Alors qu’il couvrait un rassemblement de travailleurs sans-papiers, le journaliste Taha Bouhafs est violemment interpellé. Il raconte avoir été insulté et frappé pendant son transfert au commissariat.
Alfortville (94) – Attablé à la terrasse d’un café, Taha Bouhafs, le bras en écharpe, s’enfile un sandwich. Après 24 heures de garde à vue, le journaliste de Là-Bas si j’y suis reprend des forces. Son visage porte encore les traces des coups portés, raconte-t-il, par l’un des policiers lors de son transfert au commissariat. « Je suis parti pour travailler et en fait j’ai fini avec une épaule en moins, avec des hématomes au visage, menacé, insulté, humilié », s’insurge Taha. Il a, par l’intermédiaire de son avocat Arié Alimi, déposé plainte pour violences commises en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique.
La veille, alors qu’il couvrait l’occupation du centre Chronopost d’Alfortville par des travailleurs sans-papiers, il est repoussé par un policier. Le pandore en civil n’aurait pas apprécié de le voir filmer. « À un moment, il me met un coup-de-poing », rembobine Taha Bouhafs. Le journaliste reconnaît être monté dans les tours. « Je l’ai traité de racaille ! » Il assure n’avoir utilisé aucun autre nom d’oiseau et ne pas s’être montré violent. Il est violemment interpellé. Clef de bras. Épaule déboîtée. Mais qu’importe, les bleus lui enfilent les menottes. Un autre homme qui tente d’intervenir est également embarqué. Pendant le trajet en direction du commissariat, l’un des fonctionnaires s’en serait donné à coeur joie. « Il m’a dit : “Tu ne fais pas le malin quand il n’y a plus de monde. C’est moi qui fais la loi”. Il a commencé à me mettre des coups-de-poings dans le nez ».
Dans le viseur de la police
À seulement 21 ans, Taha Bouhafs s’est forgé une solide réputation dans les milieux militants et politiques de gauche. Candidat aux législatives de 2017 pour la France Insoumise – à 19 ans -, activiste assidu durant les blocus étudiants de 2018, il ne manque aucun rendez-vous lié aux luttes des quartiers populaires non plus. Surtout, il a participé à lancer la saga Benalla, qui secoue le gouvernement depuis plus d’un an. Taha est l’auteur de la vidéo où l’ex-collaborateur de Macron tabasse un couple de manifestants, place de la Contrescarpe. « Et ça n’a rien d’un coup de chance que ça soit lui : il est partout, tout le temps », assurait son ami Youcef Brakni, membre du Comité Adama dans un portrait que StreetPress lui avait consacré.
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Ce n’est pas la première fois que le journaliste subit les foudres des forces de l’ordre. Le 30 avril dernier, il apprend que le procureur de Paris a ouvert une enquête à son encontre pour avoir, quelques jours plus tôt, tweeté « deux jeunes de quartier de 17 et 19 ans sont morts à Grenoble à cause de la police ». Le 1er mai dernier, nouveau coup dur. Le journaliste couvre le traditionnel défilé. Un policier, là encore mécontent de le voir filmer, lui confisque son téléphone. Alors qu’il tente de le récupérer, le fonctionnaire balance son portable au sol.
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— David Dufresne (@davduf) 1 mai 2019Place_Beauvau</a> - c'est pour un signalement - 739<br><br>Téléphone du journaliste <a href="https://twitter.com/T_Bouhafs?ref_src=twsrc%5Etfw">
T_Bouhafs pourLabasOfficiel</a> jeté au sol. Entrave liberté de la presse.<br><br>Paris <a href="https://twitter.com/hashtag/1erMai?src=hash&ref_src=twsrc%5Etfw">#1erMai</a> source: <a href="https://twitter.com/Lies_Breaker?ref_src=twsrc%5Etfw">
Lies_Breaker pic.twitter.com/buiTDA0JM4
Ce 12 juin, Taha Bouhafs s’est à nouveau vu confisquer son téléphone. Il a été placé sous scellés, dans le cadre de la procédure pour outrage et rébellion intentée à son encontre. Après un coup de fil à son avocat (avec le téléphone de notre journaliste), entouré des quelques soutiens présents, il retourne au commissariat pour tenter de le récupérer. Alors que la petite troupe approche, les policiers se barricadent à l’intérieur, portes et fenêtres fermées, rideau de fer baissé. Le journaliste David Dufresne tambourine à une vitre, pas de réponse. Après quelques minutes et de multiples coups de sonnettes, un fonctionnaire s’approche et explique à travers une grille que l’appareil est sous scellés. « Adressez-vous au tribunal. C’est tout ce qu’on m’a autorisé à vous dire. » Échec. Taha lâche l’affaire pour cette fois. Il monte dans la voiture d’un copain et part en direction du centre Chronopost de la ville où est organisé un nouveau rassemblement en soutien des travailleurs sans papiers. La douche attendra.
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