Plus de 450 écoles parisiennes pourraient avoir de l’amiante emprisonné dans leurs murs, explique la mairie, incapable de se montrer plus précise. Elle assure que la situation est sans danger. Ce n’est pas l’avis des associations.
Paris 20e – La personne à l’accueil ouvre la petite fenêtre placée sur le côté de l’entrée de l’école primaire. Le ton est aimable mais catégorique : « Le Diagnostic technique amiante ? Ah non mais ce sont des infos confidentielles. Et on n’a pas ça ». Depuis 2001 pourtant, chaque établissement scolaire doit disposer d’un DTA, une fiche technique recensant toute trace dans le bâtiment de ces fibres très dangereuses pour la santé. Un document qui doit être communiqué sur demande. Sauf que l’amiante semble être un non-sujet. En mars, Libération publiait une grande enquête, titrée « Amiante à l’école : “Une bombe sanitaire à retardement” ». Le journal indiquait que « plus de vingt ans après le premier scandale, rien ou presque n’a été fait dans la plupart des établissements. L’usure du parc scolaire demande des solutions urgentes que personne ne semble disposé à prendre, mettant en danger élèves et personnel ». Et Paris n’échappe pas à la règle.
Combien d’écoles parisiennes contiennent de l’amiante ?
Interrogée par StreetPress, la mairie centrale est incapable de fournir une réponse précise. Sur les 656 écoles de la capitale, 200 n’ont pas ou plus d’amiante. Pour les 456 autres, c’est flou. La mairie explique « qu’il y en a » dans certaines d’entre elles. Faute d’enquête sérieuse, elle est incapable de préciser combien d’établissements sont concernés. « Mais il n’y a aucun risque d’inhalation pour les personnes », assure Cyrille Peyraube. « Ça n’est que de l’amiante emprisonné. Le danger de l’amiante, c’est les fibres qui se baladent dans l’air », explique le directeur de cabinet de Patrick Bloche, l’adjoint à la mairie de Paris chargé de l’éducation, de la petite enfance et des familles.
Un avis que ne partagent pas les associations. « Dire que c’est sans danger est une affirmation beaucoup trop péremptoire, c’est méconnaître les dangers de l’amiante. Si c’est bien pris en charge, ce n’est pas dangereux, mais on en est loin », estime Cyril Verlingue, membre du collectif Urgence Amiante Écoles et ancien professeur au lycée Brassens à Villeneuve-le-Roi, où ont été découvertes plusieurs tonnes d’amiante en 2017.
L’amiante peut s’échapper
Si l’amiante friable, composé de fibres invisibles à l’oeil nu, est le plus dangereux pour la santé, l’amiante emprisonné n’est pas sans risques non plus. Ces fibres qui se situent dans les matériaux comme les dalles en fibrociment, les colles utilisées pour poser le carrelage ou encore les revêtements, deviennent nocives si elles sont libérées. Pour cela, il suffit d’un trou dans un mur, à la suite du plantage d’un clou par exemple. « Dans une école à l’Haÿ-les-Roses (92), derrière les radiateurs, il y avait des plaques amiantées et les enfants grattaient dedans. Et si le personnel de ménage nettoie une fois par an les sols avec des moyens abrasifs, ça attaque les fibres et ça peut les libérer », détaille Cyril Verlingue.
Les enfants, de par leur taille, sont plus près du sol et donc plus près des fibres s'il y a de l'amiante dans les écoles. / Crédits : Léo Dérivot
Si elles sont inhalées, ces particules peuvent provoquer des cancers ou des pathologies pulmonaires comme l’asbestose et des plaques pleurales. En France, l’amiante est responsable d’environ 1.700 morts par an. Les enfants, de par leur taille, sont plus près du sol et donc plus près des fibres, précise Cyril Verlingue : « Leur appareil respiratoire est en formation, il est beaucoup plus à risque. »
Un problème sous-estimé
Lorsqu’on lui parle des 456 écoles parisiennes où il pourrait exister de l’amiante emprisonné, il confie :
« C’est vrai que ce chiffre est fou mais nous on a l’habitude. »
« Les mairies ne répondent qu’au coup par coup quand les parents gueulent », commente de son côté Alain Bobbio, représentant de l’Association nationale des victimes de l’amiante (Andeva). Selon lui, le parc scolaire est « une surface énorme qui ne vieillit pas bien ». Au fil du temps, les dalles amiantées ont des composants qui se séparent et s’effritent. En 2016 l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement a consacré une enquête au sujet. Chaque école, collège ou lycée français était invité à envoyer son DTA pour analyser la part d’amiante encore présente. Selon cette étude, 38 % des écoles publiques contenaient de l’amiante (contre 77% des lycées et 73% des collèges publics) et 36% des écoles publiques qui ont répondu ont avoué que leur établissement n’a pas fait l’objet d’un diagnostic.
Le personnel des écoles est très rarement au courant, selon Marie-José Voisin, membre du collectif Anti-amiante Jussieu :
« Même le directeur ne sait pas toujours s’il en a un. »
Et l’amiante ne semble pas être un « sujet de préoccupation majeure » pour le personnel des écoles parisiennes, avance Elisabeth Kutas, membre du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la municipalité. L’organisation représentative de personnel, spécialisée dans les règles de santé et de sécurité au travail, n’aurait jamais été saisie à ce sujet. Même écho du côté de la mairie : « On n’a pas été interpellés sur l’amiante comme on a pu l’être sur d’autres sujets comme les ondes électromagnétiques », assure Cyrille Peyraube.
Chaque année, la mairie de Paris dépense deux millions d’euros pour des travaux de désamiantage dans les écoles, précise le service en charge de l’éducation, de la petite enfance et des familles :
« Le problème de l’amiante, c’est que c’est un puits sans fond. On a l’impression d’être dans la roue du hamster. »
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