Lis Thé Ratures, la librairie afro et militante, met la clef sous la porte. En un an d'existence, elle a connu galères financières et actes de malveillance. Roxane Yap et Frédéric Kang, ses patrons, promettent de se relancer ailleurs.
« Il y a beaucoup plus de positif que de négatif qui ressort de cette aventure », commente Frédéric Kang. Le trentenaire à la carrure imposante et à la coupe afro ajustée, a rejoint le projet de Roxane Yap, Lis thés ratures, en cours de route. C’est « trois mois après l’ouverture », précise-t-il, qu’il s’engage à ses côtés pour faire vivre cette librairie afro et militante. Une expérience « intense », mais courte : un peu plus d’un an après son ouverture, le spot va mettre la clef sous la porte. Si aujourd’hui c’est lui qui prend la parole, c’est que sa « petite sœur » de coeur a le blues :
« C’est très dur pour Roxane de parler de la fermeture, elle s’est donnée à fond pour ce projet. »
Frédéric Kang a rencontré Roxane Yap après avoir relayé un article à propos de Lis Thés Ratures sur son site internet AfroTrendZ, « créé pour mettre en valeur la culture afro » :
« Roxane a créée Lis Thés Ratures pour les mêmes raisons. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés et qu’on a fini par travailler ensemble. »
h3. « Des projets plein la tête »
En février 2017, la librairie, qui fait aussi salon de thé et espace de coworking, ouvre ses portes dans une galerie commerciale de Boulogne-Billancourt, au bout de la ligne 9. Elle connaît vite un succès d’estime auprès de la communauté afro de la région parisienne, sans que l’affaire ne décolle vraiment. « Roxane a dû piocher dans la trésorerie dès le début », explique Frédéric Kang. Il souffle et poursuit :
« Les entrées ne suffisaient pas à combler les pertes. Roxane n’était pas bien accompagnée non plus : certains collaborateurs gonflaient le prix de leurs prestations. »
Des débuts difficiles donc. Mais Roxane et sa bande ne baissent pas les bras. Avec une meilleure organisation, une administration plus structurée et beaucoup de communication, la petite équipe parvient à attirer plus de monde et à créer une vraie dynamique autour de Lis Thés Ratures, autour de septembre 2017. La structure organise des rencontres avec plusieurs auteurs et réalisateurs, comme le bédéiste Djehuty Biyong ou Isabelle Boni-Claverie, réalisatrice du documentaire Trop Noire pour être Française ? :
« On a décidé d’organiser des évènements plus souvent : des projections, des rencontres et pourquoi pas des MeetWorker tous les mois. On avait des projets plein la tête… Mais c’était trop tard. »
Dettes, sabotages et solidarité
Malgré le nouvel engouement, Lis Thés Ratures croule toujours sous les dettes. Et pour ne rien arranger la structure est victime de plusieurs actes de malveillance. Après le MeetWorker du mois d’août, « un sac plastique bourré de boules de Sopalin et de serviettes hygiéniques » est retrouvé dans les toilettes. Le sabotage cause l’inondation des locaux et la perte des trois quarts du stock de marchandises :
« C’était tellement bien attaché et emballé, c’était forcément fait exprès. Quand c’est arrivé une deuxième fois, il n’y avait plus aucun doute. »
La librairie porte plainte contre X. Un recours classé sans suite. Dans un élan de solidarité, des clientes lancent toutefois une cagnotte et récoltent 7.000 euros. Ce qui leur permet de tenir encore quelques mois.
h3. Aucun doute, aucun regret
Ultime recours, le duo tente de trouver un nouvel associé, prêt à investir dans la structure et éviter la fermeture. Plusieurs personnes se manifestent, sans qu’aucune offre sérieuse n’émerge. Ils se rendent à l’évidence :
« On s’est posés et on s’est dit que ça n’en valait plus la peine. Même si on finissait par trouver quelqu’un, il aurait fallu plusieurs mois pour être sur une pente ascendante. On est vraiment allés jusqu’au bout. Roxane ne s’est jamais versée un seul salaire. Financièrement, moralement ça n’était plus possible. Roxane a pris la décision d’arrêter. »
La procédure officielle de liquidation doit être lancée dans les jours qui viennent. « Après cette étape, elle pourra souffler », complète Frédéric Kang.
Les deux amis ont déjà un nouveau projet dans les cartons, dans la même dynamique que Lis Thés Ratures, mais plus « moderne et interactif ». Ils refusent d’en dire plus et le lieu reste à encore à définir.
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