À 20 ans, Lyna Malandro est l’une des influenceuses les plus suivies par la scène rap. Elle s'est faite connaître avec son site Vraies Meufs. En un an, elle a collaboré avec Nike, défilé à la Fashion Week et lancé le Khapta challenge.
« À 20 ans on était nul ! On jouait à Fifa. On n’avait pas d’avis sur le monde. » Tout le contraire de Lyna Malandro d’après le journaliste rap Mehdi Maïzi. « Et c’est toujours intéressant ! J’aime son ton. C’est une millennials : elle est décomplexée, à l’aise avec l’image. Tout en dégageant un truc en plus », renchérit Hamad, co-fondateur et rédacteur en chef de Booska-P. Ils ont, comme tout le monde, découvert la jeune femme de 20 ans sur les réseaux sociaux. Instagram, Twitter, Facebook, Tumblr, Snapchat, TikTok, feu-Vine, elle est partout ! Spontanée, rigolote ou engagée, elle peut partager une pétition contre l’islamophobie comme le dernier challenge à la mode. Du genre grande gueule, elle a lancé son site féministe, Vraies Meufs, ainsi qu’un podcast où elle donne la parole aux descendants de la communauté maghrébine, L’Atay.
Lyna Malandro n’est pas une influenceuse tant suivi : 7.000 abonnés sur Instagram (sur son compte Vraies Meufs), autour de 4.000 sur Twitter. Draguée par un paquet d’acteurs des cultures urbaines, elle est pourtant l’une des personnalités les plus jeunes et surveillées. En une année, elle a monté des partenariats avec Nike, a défilé à la Fashion Week, collaborée avec des médias comme Booska-P ou Yard, et a validé sa licence 2 d’informatique ! « Si je devais parier sur quelqu’un, ça serait elle », assure Mehdi Maïzi.
« Je rêvais d’être un mème ! »
Cheveux bruns coupés en carré bouclé, lèvres charnues, make-up discret, Lyna porte un sweat ample bleu marine au dessus d’une chemise à fleurs. « Je ne voyais pas de femmes qui me ressemblaient sur les réseaux sociaux. J’en avais ras-le-bol. » Constat aussi simple que dramatique lorsqu’elle ouvre son site, Vraies Meufs, en 2016. Avec en sous-titre #GirlsNeedToSupportGirl. Un projet et une maturité folle, pour une jeunette de 18 ans. Pas de filtres, pas de fashion photoshoot, elle n’invite que des nanas hors des radars et des standards à poser. Toujours sans maquillage. Assa Traoré, Pauline Duarte, la modèle et influenceuse Kesaly, mais aussi ses copines, passent devant son argentique. Lyna a créé l’espace safe qu’elle aurait voulu trouver sur internet : « Tout le monde montre sa meilleure vie sur Insta. À coté, tu te sens nulle, tu complexes. Alors que c’est du fake. » Elle s’évertue à être une « vraie meuf » : être la plus naturelle possible. « Ce moment où tu rentres chez toi, t’es avec tes proches et tu te relâches. Pour moi, être une vraie meuf, c’est cet état. »
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lynamalandro :#KhaptaChallenge en duo, qui dit mieux ?
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« Sur ses réseaux, tu peux la voir une fois apprêtée, une autre fois à la sortie du lit. Elle dégage quelque chose d’accessible et de charmant, tout en étant très authentique », commente Mehdi Maïzi. Elle lance aussi le Khapta Challenge, sur le son d’Heuss L’Enfoiré et de Sofiane, repris pendant des jours sur Twitter. « C’est parce que j’aime trop faire n’importe quoi ça », rigole-t-elle. « C’était mon rêve d’être un mème ! » La jeune urbaine, à la pointe sur les cultures rap et internet, intrigue très vite les médias. Konbini l’invite pour parler « d’influence », Clique TV pour questionner la confiance en soi des femmes, Camino TV – chaîne YouTube de tendances urbaines – pour discuter féminisme. Et Booska-P lui propose un job.
« J’ai rien fait exprès ! »
« Elle est tellement spontanée. Elle a une fraîcheur dont on avait besoin à ce moment-là », raconte Hamad, qui lui propose d’écrire des billets pour Booska-P. Mehdi a, pendant un temps, comme projet de la faire participer à son émission La Sauce, sur OKLM. Projet avorté pour des questions d’emploi du temps. Il l’invite à défaut dans son émission Rap Jeu, diffusé sur la chaîne YouTube RedBinks de Red Bull. Lyna se retrouve en équipe avec la chanteuse Marwa Loud, en face du rappeur Naza et de son collègue de Booska-P Thomas Guisgand. « Elle est toujours légitime là où elle est, sans jamais se la raconter », commente le présentateur. Aujourd’hui, elle collabore également avec Yard, sur un projet secret qui devrait sortir en fin d’année.
« J’ai rien fait exprès ! », s’exclame Lyna en levant les mains vers le ciel, d’un air juvénile. Faire des plateaux de médias, travailler dans le rap, « ça n’a jamais été mon objectif », promet l’étudiante en troisième année d’informatique. « Un moment, je me suis dit : “Tu bosses quand même pour Booska-P, c’est lourd !” » Au début, ses parents ne le savent pas. Lyna prétexte sortir pour voir une copine, lorsqu’elle part faire des photos ou une interview. Eux voient le milieu du rap comme quelque chose d’éphémère, qui pourrait donner envie à Lyna de lâcher la fac. « Ils sont sortis de la hess grâce aux études, pour eux c’est important. » Ils arrivent d’Algérie il y a une vingtaine d’années. Son père accède à une bourse d’étude et devient directeur de collège. Sa mère s’installe quelques années après, et reprend des cours de médecine. « Ils ont vécu à dix dans une pièce mal éclairée. Mais emdoulah, je n’aurais jamais à dire : “Je vais mettre mes parents à l’abri”, parce qu’ils l’ont fait tout seul. »
Il a fallu les persuader e son sérieux. « Ça me tient à coeur le Bac+5, au moins pour la famille. » Mais aussi de son envie de continuer à se balader dans le milieu rap. « Ma mère a les numéros d’Hamad et de Fif enregistrés dans son portable ! Ça la rassure. » C’est le prix qu’elle a reçu en 2018, qui finit par les convaincre. Les internautes l’ont placé dans les trois lauréates du palmarès de la femme influente, organisé par le site de rencontre Adopte un mec. Devant Brigitte Macron ou Christine Lagarde, se souvient-elle :
« Je ne comprends toujours pas. Si les gens qui ont voté pour moi me voyaient le week-end, dans le canapé, regarder Naruto… »
Un verre de thé ?
« Elle a énormément de charisme et ça inspire les gens, je pense. Pour être cynique, c’est aussi une femme, maghrébine, et on a besoin de ça en ce moment. Elle incarne ça aussi », observe Mehdi Maïzi. Une facette de sa personnalité qu’elle exploite également. Il y a un an, elle a lancé l’Atay – le thé en arabe. Un podcast où Lyna et ses amis explorent les problématiques de la communauté maghrébine : « Le bled, la langue, la famille, l’identité, la culture… On discute avec légèreté, humour, comme un groupe d’amis discuterait dans un grec », expliquent-ils sur Spotify. « Ça a été une libération, on s’est raconté des choses qu’on n’avait jamais dites. » Encore un espace safe qu’elle aurait voulu trouver.
« Si je fais tout ça, c’est pour que les meufs comme moi se disent : “Elle est musulmane, elle a mon âge et elle arrive à faire ça ! Moi aussi je peux le faire”. » Elle voudrait participer à sortir l’Islam des clichés. Comme quand elle défile pour la marque de luxe Koché à la Fashion Week 2019. « J’avais rencontré la créatrice pendant un événement Nike. » Ou bien quand elle organise des activités 100% féminines avec une des plus grandes marques du monde. « Nike m’a contacté. Ça s’est fait via un ami », explique-t-elle simplement. Autant d’événements hors normes, pour une étudiante de 20 ans. « Elle ne fera pas de l’informatique, ça c’est certain ! Elle ira loin, on va entendre parler d’elle », promet Hamad. « Elle a mis de la valeur sur son nom. Et si tu la mets elle – jeune, féministe et maghrébine – à la tête d’une émission de rap, ça changerait tout. Ça apporterait quelque chose de nouveau », complète Mehdi Maïzi. Rien pour faire peur à Lyna, qui ne s’est pas forcément décidée sur ses choix professionnels d’avenir :
« Je stresse plus pour un contrôle de maths que pour tout ça. Parce que mes parents peuvent me défoncer. »
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