Pendant son confinement Freddy Gladieux a écrit sur deux films, des blagues et une chanson. Malgré l’apparente simplicité de ses vannes, l’humoriste, auteur et youtubeur à succès est un bourreau de travail.
« Si ce confinement peut durer encore huit mois, ça me va ! » Freddy Gladieux a l’habitude de s’enfermer seul chez lui pour bosser sur ses projets. À 35 ans, le créateur de contenus multiplie les casquettes : vidéaste sur Instagram, Twitter et Youtube pour ses centaines de milliers d’abonnés, ancien auteur chez Canal +, mais aussi pour des projets avec Mister V ou Squeezie. Alors la situation l’arrangerait presque : « C’est déjà mon activité principale d’être seul chez moi ! ». Il profite de son temps pour bosser sur les deux longs-métrages qu’il prépare. Son grand pote et compagnon d’écriture, Anis Rhali, lui aussi créateur de contenus, connaît bien son soucis du détail :
« Freddy a un humour tout public, mais tout le temps original. Ça a l’air presque facile, alors qu’il y a un énorme taf derrière. »
Il gagne sa vie avec ses différents tafs d’écriture. Installé depuis six ans en tant qu’auteur et bien connu des influenceurs et des humoristes, le grand public le découvre plus récemment avec Twitter et Instagram, ses deux cours de récré.
20 millions d’écoutes sur Spotify
En 2019 il apparaît sur deux des plus grosses vidéos de l’année. Des projets un peu fou, à commencer par celui de Squeezie, plus gros Youtubeur français avec ses 14 millions d’abonnés. Il l’invite à participer à sa compétition : élaborer le meilleur hit et clip de l’été, face à Squeezie donc, et Joyca, YouTubeur musique. Freddy est, lui, en duo avec le beatmaker Kezah, qui a bossé avec des pointures du rap français comme SCH ou 13 Block. En fin de partie, nul autre que Gims vient donner son avis. Le clip le plus liké gagne.
« C’était la meilleure cour de récré possible, avec un budget qui nous a permis de faire tellement de choses. » Freddy Gladieux et Kezah pondent Mirador, un tube dans la veine des plus grands sons latino vibe actuels. Lui pousse la chansonnette et surjoue les poncifs de la pop urbaine. « On est même parti clipper au Portugal, avec la Ferrari qui va bien ! » En dix mois, le clip culmine à 42 millions de vues sur YouTube et 20 millions sur Spotify. Au téléphone, Freddy a encore du mal à réaliser l’ampleur du truc :
« C’est invraisemblable le nombre de mentions en story Instagram de gens qui s’ambiancent dessus en boite. C’est clair qu’il y a plein de personnes qui m’ont découvert grâce à ça. »
En avril de la même année, c’est dans le « Rap vs réalité 2 » de Mister V qu’il écrit et joue quelques rôles. La vidéo s’amuse des clichés dans le rap et devient une machine à mèmes. Freddy y interprète par exemple le pote du rappeur, qui l’accompagne partout. « On s’est contacté sur Insta. Tous les deux on aimait ce que l’autre faisait. Très rapidement, on s’est mis à bosser sur des trucs ensemble. » Une rencontre d’abord artistique, puis amicale. Depuis plus d’un an, ils travaillent sur l’écriture d’un long-métrage, avec d’autres auteurs bien connus d’internet, comme Vincent Tirel ou Flober. Une comédie bien sûr, sourit le trentenaire :
« Le genre de pitch, quand t’en parles à tes proches, ils disent que c’est n’importe quoi ! »
Dans l’ombre
Son entrée dans le game se fait par la petite porte et un peu par hasard. Il y a encore six ans, il bosse comme agent de piste pour FedEx, à l’aéroport de Roissy. Mais un problème de santé l’oblige à rester à la maison. « Vu que je m’ennuyais seul chez moi, j’ai commencé à faire des blagues sur Vine. Je ne sais pas trop pourquoi mais ça a marché. » Grâce à l’appli de vidéos courtes, il rencontre Panayotis Pascot. À 16 ans, le jeune comédien prodige est recruté par Le Petit Journal de Canal + pour animer une chronique hebdomadaire de micro-trottoirs. « Freddy m’avait aidé à préparer le pilote. Quand j’ai été pris, j’ai direct dit que je voulais bosser avec lui », raconte l’humoriste par téléphone.
Les deux s’éclatent sur toute la partie création, écriture, tournage et montage inclus. « Dans l’écriture on pouvait aller très loin dans l’imagination, à étirer et étirer encore une blague, pour voir jusqu’où elle pouvait aller », se remémore Panayotis. « J’étais tellement à fond dans le truc qu’une fois un nouveau monteur pensait que je me foutais de sa gueule, tellement je lui demandais de rajouter, de couper, de rajouter la même image. Alors que pas du tout ! Je voulais juste avoir la fin de la vanne parfaite ! », embraye Freddy, obsédé par l’idée de créer le contenu qui vieillira bien.
Après deux saisons dans l’émission de Yann Barthès, dont la seconde sur TMC, Panayotis se tourne essentiellement vers le stand-up quand Freddy poursuit son apprentissage du métier sur Internet. D’abord au Lab, sorte de centre de formation pour jeunes talents lancé par Golden Moustache (une filiale de M6). À l’époque, la structure est une des têtes de gondole de la fiction sur YouTube, avec des sketchs matés par des millions de gens. Et des auteurs bien connus du public, de Flober à Eléonore Costes en passant par McFly et Carlito ou Justine Le Pottier. Freddy Gladieux y retrouve ses potes de Vine, Anis Rhali et Aurélien Préveaux, et montent la chaîne Youtube Multiprise, financée par Golden Moustache mais avec leur direction artistique propre.
L’auteur y développe son univers artistique. L’occasion aussi de se faire remarquer par le public avec son humour absurde. « On se complète bien dans le boulot », raconte Anis. « Freddy va s’attarder sur plein de petits détails qui semblent futiles. Quand moi j’aurais une vision plus globale du truc. » Quitte à être « un taré, un malade » se marre Anis et frôler l’obsession. Freddy raconte :
« Une fois, je devais terminer un montage pour Multiprise. Pendant quatre jours j’ai dormi au bureau. J’allais acheter un petit dej’ et un caleçon chez H&M, et je m’y remettais ! Je peux être un peu maniaque, c’est vrai. »
Ne pas se fermer de porte
Quand Freddy n’écrit pas pour d’autres, c’est sur ses différents réseaux qu’il s’éclate. Il y a Instagram bien sûr, avec ses stories à rallonge dans lesquelles il adore jouer différents persos. Récemment, il a tourné partout avec une chanson sur le confinement, Vive les promeneurs. L’histoire de quelqu’un confiné chez son pote, qui lui chante sa gratitude avec lourdeur. Diffusée dans un sketch de trois minutes sur Twitter, le succès est tel qu’il a fini par upload le morceau sur Spotify et le clipper. Il aime faire du son, alors pourquoi ne pas s’y aventurer ? Il ne se ferme aucune porte. Anis se marre :
« C’est ma plus grande fierté qu’il se mette à chanter. Ça fait des années que je le pousse à le faire, il chante grave bien ! Mon rêve secret avec Mirador, c’était qu’il perce dans un pays chelou, genre le Pérou, et qu’il ait une bête de carrière là-bas et qu’il y fasse des shows ! »
Quand Mirador sort cet été, les propositions de showcases dans des boites et chichas tombent. Freddy s’y voyait déjà, mais ses comparses sont moins chauds :
« J’aurais adoré ! J’avais déjà en tête les chemises bien colorées achetées sur AliExpress que j’allais pouvoir porter ! »
À côté de la musique, il a aussi essayé présentateur d’émission. Avec son lot de ratés, regrette-t-il. Il participe au Live. Le projet lancé par le géant Webedia se voyait comme la nouvelle Web TV référence pour les millenials. Freddy a présenté une émission diffusée à seulement quatre reprises, avant d’être suspendue, comme tous les programmes de la chaine, avec peu de chance de revoir le jour. Un lancement raté, des concepts bancals et un certain décalage entre les animateurs et le public visé a eu raison de la hype autour du projet. « Le Live était tellement détesté que c’était chaud de ramener des gens ou même de communiquer dessus », analyse-t-il, amer. Comme chaque projet, il s’y était mis à fond.
Parenthèse de ses fails fermée, il continue ses sketchs ingénieusement balourds. S’il s’éclate sur Instagram, c’est sur Youtube qu’il peut assouvir sa soif de montages léchés et absurdes. L’auteur passe des heures à trouver le son, l’effet, la coupe, qui va sublimer le résultat final. Mais sans l’envie d’en faire un métier. « Je ne gagne pas d’argent avec ça. Ça résulte juste de mon envie de faire tout le temps des choses. » Son taf, c’est l’écriture, et sa manière de bosser ne lui permet pas d’avoir la régularité nécessaire pour être YouTubeur, pense-t-il. À Panayotis de conclure :
« Il se fait beaucoup confiance sur son esprit humoristique. Tu vois qu’il fait les choses car ça le fait rire. Du coup, toi, t’es obligé de rire à ses conneries. »
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