Gaye Camara a été tué par la police d’Epinay-sur-Seine d’une balle dans la tête. Depuis, sa famille mène le combat pour avoir justice pour Gaye. Avec eux, toute une ville se lève.
Champs-sur-Marne (77) – « La ville de Champs-sur-Marne est devenue un symbole de lutte. On aurait aimé être connu pour autre chose. On aurait préféré être avec Gaye aujourd’hui. » Au micro, dans le gymnase du Nesles, Mahamadou Camara commémore le triste anniversaire de la mort de son frère, Gaye Camara. En 2018, le jeune homme de 26 ans est touché d’une balle tirée en pleine tête par la police d’Epinay-sur-Seine :
« La mort de Gaye nous a tous réveillés. On s’est tous engagés pour lutter contre toutes les formes de violences, qu’elles soient policières, carcérales ou dans nos quartiers avec les rixes. »
Devant lui, une foule de presque 300 personnes applaudit. Quatre ans après la mort de Gaye, le soutien de la ville à la famille Camara ne faiblit pas.
Mairie, familles victimes de violences policière et militants de quartiers
C’est à madame la maire, Maud Tallet, couleur rouge communiste, de monter sur scène. « Votre combat est légitime. Et vous pensez que la solution est dans l’engagement de tous, ce que je soutiens. » La maire a fait partie des premières à prononcer ses condoléances et son soutien à la famille Camara. Fait rare dans une affaire de violences policières, la mairie soutient les proches de Gaye. Mahamadou Camara, le porte-voix de sa famille, confie :
« Sans tous ces soutiens, nous ne pourrions pas mener ce combat, nous n’aurions pas la force. »
Se succèdent au micro les familles victimes de violences policières : les proches de Cédric Chouviat, Ibrahima Ba, Claude Jean-Pierre, Wissam El-Yamni, Adama Traoré, Babacar Gaye, Lamine Dieng et Souheil El Khalfaoui. Tous témoignent de leur soutien à la famille et à la ville de Gaye, et racontent leurs histoires. Étaient également présents les proches de Jimony, mort en prison ; Anasse Kazib, candidat d’extrême gauche à la présidentielle ; Fanta Kébé, ancienne policière devenue journaliste (et pigiste pour StreetPress) ; et Adama Camara, militant contre les violences dans les quartiers, et animateur de notre série Rixes, diffusée sur France TV Slash.
L’affaire Gaye Camara
Dans la nuit du 16 au 17 février 2018, Gaye dépose un ami à Epinay-sur-Seine. Cet homme descend et prend possession d’une voiture volée. Un traceur a permis à la police de géolocaliser le véhicule. En planque, ils surgissent pour arrêter cet ami. Gaye, encore au volant de sa voiture, prend peur et tente de s’enfuir, selon le témoignage de son cousin côté passager. Les policiers tirent huit balles dans le véhicule de Gaye, une lui arrive entre les deux yeux.
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En 2020, le tribunal de Paris a prononcé un non-lieu définitif dans cette affaire. Selon la juge, les policiers étaient en situation de légitime défense, la voiture de Gaye aurait pu blesser un policier dans sa course. Une version remise en question par la famille, qui dénonce les manquements de la justice. « Des vidéos de surveillances existent, ils ont refusé de les donner, malgré les demandes de notre avocat. On a demandé une reconstitution, refusée également », explique Mahamadou Camara. « Et la justice a refusé de prendre en compte la reconstitution menée par les experts indépendants Index et publiée par le média Disclose. » Cette enquête conclut « le policier n’est pas face à la voiture de Gaye Camara. Le conducteur n’est donc pas en train de lui foncer dessus, comme l’affirme l’enquête judiciaire. » L’article ajoute :
« Par cette reconstitution, Disclose et Index démontrent qu’il est plus que jamais nécessaire de réexaminer les circonstances exactes ayant conduit à la mort de Gaye Camara. La seule invocation de la légitime défense ne suffit pas. »
L’affaire ne pourra plus être jugée en France et les policiers ne seront pas jugés. La famille compte continuer son combat devant la Cour européenne des droits de l’homme. Elle espère faire condamner la France pour manquement dans cette affaire.