Être une femme enfermée dans un corps d’homme est, pour ceux qui le vivent, insupportable. Mais les opérations coûtent cher. Faute de moyens, de nombreuses personnes trans ont recours aux cagnottes en ligne.
« Quand on est un homme et qu’on a des seins, c’est difficile de sortir dans la rue. » Romain (1) est né dans un corps de femme. Un genre que le jeune homme de 23 ans rejette. Voilà deux ans et demi qu’il a entamé sa transition. « Je voulais me sentir à l’aise dans mon corps. » Raison pour laquelle il a eu une ablation des seins. Un parcours du combattant pour l’étudiant toulousain. « Je n’avais pas les moyens de mettre de côté pour ma mastectomie. » Alors il a fait appel à la bonté des internautes et a organisé une cagnotte sur la plateforme Le Pot Commun. En un an et dix mois, il a récolté 1.397 euros, tout pile la somme qu’il lui fallait pour son opération.
Comme lui, de nombreuses personnes trans organisent des collectes de fonds pour financer les chirurgies nécessaires pour se sentir en accord avec leur identité. Des dizaines de cagnottes pour des phalloplasties – opération de chirurgie plastique visant la fabrication d’un pénis -, des vaginoplasties – pour la fabrication d’un vagin -, ou encore des épilations définitives, existent sur des plateformes comme Leetchi, Paypal, et d’autres. « Mais ça c’est loin d’être suffisant », raconte amer Niléane, étudiante originaire de l’île de la Réunion. Elle n’est pas arrivée à la somme qu’elle espérait.
Une prise en charge de la sécu inaccessible
Noah est un jeune étudiant grenoblois. Pour « l’étape finale de sa transition », il cherche, comme Romain, à financer son opération : plus de 2.000 euros. Ce genre de chirurgie coûte cher. Tout comme les vaginoplasties – autour de 15.000 euros – ou les phalloplasties – 35.000 euros. Avec un crédit étudiant en cours, la dépense semble impensable pour Noah. Il sait qu’un remboursement partiel par la sécurité sociale est possible. Certaines personnes trans refusent de présenter un dossier. « Il faut savoir qu’il existe des critères stricts pour être pris en charge par ces équipes « officielles », des critères parfois discriminants et totalement homophobes », dénonce sur son site L’Association d’aide, de défense homosexuelle, pour l’égalité des orientations sexuelles (Adheos).
Ces démarches sont gérées par la Société Française d’études et de prise en charge du transsexualisme (SoFect). L’organisme est chargé de décider qui est éligible ou non au remboursement de ces opérations par la sécu. La décision est prise après un entretien avec un médecin, puis un second avec un psy. « J’ai préféré rester loin de la SoFect », explique Noah. Le média Komitid raconte dans une enquête sur cette organisation : « Démarches pathologisantes, protocoles fermés et binaires, questionnaires intrusifs… La Sofect traîne une terrible réputation chez les premier.e.s concerné.e.s. ». Les personnes trans se retrouvent face à un dilemme : suivre un parcours qu’ils jugent transphobe ou assumer tous les frais, dans une clinique privée.
Pour être moi au quotidien
Août 2017. Romain lance sa cagnotte, pour récolter les 1.397 euros nécessaires à sa mastectomie. Dans son descriptif, il explique :
« Cette opération m’est plus que vitale. »
« C’est loin d’être facile de sortir en public sans binder, cette brassière qui comprime la poitrine de manière insupportable, ou même d’aller à la piscine. Je ne me sens pas à l’aise », ajoute le jeune homme. « Je souffre du fait que ma poitrine me ramène constamment à mon genre assigné à la naissance » explique Noah.
Pour Niléane, le problème vient de sa pilosité faciale. Difficile de gérer une moustache ou une barbe quand on est une femme : « Nous sommes nombreuses à avoir besoin de séances d’épilation laser. Les poils font partie de nos sources de mal-être profond ».
Entre soutien et transphobie
Mais ce besoin n’est pas toujours bien compris sur Internet. Niléane en a fait les frais. Pour ses dix séances d’épilation laser, elle a besoin de 1.600 euros. L’étudiante de 23 ans décide de lancer un nouveau crowdfunding de 160 euros pour chaque séance. « Ça m’a permis d’en financer seulement quelques-unes. » Elle est forcée d’espacer les séances, ce qui est déconseillé. « Ça a a été moins efficace. » Une déception à laquelle s’ajoute le jugement de certains twittos sur ses cagnottes, lorsqu’elle les partage sur le réseau social. « On nous accuse d’en demander trop, ou de ne pas être capable de nous contenter de la couverture de la sécu. Puis parfois, évidemment, on nous dit qu’on est des malades mentaux. » Des commentaires et insultes transphobes signalées au petit oiseau bleu, mais qui ne sont jamais supprimées.
Romain, lui, a réussi à financer sa mastectomie. Grâce à des amis généreux, mais aussi des anonymes, souvent de la communauté LGBTQI+. « Ce genre de cagnotte fonctionne grâce à la solidarité dans la communauté », juge-t-il. Quant à Noah, un énorme don d’un de ses proches après la création de sa cagnotte lui a permis de couvrir les dépenses liées à son opération. Il a aussi reçu de nombreux messages de soutiens sur Paypal, comme celui-ci :
« Courage mon petit Noah d’amour, j’ai hâte de te voir épanoui et heureux dans ton corps. »
(1) Le prénom a été modifié.
Article en partenariat avec le CFPJ.
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