En France, ils n’ont pas réussi à passer pro, mais les universités américaines offrent à ces accros de foot une nouvelle chance : rejoindre l’équipe de la Fac contre une bourse d’étude.
Stade municipal de Puteaux (92) – Sur la pelouse, l’arbitre est prêt à siffler le coup d’envoi. Maillots jaunes contre chasubles blancs. L’enjeu cet après-midi pour les 22 joueurs n’est pas une victoire en championnat mais de se démarquer. Ou plutôt de se faire remarquer par la dizaine de recruteurs venus débusquer les pépites qui vont faire vibrer les stades de « soccer » (football en anglais) des universités américaines.
Ils sont envoyés par Elite-Athlètes Agency, une agence qui fait le pont entre un pays qui se découvre une passion pour le soccer et la France, où les talents foisonnent dans les centres de formation et les championnats franciliens. Sur le gazon ce mercredi après-midi, Zidane, né en 1998, enchaîne les passes en profondeur et les une-deux. Quand il évoque son rêve américain, le joueur a les yeux qui brillent :
« Je veux vivre la version football du basketteur américain »
Ils sont déjà plus de 300 depuis 2012 à être partis taper la gonfle dans le championnat universitaire. Pour la seule année 2017, ils étaient 95.
Le nouveau Zidane. / Crédits : Sarah Elyounsi
Du foot contre des études
« A 20 ans, on peut déjà oublier sa carrière en France, alors que là-bas c’est là que tout commence. Si je peux être apprécié pour mon talent et que ça me donne accès à des études je vais tout donner pour y arriver » lâche Zidane, avec un sourire qui traduit son engouement.
Il doit d’abord travailler son anglais pour avoir le Toefl. Avec le bac, ce test de langue est l’une des conditions pour prétendre à une place au sein d’une équipe universitaire. Car le deal proposé est simple : les jeunes talents français sélectionnés défendent les couleurs de l’université sur le terrain contre une bourse d’étude. De son côté, avec plus de 2 millions de licenciés et une filière de formation reconnue, l’Île-de-France est un vivier de talents sans équivalent en Europe. C’est la région qui compte le plus grand nombre de joueurs évoluant à l’étranger après celle de Sao Paulo au Brésil.
Une chance à saisir !
Chloé, grande brune aux cheveux bouclés, est de retour à Paris pour les vacances. Depuis 1 an, elle a posé ses bagages à Orlando. En France son avenir sportif semblait un peu bouché :
« J’étais gardienne au centre de formation du PSG, un poste où il y a beaucoup de concurrence, et où on ne fait pas facilement confiance aux jeunes. »
C’est désormais pour l’University of Central Florida qu’elle enfile les gants. « Ça a vraiment été très vite. Un recruteur a transmis mes coordonnées à des équipes qui m’ont appelée. Elles m’ont ensuite sélectionnée sur la base de mes vidéos et d’entretiens Skype ». Quatre mois plus tard, l’agence lui annonce qu’elle bénéficie d’une bourse de 30.000 dollars par an si elle intègre l’équipe féminine de soccer de l’université d’Orlando. Une année scolaire coûte entre 20.000 et 50.000 dollars et la plupart des étudiants américains sont contraints de contracter un prêt pour financer le coût exorbitant de leurs études.
Stéphane est passé par l'équipe de Kansas City. / Crédits : Sarah Elyounsi
Le rêve américain
Stéphane a les épaules larges et la silhouette affûtée. Un gabarit qui laisse deviner son poste de défenseur central. Il revient de 3 années à Kansas City, un bachelor en management du sport en poche :
« Quand on débarque sur le campus on a l’impression d’être dans une série. Et ça se passe vraiment pareil, les mêmes soirées, les mêmes ambiances. En tant que sportif on a le droit à des équipements de ouf, des kinés, des masseurs, des vestiaires dignes de ceux des pros. »
Chloé, habillée de la tête au pied aux couleurs de son université, confirme ce décalage entre la France et les États-Unis :
« Ici on a de meilleures infrastructures que lorsque je m’entraînais avec le groupe pro du PSG. Au PSG on s’entraînait dans le centre de loisirs de la Banque de France, il faisait froid dans nos vestiaires. Là-bas on a des écrans, de la place, des masseurs, j’ai l’impression d’être un garçon pro en Europe. »
Et les jours de match, l’ambiance a tout d’une compétition professionnelle. Les fans s’habillent aux couleurs de l’université pour admirer le show à l’américaine. Stéphane, parti de Cergy à 20 ans, a au fil des matchs traversé les États-Unis avec ses coéquipiers. Avec toujours le même constat :
« Le sport est comme une religion, on avait un statut particulier voire même privilégié. Quand on nous voyait avec nos maillots universitaires, on était perçus comme des professionnels, en soirée on était direct identifiés comme les footballeurs de la fac. »
Les études avant le sport
Le temps de leurs études, les sportifs bénéficient de quelques passes-droits. « Ça m’arrivait de demander à un prof de manquer un cours pour aller m’entraîner quand on avait un gros match en préparation », explique Stéphane avec nostalgie. Chloé nuance ses privilèges. Un peu fâchée avec l’école avant de partir pour Orlando, elle a retrouvé le « goût de l’apprentissage ». Aujourd’hui l’obtention de son bachelor en communication n’est désormais plus un objectif secondaire, même si elle ambitionne toujours de passer pro dans le championnat anglais ou espagnol. Et même, pourquoi pas viser plus haut ?
« Il y a des joueuses que je connais qui sont parties aux USA, comme Inès Jaurena ou Laura Georges qui jouent aujourd’hui en équipe de France. »
La démarche des recruteurs n’est pas désintéressée. La NCAA, la fédération sportive des universités américaines – l’équivalent de la première division universitaire -, a un budget de plusieurs milliards de dollars. Rien qu’en droits TV, elle a généré plus d’1 milliard de dollars de revenus tous sports confondus en 2017. Il lui faut donc proposer un spectacle attrayant.
Mais une poignée seulement de joueurs du championnat universitaire rejoignent la MLS, le championnat pro étasunien. Stéphane de son côté, a tiré un trait sur une carrière de sportif de haut niveau mais il est en passe de finir son master en management du sport. Et il se voit bien continuer son chemin aux États-Unis. « C’est la plus belle expérience que j’ai eu la chance de vivre, c’est très difficile de faire mieux que les États-Unis quand on est un fan de sport et qu’on a pas envie de lâcher les études », déclare t-il en remettant ses lunettes. Il ambitionne de travailler dans l’événementiel sportif à l’issue de son cursus. Quant à Zidane qui trépigne d’impatience, il pourra, si tout se passe comme prévu, enfiler le maillot d’une équipe en septembre prochain.
Bientôt l’Amérique ? / Crédits : Sarah Elyounsi
Article de Nassim Boudraa, Sarah Elyounsi, Marvin Jouglineu, Moussa Mansa, Samir Touzani.
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