19/01/2011

Le présentateur du JT de M6 est-il un « papa next door qui trimballe son spleen » ?

Xavier de Moulins: «Tout le monde divorce et trouve ça cool, mais c'est pas du tout cool de divorcer»

Par Benjamin Gans

StreetPress a rencontré le présentateur du 19.45 de M6 pour son livre "Un Coup à Prendre". Il nous parle des relations homme-femme, de téloche, littérature et même de Guy Carlier.

Un premier roman à presque 40 ans, c’est comme une grossesse tardive ?

(Rires) Oui, exactement ! J’ai beaucoup lu et souvent aussi écrit pour moi. Mais je m’étais lancé un défi d’essayer de proposer quelque chose avant mes 40 ans. C’était une date butoir, fatidique et à 39 ans et demi, c’est sorti ! J’ai eu l’idée, il y a 3 ans, le temps du travail réel a commencé l’été en 2008 et je l’ai terminé en juin dernier.

Combien de tentatives as-tu faites avant qu’il ne sorte ?

C’est la première tentative! J’ai toujours gardé les choses que j’écrivais pour moi jusqu’à présent. J’attendais d’être prêt, d’essayer d’avoir un sujet. Ecrire demande beaucoup d’humilité, beaucoup de travail, de sueur et de transpiration. Pour sortir quelque chose, il fallait que je me sente prêt.

L’écriture a été jouissive ou douloureuse ?

L’écriture a été jouissive dans son ensemble. Mais elle a aussi été douloureuse. Quand tu te relis une première fois le soir, t’es super content, mais le lendemain, après ton café,  tu relis et là tu te dis “Mon Dieu ! Pauvre garçon ! C’est toi qui a écrit ça ?” Et il faut recommencer. C’est un exercice exigeant qui demande de prendre son temps. Il faut avoir l’humilité de se dire qu’il faut laisser reposer, une semaine, 15 jours et puis s’y remettre régulièrement, comme un travail de danseur à la barre. C’est assez paradoxal en fait, c’est de la joie et de la souffrance mélangée.




Un Coup à Prendre, la critique:



Xavier de Moulins a de la chance ou du talent. Sans doute les deux. Avec Un Coup à Prendre, il a su esquiver les écueils narcissiques des premiers romans pour mener à bien sa barque sur les eaux piégeuses d’un sujet de société banalisé, celui des la séparation et des pères célibataires. Sa plume file avec élégance pour nous décrire les chemins torturés qu’emprunte son antihéros, Antoine, trentenaire qui vient de quitter sa femme. Déchiré entre la nostalgie obsédante de son ex compagne et l’ivresse de sa nouvellle indépendance, il échappera à la schyzophrénie grâce à ses deux filles dont il aura la garde alternée. Il est possible que ce petit livre vous touche ou que son héros vous exaspère. Mais il vous rappellera sûrement ces moments de chagrins d’amour ou vos joies simples de jeune parent devant vos enfants.

Tu es un journaliste de formation littéraire, tu as fait lettres sup: ce n’est pas frustrant de faire de la télé où le langage est plutôt pauvre ?

Non. J’aime mon époque, et la télé m’a permis de m’exprimer différemment. Des portraits, j’en ai fait pas mal pour Canal Plus et à la radio. C’est une autre forme d’écriture, de prise de position, ça demande de la souplesse. Quand j’écrivais en presse écrite, c’était pour beaucoup de titres différents..

Je me souviens de Guy Carlier en 2005 qui t’avait méchamment taquiné sur un portrait qui lui avait déplu.  Il avait été cinglant et t’avait dit un truc du genre « quand vous saurez écrire… ». Tu t’en souviens ?

Oui, je me souviens qu’il n’avait pas été bon camarade sur le coup, car j’avais fait un portrait un peu incisif de lui et ça l’avait vexé. Il s’était alors réfugié derrière la problématique formelle et ça n’avait pas lieu d’être, car ce papier était plutôt pas mal torché et il l’avait atteint où ça faisait mal. Il l’avait pris avec un ton un peu professoral. Je m’étais dit “tiens, il l’a mal pris, c’était donc un bon papier”. T’as bonne mémoire ! Je l’aime bien, Guy Carlier. En fait il est un peu sensible, comme tout le monde, il aime bien chatouiller les autres et n’aime pas trop l’être. Après on s’est expliqué là dessus, on s’est revus et aujourd’hui il n’y a aucun problème entre lui et moi.

Tu lui as envoyé ton bouquin ?

Bonne idée, je n’y avais pas pensé.

Guy Carlier? « il est un peu sensible, comme tout le monde, il aime bien chatouiller les autres et n’aime pas trop l’être.  »

« De même qu’on a banalisé les pères célibataires, on a aussi banalisé la séparation.  »

La Fontaine fait dire à l’un de ses personnages “parfois il tombait parfois dans la maladie du siècle et faisait un livre”. Tu as l’impression d’être tombé malade toi aussi en faisant un livre?

Non j’ai surtout l’impression de parler de la maladie du siècle dans mon livre. C’est l’histoire d’Antoine qui a 35 ans quitte sa femme un peu sur un coup de tête. Il se retrouve alors en père célibataire et fait connaissance avec ses deux filles. Il a des côtés effrayants mais il devient touchant et émouvant aux côtés de ses filles de 7 et 3 ans qui vont l’aider à grandir. J’ai vraiment l’impression que la séparation est le mal du siècle et que la maladie du siècle, c’est aussi les enfants qui en subissent les conséquences. Je dirais plutôt que je témoigne du mal du siècle.

Tu te sens écrivain ?

Non, il faut rester simple (rires)! […] J’écris par nécessité et envie, mais sans sacraliser. Il y a un moment, faut lui lâcher la grappe à la littérature, il faut arrêter d’en faire des tonnes. J’écris, voilà. Je me sens heureux, épanoui, bien dans mes baskets!

Il y a une spécificité selon toi à être “journaliste écrivain” ?

Je ne sais pas, c’est une bonne question. Ce n’est pas à moi de le dire, c’est plus au lecteur. On n’est pas à l’abri d’avoir des défauts, c’est peut être un piège, mais j’ai essayé de l’éviter le plus possible.

Tu sais quels sont les deux mots qui reviennent le plus dans le livre ?

Non, dis-moi ?

“Je” et “Alice” (le prénom du personnage féminin). Du coup, selon moi, ce n’est pas un livre sur la paternité d’un célibataire mais une longue déclaration d’amour…

Ca me touche beaucoup que tu dises ça et que tu l’aies vu, car même si c’est un livre sur les pères célibataires, c’est aussi un livre sur la rupture et la séparation. De même qu’on a banalisé les pères célibataires, on a aussi banalisé la séparation. Aujourd’hui, tout le monde divorce et trouve ça cool, mais c’est pas du tout cool de divorcer, c’est un moment important dans une vie. Alors, c’est aussi l’histoire vraie d’un chagrin, une histoire amoureuse et un roman d’amour.

Questions/Réponses

Premier roman : Mondo et Autres Histoires de Le Clézio, et Siddharta d’Hermann Hess, quand j’étais plus jeune

Livre préféré : En attendant Godot de Samuel Beckett, et cette cette phrase inouïe « et ses yeux comme des fentes à cause du soleil »

Un héros favori : Fabrice del Dongo dans La Chartreuse de Parme

Journaliste-écrivain préféré : Arnaud Vivian

PDDA ou Aubenas : Aubenas

Renaudot Despentes ou Goncourt Houellebecq : Houellebecq, mais pour Plateforme

Beigbeider ou Bret Easton Ellis : Question à la con ! (rires) Bret Easton Ellis, même si Un roman français m’a marqué…

Cette histoire t’a été inspirée par une expérience personnelle ?

J’ai été père célibataire un moment dans ma vie, et j’ai du aussi élever mes enfants. C’est le point de départ commun avec mon personnage. Pour le côté fiction et romanesque, le côté torturé du héros qui regrette, j’ai trouvé qu’il y avait matière à livre car j’ai toujours été très intéressé par la notion d’antihéros que j’ai longtemps admiré chez les personnages de Beckett, le grand spécialiste des anti-héros, Vladimir et Estragon pour moi c’est culte ! Je voulais essayer d’écrire le parcours d’un antihéros des temps moderne, un père next door qui trimballe son spleen et son chagrin et finalement dans une vie assez ordinaire avec un roman assez réaliste.

Tu t’es senti aussi KO que ton personnage ?

Celui qui ne s’est jamais senti aussi KO après une rupture me jette la première pierre ! Oui, les ruptures ça rend KO, j’ai souffert, ça m’a fait mal mais comme disait Musset, “j’ai vécu” et ça c’est vachement bien. C’est fait pour ça les ruptures, pour te mettre à terre. Celui qui dit qu’il ne s’est jamais aussi senti KO après une rupture est un crâneur!

Antoine, ton antihéros, ne supporte pas de passer pour un salop: il écume les pages dans la culpabilité…Tu penses que les hommes sont plus vulnérables dans les ruptures ?

Je dirais que les hommes culpabilisent vraiment beaucoup. Je ne veux pas me lancer dans une comparaison homme/femme. Il est trop dans sa souffrance mais c’est celle qu’ont tous les gens en peine. Les hommes sont moins psychologues en tous cas, ils sont très vulnérables, c’est vrai. L’homme ne va pas formuler sa souffrance de la même manière, il sera plus dans le déni. Ils ont du mal à exprimer leur chagrin. Il y a encore des hommes qui pensent que ne pas avoir mal, c’est être viril. C’est faux.

Questions/Réponses

Premier roman : Mondo et Autres Histoires de Le Clézio, et Siddharta d’Hermann Hess, quand j’étais plus jeune

Livre préféré : En attendant Godot de Samuel Beckett, et cette cette phrase inouïe « et ses yeux comme des fentes à cause du soleil »

Un héros favori : Fabrice del Dongo dans La Chartreuse de Parme

Journaliste-écrivain préféré : Arnaud Vivian

PDDA ou Aubenas : Aubenas

Renaudot Despentes ou Goncourt Houellebecq : Houellebecq, mais pour Plateforme

Beigbeider ou Bret Easton Ellis : Question à la con ! (rires) Bret Easton Ellis, même si Un roman français m’a marqué…

Ton constat semble définitif : à part les 10% d’hommes naturellement monogames, l’homme a le choix entre trahir sa compagne ou rompre c’est ça ?

Si tu regardes autour de toi et que tu regardes les couples qui ont 10 ans de mariage…(rires) Là encore, que celui qui n’a pas été tenté me jette la première pierre. Il faut faire un constat honnête, les hommes sont souvent tentés, certains passent à l’acte d’autres arrivent à garder ça pour eux. Il y aura toujours des hommes pour dire qu’ils ne sont pas comme ça ou des femmes pour dire que leur mari n’est pas comme ça, mais c ‘est là. Ce n’est pas un jugement moral. Beaucoup d’hommes se demandent pourquoi ils ne peuvent pas tout avoir, comme un réflexe d’enfant gâté qu’ont certains hommes. Il n’y a pas de super héros non plus.

Pour finir, à qui conseillerais-tu ton livre ?

Aux pères, célibataires ou en famille. Aux femmes, car c’est un livre assez féministe qui salue le courage la force morale des femmes dont on a besoin aujourd’hui et aussi aux familles, car c’est un peu un manifeste pour la vie de famille. Il faut arrêter de dire que la famille c’est naze et que la rupture c’est top. La famille c’est bien, et il faut savoir cultiver  son jardin, c’est aussi un manifeste pour la vie ensemble.

Est-ce qu’un tome 2 consacré à la renaissance d’Antoine est prévu ?

C’est marrant que tu me poses cette question. J’ai des retours de lecteurs qui d’abord me remercient pour ce livre, et ça me touche beaucoup, et qui m’ont demandé ce qu’allait devenir Antoine. Il en est là où finit le livre pour l’instant.

Qu’est ce que t’aimerais qu’on te dise après l’avoir lu ?

Que c’est un livre touchant et émouvant, qu’il donne envie d’être ensemble et qu’il donne envie aux gens de faire mieux. Ou qu’ils me disent deux mots que j’aime vraiment dans la langue française: l’espérance et la joie.

« Beaucoup d’hommes se demandent pourquoi ils ne peuvent pas tout avoir, comme un réflexe d’enfant gâté »