L’Écoquartier du Fort d'Issy est situé au cœur d'une ancienne forteresse militaire, coupé du reste de la ville par des remparts. Ce petit village de cadres dynamiques a tout d'une cité-dortoir, enclavés et fiers de l’être !
Fort d’Issy est un quartier cossu niché sur les hauteurs d’Issy-les-Moulineaux. Les remparts laissent apparaître le sommet d’immeubles épurés aux allures futuristes. Difficile de s’imaginer la violence des combats qui y ont fait rage en 1871 lors de la Commune de Paris. De ces affrontements ne subsistent qu’une sculpture réalisée avec les obus retrouvés sur place, un canon ébréché et des noms de rues aux sonorités très communardes, entre Louise Michel et le temps des cerises. L’endroit pourtant est loin de porter les idéaux de la Commune.
Les Municipales by StreetPress
Dans le cadre de notre projet Municipales by StreetPress, Jean va tirer le portrait d’Issy-les-Moulineaux (92).
Épisode 1 : Fort d’Issy, l’Ecoquartier qui ne veut pas trop se mélanger
Épisode 2 : À venir
Épisode 3 : À venir
Pendant trois mois, Streetpress accompagne cinq jeunes sélectionnés sans critères de diplômes. Ils sont formés par la journaliste Nathalie Gathié et rémunérés en piges pour leurs articles. Si vous souhaitez soutenir nos initiatives, vous pouvez nous donner quelques euros par ici.
Ne pas se mélanger
Issy-les-Moulineaux culmine à la cinquième place des villes les plus riches de France. Sorti de terre en 2013, l’écoquartier du Fort d’Issy a des allures de petit camp retranché pour les plus privilégiés d’entre eux. En tout, ce sont 1.600 logements qui accueillent un peu plus de 3.500 habitants. Soit plus de 5 pourcents de la population. Etonnamment, ce confetti d’opulence abrite 20 pourcents de logements sociaux, essentiellement occupés par… des (pauvres) fonctionnaires de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale toute proche.
Ici, à quelques encablures de l’Hôtel de ville squatté par l’indéboulonnable maire UDI André Santini, tout est fait pour séduire une population jeune, aisée et soucieuse d’un douillet entre soi. Une fois passée la galerie qui perce les remparts – une des deux seules routes d’accès – la tranquillité est presque déstabilisante. Sur l’esplanade centrale, on ne croise pas grand monde en cet après-midi d’hiver. Derrière son comptoir, François, 32 ans, jongle entre ses clients et le déballage de quelques cartons. Il tient la librairie « Le Livre et la Tortue » qui a ouvert en même temps que le Fort :
« Le quartier est fait de telle façon qu’il ne brasse pas beaucoup de monde en provenance d’autres endroits de la ville. »
I love Macron
Surpris par la pluie, Nicolas (1) a trouvé refuge sous une galerie qui sert d’entrée au quartier. Vêtu d’un élégant manteau, sac de travail en bandoulière, il tire sur une cigarette électronique en attendant que l’averse passe. Ce trentenaire travaille dans l’informatique :
« Je n’ai pas du tout à me plaindre, je touche plus de 4.000 euros par mois. »
Ici, le prix du mètre carré gravite autour de 8.700 euros soit 400 euros de plus que la moyenne de la ville selon meilleursagents.com. Entre deux bouffées de cigarette, il confie pourquoi il a choisi de vivre au Fort : « Le quartier est très calme il n’y a pas trop de passage. On est juste à côté de Paris où je bosse, on a pas mal de commerces à portée de main. J’ai juste à descendre de chez moi pour faire des courses. Je ne vais pas trop dans le reste de la ville, en même temps je n’en ai pas vraiment besoin ». Malgré la très grande tranquillité, il trouve encore des choses à redire : « Il y a des incivilités assez pénibles. Parfois, des jeunes font pas mal de bruit en soirée. Pas top pour se reposer. Il y a des tags, les poubelles sont déposées n’importe comment dans la rue… ». Avant de braver les intempéries, Nicolas lâche à contre-cœur ses options politiques : « Disons que j’ai voté pour le gagnant ». Lors des présidentielles de 2017, Emmanuel Macron a engrangé 42 pourcents des voix au premier tour dans les bureaux de vote du Fort, contre 37 pourcents pour le reste de la ville et 24 pourcents à l’échelle nationale.
Un peu plus loin, Julie profite de fugaces rayons de soleil pour se promener sur les remparts avec sa fille. La jeune femme travaille dans les ressources humaines d’un grand groupe. Mais là c’est le week-end, elle s’occupe de la « petite » : « On est venu au Fort avec l’idée de fonder un famille. On recherchait un endroit calme et où l’on se sente en sécurité. C’est un havre de paix ici ! Il y a une crèche, l’école à cinq minutes de la maison, et quand elle sera plus grande elle pourra aller au collège qui est juste à côté ». L’« entre soi » du quartier ne la heurte pas :
« La mixité ça a du bon, mais il n’en faut pas trop non plus, sinon ça déséquilibre un quartier. »
Chut, pas un bruit !
De l’autre côté des murs, les habitants des lotissements voisins ne cachent pas leur perplexité sur cette forteresse. Alice (1) vit à Issy depuis presque 30 ans, elle est assistante sociale et réside à cinq minutes de marche de l’écoquartier. Elle croise chaque jour les résidents du Fort dans le bus qu’elle emprunte pour rentrer chez elle. « On les reconnaît directement à leur style. Tous sur leur téléphone, avec un uniforme de CSP+. Personnellement, je ne vais jamais au Fort. Le quartier me semble froid, j’ai l’impression que c’est une cité dortoir de jeunes cadres dynamiques. »
L'esplanade central du Fort d'Issy. « J’ai l’impression que c’est une cité dortoir de jeunes cadres dynamiques. » /
Crédits : Jean Ventouillac
Antoine (1), 25 ans, habite le quartier voisin des Épinettes. Le Fort ? Il connaît, c’est là qu’il passe pas mal de soirées avec ses amis. Après avoir décapsulé une bière en ce samedi de février, il désigne les constellations de lumières qui nimbent Paris. « C’est pas mal comme vue non ? On vient ici pour être tranquille, c’est pas très vivant le soir. On dirait que c’est un autre monde. Les rares gens du coin nous matent avec un drôle d’œil quand ils nous croisent. Ça nous est arrivé quelquefois de voir la police arriver et nous demander de partir parce qu’ils avaient reçu un appel du voisinage. On était trois ou quatre, éloignés des appartements, et on buvait juste une bière entre potes. » La fin de soirée approche. Antoine et ses potes se disent au revoir et se dispersent. Leurs silhouettes sont les seules à déambuler dans les rues du Fort à l’approche de minuit.
(1) Les prénoms ont été changés
Partenaires
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