l’association. Parmi les convives, on retrouvait la biostatisticienne Christine Cotton, invitée à de multiples reprises sur France Soir, le jeune Ilan Gabet, « nouvelle coqueluche des antivax », ou Carlo Alberto Brusa, notamment connu pour être l’avocat de l’ex-députée hostile à la « dictature sanitaire » Martine Wonner et des producteurs du film conspirationniste Hold-Up.
Sur Telegram, le groupe n’est pas en reste. S’opposant à « la propagande » qui rendrait « les enfants […] plus à même de devenir de fidèles nazis », les administrateurs s’emploient, aux détours de leurs publications, à relayer des contenus climatosceptiques, à dénoncer le « nouvel ordre mondial qu’une minorité veut nous imposer », à qualifier la vaccination contre le Covid de « génocide » ou à mettre en doute le récit officiel sur le 11 septembre 2001. (1)
Sur Telegram, le groupe n'est pas en reste. Il s'oppose à « la propagande qui rendrait les enfants plus à mêmes de devenir des fidèles nazis.» / Crédits : Capture d'écran
Et les signaux forts ne s’arrêtent pas là. Le mois dernier, Sonia Vescovacci et trois membres de PPLV prenaient la parole durant l’Université d’été résistante, un colloque qui a notamment réuni Salim Laïbi, un temps associé en affaires avec Soral, André Bercoff, animateur chez Sud Radio ou Martine Wonner. Sur scène, la présidente de PPLV a notamment invité le public à « respecter une minute de silence en hommage aux victimes de cette fausse crise sanitaire et de toutes les mesures liberticides qui l’ont accompagné ». Interrogée par StreetPress, elle « assume totalement » et pointe du doigt les « contradictions dans le narratif officiel ». Selon ses dires, les morts du Covid n’ont, pour la plupart, pas été tués par un virus. (2)
Lors du rassemblement pour protester contre la réforme de la police judiciaire à Nice, une banderole estampillée « Police pour la vérité » a été momentanément déployée. / Crédits : Police pour la vérité
Sonia Vescovacci l’assure : « On a des policiers, des gendarmes, des pompiers et des militaires qui sont avec nous. » Et quand on l’interroge sur le faible nombre d’abonnés à la chaîne YouTube de PPLV, elle invoque la « censure » qui plane sur l’association. « On sait qu’il y a énormément de personnes qui récupèrent nos vidéos et nous suivent. Y compris des membres des forces de l’ordre », estime la policière. Lors du rassemblement pour protester contre la réforme de la police judiciaire à Nice, une banderole estampillée « Police pour la vérité » a été momentanément déployée. À l’image de leurs confrères espagnols, PPLV prévoit également d’organiser une manifestation d’ici décembre. Signe que le mouvement compte bien s’inscrire dans le réel.
(1) Auprès de StreetPress, Sonia Vescovacci assure que PPLV n’est pas un mouvement anti-vaccins et impute la responsabilité de ces posts à la personne chargée de s’occuper de Telegram.
(2) Auprès de StreetPress, Sonia Vescovacci explique : « Le fait qu’il existe un coronavirus, c’est un sujet sur lequel je ne peux pas me positionner parce que je ne suis pas spécialiste du sujet. Mais je sais que les morts ne sont pas principalement dus à un virus. »
Nous publions le droit de réponse de l’association « Police pour la vérité » :
L’association « Police pour la vérité – Protéger et servir » regroupe des policiers, des gendarmes, des pompiers, des militaires, des agents des douanes et des citoyens concernés par les questions de sécurité intérieure. Elle vise à assurer l’expression, la représentation, la promotion, l’information et la défense des droits et intérêts matériels et moraux des gendarmes, policiers, militaires, sapeurs-pompiers, douaniers et de leurs familles. Elle promeut la recherche de la vérité et la transparence sur l’efficacité et de la qualité des services publics concernés, afin d’améliorer l’information sur la situation et le fonctionnement de tous ces corps d’Etat, en vue de renforcer la compréhension de leur action ainsi que les liens avec les citoyens et ces personnels concourants aux missions de sécurité intérieure « instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée » conformément aux principes posés par la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Pour ce faire, l’association « Police pour la vérité – Protéger et servir » coordonne la mise en œuvre de stratégies et d’actions visant notamment à inciter les autorités à respecter les droits fondamentaux lors de l’édiction de législation particulières, ceux-ci devant rester la considération primordiale à prendre en compte. Car dernièrement, nombre de dispositions fondées sur « l’état d’urgence sanitaire » ont été jugées inconstitutionnelles, illégales ou très largement disproportionnées au regard des atteintes aux droits les plus élémentaires. Suite à de nombreux abus constatés par tous, l’Union européenne entend d’ailleurs introduire dans sa législation un droit de retour inconditionnel des citoyens de l’Union dans leurs pays, déjà rappelé par la cour de justice (aff. C35-20 du 6 oct. 2021) alors même que certains Etats – dont la France – avaient empêché leurs ressortissants de retourner dans leur propre pays, en contrariété avec les conventions internationales pourtant limpides sur ce sujet. En outre, l’association « Police pour la vérité – Protéger et servir » entend soutenir les agents subissant des pressions abusives émanant de la hiérarchie, subissent un harcèlement moral ou sont l’objet de discrimination au travail. Et surtout, l’association entend apporter de l’aide aux agents en souffrance. Il importe à ce propos de rappeler que la police nationale connait une moyenne de 45 suicides par an. Ils furent 59 en 2019, et 71 en 1996, pire année pour la profession. A la mi-mars de cette année, 18 policiers nationaux avaient déjà mis fin à leurs jours depuis le 1er janvier 2022, soit plus d’un suicide tous les quatre jours. Sur le seul mois de janvier 2022, 12 policiers nationaux se sont donnés la mort. Une étude récemment menée pour le compte de la Mutuelle Général de la Police (MGP) ayant montré que 24 % des policiers ont eu des pensées suicidaires ou entendu leurs collègues évoquer des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois. Ainsi, au contraire des assertions calomnieuses publiées dans l’article litigieux, notre association, dont les buts et objets sont parfaitement honorables, veut proposer une alternative aux syndicats existants, car réputés – souvent à raison – proches du pouvoir, tout en s’inscrivant dans un cadre légal d’information de ses membres sur leurs droits et devoirs en qualité d’agents des forces de l’ordre : la liberté d’expression au regard du devoir de réserve, devoir d’obéissance… et devoir de désobéissance résultant du code pénal et des jurisprudences « Langneur, 1944 », « Pouzelgues, 1961 » ou « Charlet et Limonier, 1964 » du Conseil d’Etat. S’agissant également des accusations de « complotisme », mot lancé à tout-va par les contempteurs de la liberté d’expression, notre association tient à rappeler qu’il n’est pas encore interdit de s’interroger sur les chiffres publiés par les autorités publiques (rappelez-vous que Santé Publique France avait finalement reconnu que sa méthode de comptabilisation était erronée pendant plusieurs mois, produisant un « effet doublon »…), sur le bien-fondé d’une politique ou de mesures diverses, et qu’il est heureux qu’il en soit encore ainsi.
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