Le confinement a sonné la fin des soirées jeux de sociétés ou dans les bars entre potes. Alors pour garder le contact, mais surtout s’occuper lors de ces journées qui peuvent être très longues, on joue ensemble, mais à distance.
« 21h45, le village s’endort. » Débute une partie de Coronagarou – la version confinement du Loup-Garou – de presque deux heures. Quarantaine oblige, elle ne se passe pas dans un appartement ou dans une chicha, mais sur Messenger via Facebook. C’est Lucie, étudiante et photographe de 22 ans, qui a eu l’idée d’adapter le jeu de rôle au contexte actuel :
« C’est cool comme truc, ça permet de dédramatiser la situation et de faire sourire les gens. On a l’habitude de jouer en soirée. On ne va pas s’arrêter parce qu’on ne peut plus se voir. Je suis contente qu’à chaque fin de partie, tout le monde me félicite. Ils voient que je me donne à fond et ça me motive ! »
À la base réservé à ses potes, une dizaine d’inconnus s’est greffée aux parties. Quant à Chloé, étudiante à Dunkerque de 18 ans, elle ne s’attendait pas à avoir plus de 3.000 retweets et des centaines de DM en publiant son thread des « jeux à faire en ligne avec ses potes pendant le confinement » :
« Il y a plein de gens qui m’ont contacté en mode : “Wow, tu sauves ma quarantaine”, ou pour me conseiller d’autres jeux. C’est cool ! »
Loup-Garou, Skribbl, Limite Limite, Petit Bac, l’application Plato, tout est bon pour occuper son confinement et socialiser.
Serveurs saturés
« Je ne sais pas si c’est à cause de moi ou si tout le monde a eu la même idée, mais ça devient de plus en plus compliqué de jouer à certains jeux. Faut s’organiser ! », rigole Chloé. Et pour cause, l’affluence sur les plateformes de jeux est telle que certains serveurs commencent à saturer et sautent.
Confinée seule avec sa mère, l’étudiante dit ne pas s’ennuyer beaucoup pendant son confinement. « On joue avec des potes, entre trois et dix personnes. Ça aide à passer le temps. On est beaucoup d’enfants uniques, du coup rester seul à la maison n’est pas évident. » Elle raconte avoir l’habitude de jouer en ligne en période de cours. « Mais surtout le soir. Là c’est quasiment toute la journée ! De toute manière, je ne me voyais pas passer cette période sans jouer. »
Même constat pour Lucie, la créatrice du Coronagarou. « On est une vingtaine de personnes à jouer chaque fois. » Les parties nécessitent une organisation particulière. Une conversation par thème : celle de la partie, celle des « coronagarous », et surtout celle des morts, « pour qu’ils ne se fassent pas chier ». Pour voter l’élimination d’un joueur, il faut liker un message. On enregistre un message vocal pour convaincre de se faire élire comme maire. Et l’organisation évolue de jour en jour, pour éviter l’anarchie dans les conversations. Lucie a même dessiné des petits visuels pour chaque rôle.
S’adapter à la crise
« J’adore décliner les personnages des Loups-Garou, genre des Loups-garous Cowboys/indiens. Ou avec les noms de nos profs. Ça me semblait évident de faire une version Corona », débriefe Lucie au téléphone, depuis son appartement parisien. Les Loups Garous deviennent donc les « Coronagarous ». À la place du traditionnel Cupidon, il y a « Macron » – « celui qui instaure une quarantaine et met deux amoureux ensemble » –, « le vendeur de masque » – qui « vend un masque à une personne chaque nuit pour le protéger du coronavirus » – ou « le FDP du métro » – « il ne veut pas mourir tout seul. S’il est infecté, il tousse sur quelqu’un avant de mourir ». L’étudiante poursuit :
« Nous étions si nombreux que j’ai dû créer des rôles en plus, sinon on aurait eu que des villageois, c’est un peu nul ! »
Dans le Loup-Garou version coronavirus, les loups deviennen les « Coronagarous ». À la place du traditionnel Cupidon, il y a « Macron », celui qui instaure une quarantaine et met deux amoureux ensemble. / Crédits : Lucie Nouvellon
Il y a aussi « le vendeur de masque » – qui « vend un masque à une personne chaque nuit pour le protéger du coronavirus » – ou « le FDP du métro » : « Il ne veut pas mourir tout seul. S’il est infecté, il tousse sur quelqu’un avant de mourir ». / Crédits : Lucie Nouvellon
Sortir mais autrement
Pour pallier aux restrictions de sortie, d’autres s’inventent une vie virtuelle sur des jeux disparus depuis plusieurs années. C’est le cas d’Habbo, un jeu en ligne où on incarne un petit personnage personnalisable, qui peut se balader d’appartement en appartement. Et même en boite de nuit ou dans la cour du musée du Louvre ! [ Pour y jouer, c’est par ici ]
À quelques minutes de l’allocution de Macron annonçant le confinement total, certains se sont posés dans Habbo pour commenter le discours. / Crédits : Habbo
Alors tous les soirs, la « Boîte de nuit – FC Twitter » ou le « Rencontres Bar Disco » font salle comble. Les joueurs se sont créé des répliques de lieux publics. De l’aveu de beaucoup, même s’il reste quelques joueurs historiques, la plupart sont revenus sur la plateforme depuis qu’il n’est plus possible de sortir. Comme Laurane, 18 ans :
« J’y jouais quand j’avais 12 ou 13 ans. Mais là je m’ennuyais, donc j’ai trainé mes potes dessus. Je me suis dit qu’à défaut de se voir en vrai, on pouvait se voir là-bas. »
Sur Habbo, on suit aussi l’actualité et les dernières consignes du gouvernement. Lundi 16 mars, à quelques minutes de l’allocution de Macron annonçant le confinement total, certains se sont posés dans un appartement virtuel au style new-yorkais pour commenter le discours. « Dans sept minutes on va voir ce que Macron va dire », écrit nourehaana à son pote lanimal77, rencontré quelques minutes plus tôt. Le virtuel n’a pas encore tout à fait remplacé le réel.
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