21/12/2017

Le média fête ses 2 ans

BET, la chaîne afro qui tente de faire son trou en France

Par Inès Belgacem ,
Par Pierre Gautheron

A son lancement en France, la chaîne BET avait essuyé une polémique : pas assez de Noirs pour une télé « 100% black ». 2 ans après, entre talk séries et docus, le média a trouvé son rythme de croisière et gagne doucement en notoriété.

Studio de BET, Neuilly-sur-Seine (92) – « De plus en plus street tes tenues Raphäl », balance une jeune femme en passant dans le couloir. Surpris, le présentateur baisse la tête et tourne sur lui-même pour inspecter le jean bleu et le large T-shirt blanc qui l’habillent. « C’est le haut qui tombe jusqu’à mi-cuisses qui te fait dire ça ?! » Raphäl Yem enregistre aujourd’hui une émission de BET Buzz, programme phare de la chaîne.

Depuis son lancement, le 17 novembre 2015, BET – pour Black Entertainment Television – se veut être « une fenêtre ouverte sur la black culture américaine, tout en gardant un oeil sur la France », explique Pierre Hergaut, le directeur de l’antenne. Diffusée via toutes les boxs, soit dans 22 millions de foyers, la chaîne de divertissement 100% noire se targue d’apporter un peu de diversité dans un paf français bien monochrome. Encore faut-il asseoir la marque :

« Aux États-Unis, tout le monde connait BET. Il faut maintenant indiquer que la chaîne existe en France. »

Rokhaya Diallo et Raphäl Yem / Crédits : Pierre Gautheron

Société et divertissement

Tout en relisant ses fiches, Raphäl Yem ajoute à son look un chapeau noir, accessoire dont il se sépare rarement. Le journaliste fait partie des murs. Débarqué de MTV, l’antenne voisine – les deux chaînes appartiennent même groupe, Viacom International Media Networks France – il anime depuis le lancement l’émission BET Buzz avec la journaliste et militante féministe Rokhaya Diallo, un des programmes originaux de la franchise française. À l’origine, le show durait six minutes et présentait les actus people outre-atlantique. « Et puis on a voulu parler davantage de la France. On a pris un invité, puis deux. On en veut toujours plus », rigole-t-il. Le talk dure maintenant une demi-heure et est diffusé tous les vendredis :

« C’est une émission de divertissement. On aborde aussi des sujets de sociétés, le plus souvent à travers la culture. »

« On veut que ce soit le reflet d’une France plurielle et actuelle », complète Rokhaya Diallo. Installée en studio sur l’une des chaises du plateau, la présentatrice teste le prompteur tout en se faisant maquiller. Elle se lance : « La semaine dernière, on vous annonçait une affiche 100% ivoirienne avec Kaaris et Marguerite Abouet. » Manque de bol, le rappeur et l’écrivaine – réalisatrice ont annulé tour à tour, au dernier moment. « C’est assez rare mais ça arrive. On a appelé les copains pour rebondir », sourit Raphäl. « Salut ! C’est Kaaris », crie Moussier Tombola, l’interprète de Logobitobo (corde à sauter), en arrivant sur le plateau. Suit l’humoriste Melha Bedia, en sweat rose et bonnet noir.

Snappez comme jamais / Crédits : Pierre Gautheron

La question de la représentativité des Noirs à la télé

« Nos invités sont très éclectiques. On essaie de mettre dans la lumière des gens qui ne sont pas dans les médias mainstream. Et parfois on a des invités plus renommés », raconte Rokhaya Diallo, avant de lancer l’émission. Interviews, chronique sur les tweets racistes concernant les fiançailles du prince Harry et Meghan Markle, et jeux se succèdent.

« Omar Sy a fait trois émissions de télé pour la sortie de son dernier film, dont BET », se félicite Sindanu Kasongo, responsable des programmes de BET :

« Les artistes sont contents de passer. Ils savent que chez nous il n’y a pas de piège et qu’ils seront reçus respectueusement, avec bienveillance. Nous sommes loin des interviews de Vald ou Orelsan chez Ardisson. »

Il ajoute : « Nous sommes les seuls à avoir une telle diversité sur un plateau, autant concernant les invités que les présentateurs ». À ses débuts, la chaîne avait été attaquée sur le sujet. Ses têtes d’affiche étaient, à l’époque, Hedia Charni, franco-tunisienne, et Raphäl Yem, d’origine cambodgienne. « Pour faire la promotion de la culture noire, il faut un minimum de Noirs à l’antenne », déplorait Yan Boss, porte-parole du collectif Boycott BET France, monté” à l’époque du tollé,”:http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/10/28/bet-france-une-television-ou-le-noir-derange_4798635_3212.html qui lançait le débat sur la représentation des afro-descendants dans les médias. Depuis, l’équipe de BET Buzz s’est étoffée. Rokhaya Diallo a rejoint le show, accompagnée plus tard des deux chroniqueurs Anaïs B et Baloo. La première est DJette internationale, le second influenceur.

En coulisse, ça bûche ! / Crédits : Pierre Gautheron

Se faire connaître

La chaîne BET a été créée en 1980 aux États-Unis pour promouvoir la culture et la communauté noire américaine à la télé. Deux bougies après sa création, son pendant français donne un large aperçu de cette culture US, tout en se tournant vers la France. Grandes cérémonies culturelles américaines, films et séries, tv réalité et shows importés, se mêlent à des documentaires français et BET Buzz. « Ce sont deux facettes de la chaîne que nous voulons développer », assure Sindanu Kasongo.

« Ca nous semble court maintenant 30 minutes », assure Raphäl Yem, qui vient de terminer l’enregistrement et aurait aimé avoir plus de temps avec ses invités. Plein de confiance en l’avenir, le présentateur ajoute :

« On arrive en France. Deux ans, ça n’est pas si vieux pour une chaîne. Aujourd’hui, on fait ça. Demain on fera toujours mieux. On n’a pas les moyens d’une grosse chaîne. Mais on veut créer beaucoup et faire ce qui nous semble bien. Le tout avec beaucoup de débrouille ! »

L'homme au chapeau / Crédits : Pierre Gautheron

Quoi souhaiter à la chaîne pour sa deuxième bougie ? « D’avoir encore des supers invités », pour Anais, chroniqueuse de l’émission. À Rokhaya Diallo de conclure :

« Et de toucher un public toujours plus large. »

Pour l’instant la chaîne assure faire très ponctuellement des pointes à 150.000 téléspectateurs.